Deux jours après son discours de politique générale, le Premier ministre a détaillé jeudi soir son programme gouvernemental.
C’est ce qu’on appelle le service après-vente. 48 heures après son discours de politique générale, au cours duquel il a exposé les grandes orientations de son action devant les députés, Michel Barnier a tenu à détailler ses décisions en prime time. Impôts, immigration, sécurité… Alors que les inquiétudes des Français ne manquent pas cet automne, le Premier ministre était l’invité jeudi soir de l’émission « L’événement» sur France 2.
Interrogé par Caroline Roux une semaine avant la présentation du budget 2025, qui, sans majorité absolue à l’Assemblée, pourrait être adopté grâce à l’article 49-3 de la Constitution, Michel Barnier a précisé sa ligne économique. Ceci, après avoir demandé depuis la tribune du Palais Bourbon, un effort fiscal « limité dans le temps » et partagé par les plus grandes entreprises et les Français « le plus chanceux ». Pour économiser 60 milliards d’euros dans le prochain projet de loi de finances, le gouvernement compte couper 40 milliards de dépenses, et en récupérer 20 milliards grâce à l’augmentation des recettes et à des hausses d’impôts. Une rupture depuis 2017 qui a de quoi faire bondir certaines figures macronistes.
Macron-Barnier : un « socle législatif moins minoritaire que les autres »
Nommé il y a un mois à Matignon, Michel Barnier est revenu sur la relation qu’il entretient avec Emmanuel Macron. Bien que les deux hommes soient issus de familles politiques différentes, le Premier ministre juge qu’ils ne sont pas en « cohabitation ». « Dans la base législative qui est appelée à me soutenir, il y a beaucoup de députés très proches du président de la République : je n’ai pas de majorité relative sans eux »il voulait rassurer. Une manière de calmer le jeu au sein du bloc central.
Avant de rendre hommage à sa famille politique, Les Républicains, « qui a accepté de rejoindre » le gouvernement. « C’est tout ça qui constitue une base, qui est une minorité je sais, mais moins minoritaire que les autres bases, celle de la gauche ou du Rassemblement National »il a insisté pour mieux établir son « légitimité ». Et dissiper la méfiance qui règne parmi les troupes macronistes.
Pas de « négociation » avec Marine Le Pen
Le premier ministre a mis les points sur les i. Alors que Marine Le Pen se retrouve au centre du jeu politique, après ne pas s’être prononcée contre la nomination de Michel Barnier, la chef de file des députés RN peut user de son pouvoir à tout moment. En brandissant la menace d’un vote d’une motion de censure qui, associée aux voix de la gauche, ferait tomber immédiatement le gouvernement. La polémique suite au refus du ministre de l’Economie, Antoine Armand, de recevoir des élus nationalistes à Bercy, l’a montré.
Si Michel Barnier avait dû faire marche arrière lors d’un appel téléphonique à l’ancien candidat à la présidentielle, il a indiqué jeudi soir qu’il ne le ferait pas. « négocier » avec Marine Le Pen, « ni avec les partis d’extrême gauche ». « Elle représente des millions de citoyens avec son groupe, je lui ai rappelé que tous les députés seraient respectés, ça ne nous empêche pas d’avoir de gros différends avec le RN »a-t-il précisé. Et de reconnaître qu’en cas d’alliance entre la gauche et le parti de la flamme : « Je (devrais) quitter mes fonctions. »
« Je n’ai pas le temps » : la réponse à Darmanin
Opposé à un effort fiscal « limité dans le temps » et partagé par les plus grandes entreprises et les Français « le plus chanceux » a évoqué mardi le Premier ministre, Gérald Darmanin a jugé « inacceptable » sur France Info tout projet de loi de finances qui augmenterait les impôts. Et celui qui a été en charge des Comptes publics entre 2017 et 2020 a menacé de ne pas voter le budget.
Point d’orgue des tensions au sein de la nouvelle majorité, l’avertissement n’a pas échappé à Michel Barnier. « Je n’ai ni le temps ni l’envie de faire des polémiques »a répondu le Premier ministre, qui renvoie le député du Nord aux futurs débats parlementaires. « S’il a de bonnes idées pour trouver d’autres solutions et réduire la dette, je reste ouvert »a-t-il plaisanté dans une réponse similaire à celle qu’il a donnée mardi à Gabriel Attal.
« 300 entreprises » touchées par la hausse des impôts
Quelques « 300 entreprises » seront touchés par des hausses d’impôts pendant un an ou deux, a déclaré jeudi Michel Barnier, réfutant toute « choc fiscal » comme certains l’accusent, y compris ses partenaires macronien. « Nous allons demander un effort aux plus grandes entreprises qui font plus d’un milliard (€ de chiffre d’affaires) et un effort temporaire exceptionnel.
Les hausses d’impôts sur les plus riches vont « récupérer 2 milliards d’euros »
« L’effort que nous allons demander » à « les gens les plus chanceux » permettra « pour récupérer 2 milliards d’euros »a déclaré le Premier ministre jeudi. Le dernier « repose sur une fiscalité sur les très hauts revenus qui a été mise en place par François Fillon et Nicolas Sarkozy il y a quelques années. Nous allons ajouter quelque chose à ce système pour la participation exceptionnelle et temporaire des personnes les plus fortunées »a ajouté le chef du gouvernement.
Agriculture : « Une rupture avec les normes »
Le Premier ministre a promis jeudi de « faire une pause avec les normes » Pour « encourager » agriculteurs touchés par les crises. « Ces agriculteurs qui sont touchés par les crises sanitaires et les mauvaises récoltes méritent d’être encouragés. Ils en ont marre. Marre des contraintes, des règles et des contrôles. Nous allons donc faire une pause par rapport aux normes.»a-t-il déclaré.
« Fusionner les services publics » et « ne pas remplacer tous les fonctionnaires »
Le gouvernement compte « fusionner les services publics » Et «ne remplacera probablement pas tous les fonctionnaires» afin de réduire les dépenses publiques. « Quand ils ne sont pas en contact direct avec les citoyens, tous les fonctionnaires qui partent à la retraite »a expliqué Michel Barnier.
« C« Je fixe la limite » sur l’immigration
« C’est moi qui fixe la ligne » sur l’immigration, et « il y aura des mesures rigoureuses pour le contrôler »a également assuré Michel Barnier après des propos polémiques du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, notamment sur la« Etat de droit». Un premier flic en France chargé de« exécuter » OQTF (obligations de quitter le territoire).
Le Premier ministre semblait avoir écarté l’idée d’une nouvelle loi sur l’immigration, comme le réclamait la chef des députés du Rassemblement national Marine Le Pen. « Je ne vais pas annoncer les lois à l’avance »il a dit, mais « peut-être qu’il y aura des modifications à la loi (actuelle) si nécessaire ». « Je ne vais pas me lancer dans de grands débats idéologiques ».