Industrie : Macron veut verdir son blason

En termes de communication, ce n’est plus une blague, c’est une révolution. Oublié le chantre de la « start-up nation », celui qui a tout « chamboulé » et semblait dévisager la « vieille industrie », le nouvel Emmanuel Macron veut reconstruire notre appareil productif. « La réindustrialisation de la France est la mère des batailles », assure-t-il, poursuivant le virage sur l’aile amorcé au printemps 2020 en pleine crise du Covid, au moment où les mots de « souveraineté industrielle » apparaissaient dans la phraséologie présidentielle. La communication renouvelée sur le sujet vise aussi, on s’en doute, à tourner la page de la réforme des retraites, pour aborder des sujets qui paraissent plus consensuels.
En début de semaine, deux événements devraient incarner ce volontarisme retrouvé : le sommet Choose France, qui s’est tenu lundi à Versailles sur fond de milliards de subventions, et la présentation du projet de loi de l’industrie verte, en Conseil des ministres, le jour suivant. Avec le même fil conducteur qui en dit long sur la philosophie du chef de l’Etat : pour Emmanuel Macron, la réindustrialisation implique à la fois un afflux d’argent public vers le secteur privé et un assouplissement des normes destinées à faciliter la vie des entrepreneurs.
Un nouveau crédit d’impôt de 500 millions d’euros… sans étude d’impact
Le projet de loi industrie verte prévoit un nouveau crédit d’impôt, d’un montant de 500 millions d’euros, pour quatre filières : les pompes à chaleur, l’éolien, le photovoltaïque et les batteries. L’objectif est de couvrir jusqu’à 45% des investissements réalisés.
Même si personne ne sous-estime l’importance de ces secteurs dans la transition énergétique, l’offre est sceptique. « Où est l’étude d’impact justifiant ce nouveau crédit d’impôt ? feint d’interroger Maxime Combes, économiste et membre d’Attac. De plus, ce crédit est censé générer 20 milliards d’investissements d’ici 2030, mais cela n’a été démontré nulle part. » Pour Maxime Combes, il serait beaucoup plus structurant de commencer par conditionner les quelque 200 milliards d’euros d’aides publiques accordées chaque année aux entreprises au respect de critères sociaux et environnementaux.
Dans le même ordre d’idées, l’économiste Axelle Arquié souligne les limites d’un tel dispositif : « Les investissements nécessaires à la transition sont colossaux et semblent difficiles à réaliser par le seul secteur privé. Nous devons investir maintenant, sans savoir quand nous réaliserons des bénéfices. Or, le crédit d’impôt s’inscrit dans une politique passive ex post, c’est-à-dire une fois que les bénéfices existent déjà… »
Raccourcir les délais de mise en place des usines… en contournant les procédures environnementales ?
L’exécutif veut aussi raccourcir les délais d’implantation des nouvelles usines, pour les faire passer en moyenne de dix-sept à neuf mois. Une volonté simplificatrice qui ne risque pas de rassurer les ONG : « Nous lions ce raccourcissement aux récentes annonces d’Emmanuel Macron concernant une pause réglementaire sur les normes environnementaless’inquiète Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous. Le signal envoyé aux industriels est le suivant : « Venez chez nous, vous pouvez ouvrir vos usines dans neuf mois et nous ne vous embêterons pas avec le climat. » Le gestionnaire craint que cette accélération ne court-circuite les procédures encadrant l’implantation d’un site industriel : étude d’impact environnemental, consultation des acteurs locaux, recours judiciaires éventuels, etc.
D’autres éléments du plan font plus consensus, comme le financement de la dépollution des friches industrielles pour y installer de nouveaux sites. « Globalement, il nous semble préférable d’implanter des usines sur d’anciennes friches, plutôt que d’augmenter l’artificialisation des terres »résume Aurélie Brunstein, responsable industrie lourde au Climate Action Network (RAC).
Concentrer les efforts sur les technologies du futur en radiant des pans entiers de l’industrie pour les profits et pertes
Néanmoins, certains s’inquiètent d’une sorte de table rase politique qui concentrerait ses efforts sur les technologies du futur, tout en pénalisant des pans entiers de l’industrie pour les pertes et profits.
« Cela ne peut pas remplacer la politique industrielles’alarme Marie-Claire Cailletaud, conseillère au Conseil économique, social et environnemental de la CGT. On a l’impression que le mot d’ordre du gouvernement est d’ouvrir de nouvelles usines en laissant filer celles qui existent. Un exemple parmi d’autres, dans l’industrie automobile : on mise sur l’implantation de fabricants de batteries électriques, mais on oublie les milliers de suppressions d’emplois programmées dans le thermique. »
Ou comment exalter les vertus de la réindustrialisation, tout en cautionnant la liquidation de secteurs entiers. L’exemple dramatique de la société Valdunes montre les dangers d’une telle politique.
Grb2