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Inéligible, ce candidat du RN confirme sa candidature au second tour des législatives. Récit d’une journée « grossière » dans le Jura

Le Rassemblement national maintiendrait-il la candidature de Thierry Mosca, candidat dans la 2e circonscription du Jura, alors même qu’il est sous tutelle et inéligible ? Récit d’une journée qui a laissé ses adversaires pantois.

La scène était pour le moins improbable. Un candidat du Rassemblement national, qualifié pour le second tour dans sa circonscription, patiente dans sa voiture, non loin de la préfecture à Lons-Le-Saunier (Jura). A quelques mètres de là, dans le bâtiment officiel, la candidate du Parti communiste français patiente également. Qualifiés pour le second tour des législatives de 2024, ils ont jusqu’à 18 heures précises pour confirmer leur candidature, ou pas.

Thierry Mosca, ou Evelyne Ternant, qui allait être présent au second tour dans la 2e circonscription du Jura face à la députée sortante Les Républicains ? Le suspense a duré jusqu’à la dernière heure. A 17h15, le candidat du RN a finalement déposé sa candidature, après une journée de référendum. « grossière ».

Depuis le début de la semaine, ce n’est pas pour ses résultats au premier tour, ni pour sa campagne, que Thierry Mosca fait parler de lui dans la presse. Ce membre historique du Front national (devenu depuis Rassemblement national) a rassemblé 32,76 % des voix au premier tour des législatives de 2024, dans la 2e circonscription du Jura. Le candidat serait toutefois sous une curatelle qui le rendrait de facto inéligible. Plusieurs médias ont confirmé l’information de nos confrères du Progrès.

Alors, face au scandale, et à la possibilité que le Rassemblement national demande au mosaïste de 65 ans de retirer sa candidature, Evelyne Ternant, la candidate du PCF arrivée troisième (24,75%) et qui avait renoncé à une course à trois au soir du premier tour, s’est présentée à la préfecture : « J’ai mon petit dossier, et j’attends » soupire la retraitée. Si Thierry Mosca se retire, elle veut maintenir sa candidature face à la députée LR sortante, Marie-Christine Dalloz.

« C’est absurde » le candidat communiste s’énerve. « Je pense que c’est évidemment la décision du Rassemblement national de ne pas le représenter. » Mais en l’absence d’annonce, elle ne peut en être certaine : « Si je confirme ma candidature, je ne peux plus la retirer… Et je me retrouverais dans une course à trois que je ne souhaite absolument pas » elle explique.

Du côté du Rassemblement national, c’est le grand silence : les deux autres candidats RN du département, également qualifiés pour le second tour, ne répondent pas, ou esquivent la question. Contacté, Julien Odoul, député de l’Yonne et membre de la commission d’investiture, nous raccroche au nez quand on évoque le nom de Thierry Mosca.

Depuis sa voiture, Thierry Mosca, qui a rasé sa longue barbe quelques jours avant le premier tour, dit attendre la décision de son parti. Il est presque 17 heures :« J’attends que quelqu’un m’appelle ». « Pas encore de déclaration, mais ça viendra » il ajoute.

C’est finalement une demi-heure avant l’heure limite que le candidat du RN a confirmé sa candidature. « Il a fallu attendre que certaines discussions soient terminées » explique encore Thierry Mosca.

« J’étais dans une salle d’attente, les services de la préfecture étaient censés me prévenir s’il témoignait » déclare Evelyne Ternant. « Le directeur de cabinet du préfet est venu me le dire. » L’activiste communiste est découragé : « La direction du RN ne se fait aucun honneur en validant un candidat qui ne peut être élu. »

Rien à voir avec cette histoire de tutelle !

Thierry Mosca, candidat du RN dans la 2e circonscription du Jura

Contacté après avoir déposé sa candidature, Thierry Mosca a changé de ton : « Pourquoi ai-je déposé ma demande si tard ? C’était uniquement pour des raisons médicales concernant ma femme, dont je préfère ne pas parler. Rien à voir avec l’histoire de la tutelle ! » Selon lui, « La curatelle c’est uniquement pour des raisons financières, comme beaucoup d’artisans, j’ai des problèmes financiers. » « J’aurais dû étudier le Code électoral avec plus d’assiduité » le candidat concède cependant. Mais, « Un problème comme celui-là ne m’empêchera pas de mener à bien les élections » il dit.

Selon nos confrères du Progrès, après avoir été poursuivi pour les faits de travail dissimulé et de non-respect des conditions de paiement de salaire par Thierry Mosca, le procureur de la République de Lons-le-Saunier aurait finalement renoncé : « les faits révélés ou dénoncés ont été commis par une personne qui ne paraît pas être en pleine possession de ses facultés mentales » aurait prévenu le procureur de la République.

Toute la journée, Marie-Christine Dalloz, députée LR sortante de la 2e circonscription du Jura, a attendu de savoir qui serait son adversaire au second tour ? Le RN ou le Nouveau Front Populaire.

Députée depuis 16 ans dans le Jura, elle dénonce également une situation « grotesque », « inédit » et une « vide » dans le Code électoral. « Les documents que doit fournir un candidat ne permettent pas d’identifier un candidat qui est sous tutelle renforcée. C’est ce qui devra être revu dans le Code électoral. ».

Le candidat républicain espérait un revirement du Rassemblement national. Il n’en fut rien. « Il y aura certainement un recours contre cette élection. Nous sommes au royaume d’Ubu dans le Jura, nous n’avions pas besoin de cela… Cette situation m’inquiète pour l’avenir de la démocratie. Comment mobiliser les électeurs dans ce contexte ? » demande la députée, très attachée à son territoire.

C’est en fin de journée, après la confirmation de la candidature de Thierry Mosca, qu’un membre du Rassemblement national a finalement pris la parole : « tous nos candidats en position de rester restent » a déclaré Émeric Salmon, député de la 2e circonscription de la Haute-Saône, élu dès le premier tour. « C’est vous, la presse, qui dites qu’il n’est pas éligible. S’il y a un litige après l’élection, on verra. C’est un débat qui sera réglé devant les tribunaux. »

Contactée par France 3 Franche-Comté, Me Marie-Elisabeth Baudoin, professeure de droit public à l’université de Clermont-Ferrand, précise que le Code électoral prévoit très clairement (article 129) que les personnes sous tutelle ou curatelle sont inéligibles. « Ainsi, un candidat qui sait qu’il est sous tutelle sait qu’il ne peut être élu. La Constitution (article 59) prévoit que c’est le Conseil constitutionnel qui juge de la régularité des élections législatives en cas de contestation. Ce qui signifie que ce résultat déjà acquis peut faire l’objet d’une contestation soit par un citoyen de la circonscription, soit par un candidat qui s’est porté candidat dans la même circonscription ».

Le Conseil constitutionnel peut conduire à l’annulation du scrutin puisque le candidat est inéligible. A partir du moment où il a pris sa décision, de nouvelles élections doivent être organisées dans un délai de trois mois. Le Haut-Jura votera ce dimanche 7 juillet et n’est pas à l’abri d’un nouveau scrutin dans les prochains mois…

Cammile Bussière

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