Pour la première fois, Me Jakubowicz s’exprime sur le scandale qui secoue le milieu médical toulousain. L’avocat de l’interne reconnu coupable d’agression sexuelle tente de défendre l’intégration de son client au CHU de Toulouse. Me Morin, le conseil des victimes lui répond.
Après de longues hésitations, Me Alain Jakubowicz a finalement pris la parole La dépêche sur le scandale qui secoue le milieu médical. L’avocat tente de désamorcer une affaire qui dépasse désormais largement le cadre pénal. Son client, un interne de 26 ans condamné à cinq ans de prison pour agression sexuelle, s’apprête à rejoindre le CHU de Toulouse et débute un stage en radiologie à Carcassonne. Cette annonce a provoqué un tollé parmi le personnel soignant et les usagers : près de deux cents manifestants se sont rassemblés pour demander à la direction du CHU de refuser la nomination du jeune homme.
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Après avoir reconnu que « les interrogations et l’émotion suscitées par cette douloureuse affaire sont légitimes », l’ancien président de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme) est revenu en détail sur cette affaire : « Les faits dont les charges retenues contre lui ont été commises dans un contexte bien particulier, lors de soirées privées. Aucune université, aucun hôpital universitaire ne lui a jamais fait le moindre reproche. Les faits pour lesquels il a été sanctionné n’ont rien à voir avec son activité médicale.
L’avocat souligne également que, malgré la gravité des faits, son client a le droit de poursuivre sa carrière.
« Il reconnaît des faits qu’il regrette »
Selon lui, l’homme a assumé ses responsabilités et a montré des signes de réhabilitation, reconnus par les tribunaux. Au terme d’une longue enquête, deux des charges retenues contre lui ont été abandonnées. L’automne dernier, il a été jugé par le tribunal pour mineurs pour avoir tenté d’embrasser un camarade de classe en 2013, alors qu’il avait 15 ans, et il a été condamné à quatre mois de prison avec sursis.
Manque de danger ?
Le stagiaire a ensuite comparu le 19 mars 2024 pour deux autres faits survenus entre 2017 et 2020 devant le tribunal correctionnel de Tours, mais la qualification de viol n’a pas été retenue. « Or, il est vrai qu’il a commis des actes graves, dans un contexte particulier, qu’il reconnaît et qu’il regrette », rapporte l’avocat parisien.
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Les juges ont estimé que la prison n’était pas une réponse appropriée et ont pris en compte plusieurs éléments déterminants : un rapport psychiatrique qui concluait que l’accusé n’était pas dangereux, ainsi que des preuves de maturité et de stabilité. « Cette décision reconnaît le préjudice des victimes, qui ont également témoigné lors du procès. Le tribunal a rendu un jugement sévère mais juste, lui donnant la possibilité de poursuivre son chemin dans le cadre d’un séjour probatoire », affirme M. Jakubowicz.
Le parquet a fait appel, et la cour d’appel d’Orléans rendra sa décision le 3 décembre. D’ici là, le jeune homme peut légalement poursuivre ses études, après avoir bien réussi l’examen d’internat. « Il a choisi la radiologie, qui est aussi la spécialité pratiquée par son père. Dans le meilleur des cas, il ne pourra commencer à exercer que dans cinq ou six ans, au terme de la peine avec sursis à laquelle il a été condamné », explique l’avocat de l’apprenti médecin.
« Un stage de gynécologie à Limoges, c’est génial !
Les victimes, profondément indignées, se disent indignées à l’idée qu’un interne reconnu coupable de délits graves puisse réintégrer le domaine médical, malgré les protestations et les doutes exprimés par de nombreux acteurs du secteur.
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Marc Morin, l’avocat des plaignants, souligne que les faits ont été requalifiés avec l’accord des victimes, mais cela ne change rien à leur gravité. « Il y a une multiplicité
de victimes. Le combat de mes clients n’est pas de dire qu’il doit aller en prison. Ce qui les inquiète, c’est qu’il soit en mesure de soigner les femmes. Nous ne pouvons pas imaginer qu’un jour il devienne médecin. »
« Une personne condamnée ne doit pas être en contact avec des patients »
Le ténor du barreau dénonce l’incompatibilité entre ces condamnations et la pratique médicale : « Le monde médical doit changer. Une personne reconnue coupable d’agression sexuelle ne doit pas être en contact avec des patients. Son contrôle judiciaire était inapproprié, je vous rappelle qu’il a quand même fait un stage en gynécologie, c’est complètement fou !
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Il critique vertement un système qui, selon lui, protège les agresseurs : « Cette affaire est emblématique du silence médical. Il aurait dû faire l’objet d’une procédure disciplinaire dès sa condamnation. » Cette affaire soulève une question cruciale pour la profession infirmière : comment gérer les condamnations pour crimes sexuels ? Faut-il interdire définitivement l’accès aux médicaments aux personnes condamnées ou prévoir une réinsertion dans des conditions strictes ? Me Jakubowicz rappelle de son côté que son client n’est « ni un violeur ni un danger pour la société ». Il insiste sur la nécessité de « laisser les juges administrer la justice, loin des tumultes, des rumeurs et des manifestations ».