Inde : GB Road, dans l’enfer des prostituées du plus grand quartier chaud de Delhi

Elle a la cinquantaine et n’a peut-être jamais vu le quartier hyperactif de la gare de New Delhi, à cinq minutes de là. Assise sur un petit banc de bois, comme les mineures et les femmes approchant les trois quarts de siècle, elle repousse sans cesse les mains des hommes ivres qui ont dépensé leur argent en boisson mais veulent encore lui toucher les seins ou l’entrejambe. Le ciel sans nuage est gris de pollution, le soleil n’est pas encore couché, mais des dizaines de prostituées sont déjà dans la rue, devant des rangées de scooters garés là. Bientôt, les pâles néons éclaireront Garstin Bastion Road, le plus grand quartier chaud de la mégapole indienne.

L’air est lourd et humide. Des chiens errants s’étalent sur le trottoir. On ne sait pas s’ils sont vivants ou morts dans cette chaleur étouffante. En revanche, peu de doute pour ce vieil homme rachitique, couché sur un morceau de carton. Il a fini ses jours ici, entouré de mouches qui se posent sur son tee-shirt blanc, son pagne ou autour de sa bouche ouverte. Quant à l’odeur de GB Road, elle est insupportable et prend à la gorge. Outre les pots d’échappement, chaque ruelle quittant la route principale a vu ses murs se transformer en urinoirs jamais tirés, gravant l’âcreté de l’urine dans la pierre.

Jusqu’à 9 000 femmes détenues à la prison de GB Road

Le plafond de poussière recouvre la « rue de l’amour », comme on la surnomme si mal. Elle est constituée de deux rangées d’immeubles de quatre ou cinq étages entrelacés de câbles électriques et criblés de petites fenêtres grillagées. Des mains s’y agrippent. Celles de femmes assez âgées, le visage creux tourné vers le trafic incessant et les prochains clients potentiels. « Regarde là-haut, c’est là qu’ils dansent ou font… » Muskan l’interrompt en serrant les dents. La jeune femme est une bénévole de l’association Kat Katha, qui tente de faire sortir les prostituées de là.