Impôt sur le revenu, flat tax, ISF… Quels sont les leviers fiscaux que Michel Barnier pourrait activer ?
Le nouveau Premier ministre pourrait décider d’augmenter les impôts pour faire face à une situation budgétaire qu’il juge « très grave ». Mais augmenter les impôts ne signifie pas nécessairement augmenter l’impôt sur le revenu.
Aux grands désespoirs, les grands désespoirs. Face à une situation budgétaire qu’il juge « très grave », le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, pourrait utiliser le levier fiscal en ciblant les « contribuables les plus aisés et les entreprises rentables », selon une information du Parisien, confirmée par BFMTV.
Même si Matignon se défend d’envisager une telle décision à ce stade, elle a eu le mérite de relancer un débat que l’on croyait définitivement enterré sous l’ère Macron. Ce mercredi 18 septembre, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, s’est engouffré dans la brèche sur RMC et BFMTV :
« Il faut surtout faire des économies dans les dépenses (mais) si on doit faire un effort fiscal, il serait très souhaitable de ne pas toucher les classes moyennes et les PME. En revanche, il ne faut pas exclure un effort exceptionnel et raisonnable de la part de certaines grandes entreprises ou de certains gros contribuables. »
Selon lui, un effort de 110 milliards d’euros sur sept ans devra être consenti pour assainir les comptes. Face à une pression de plus en plus insistante, de quels leviers dispose Michel Barnier ?
• L’augmentation de l’impôt sur les sociétés
Parmi les solutions envisageables, une hausse, temporaire ou non, de l’impôt sur les sociétés pourrait être envisagée. Actuellement au taux de 25 %, cet impôt sur les bénéfices des entreprises rapportait 110 milliards d’euros en 2023. Selon une note d’information de Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Epargne, centre d’études dédié à l’épargne et à la retraite, une hausse d’un point pourrait rapporter 4 milliards.
• Taxer les superprofits
Si le ministre de l’Economie démissionnaire, Bruno Le Maire, ne « sait pas ce qu’est un superprofit », son successeur pourrait chercher à mettre une définition derrière ce terme. En effet, il n’existe pas de signification précise, ni de seuil de rentabilité au-delà duquel on parle de superprofit.
« La notion de superprofits renvoie à des profits exceptionnels, souvent obtenus dans des conditions économiques particulières (comme une crise, une pénurie ou une hausse brutale des prix) et qui dépassent largement les profits habituels », note Philippe Crevel. Difficile donc de savoir combien une telle mesure pourrait rapporter. Cela dépendrait du secteur visé et du niveau au-delà duquel on choisit de taxer.
Par exemple, la « contribution sur les rentes inframarginales », dispositif mis en place lors de la crise énergétique en 2022, pourrait rapporter 3 milliards d’euros à l’Etat.
• Augmentation de l’impôt forfaitaire
Introduit en 2018, le prélèvement forfaitaire unique (PFU), dit « flat tax », s’applique aux revenus du capital, qui comprennent les intérêts, les dividendes et les plus-values (actions de bourse, assurances-vie, etc.). Ce taux de 30 % se décompose comme suit : 12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux.
Lors de l’examen du budget 2023, le Modem avait proposé un amendement augmentant la flat tax à 35% avant qu’il ne soit balayé par l’ancienne majorité. « Le PFU a généré environ 17 milliards d’euros en 2023. Une hausse de 5 points du PFU pourrait augmenter les recettes de 2,8 milliards d’euros », estime Philippe Crevel.
• Augmentation des cotisations de sécurité sociale
Selon Philippe Crevel, le montant total des cotisations sociales (salariales et patronales) collectées en France s’élèverait à environ 660 milliards d’euros, en utilisant les données de la sécurité sociale et de l’Urssaf.
« Théoriquement, une hausse d’un point des cotisations sociales pourrait générer des recettes supplémentaires de 6 milliards d’euros », estime l’économiste.
• Le rétablissement de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF)
Jusqu’à sa suppression en 2018, l’ISF rapportait près de 5 milliards d’euros à l’Etat, une somme conséquente. Son remplaçant, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), atteint à peine 2 milliards d’euros.
« Compte tenu de la hausse des sûretés, un rétablissement de l’ISF sous une forme similaire à celle d’avant 2018, avec les mêmes seuils et taux d’imposition, pourrait générer un gain annuel de 4,5 à 5 milliards d’euros supplémentaires », explique Philippe Crevel. Soit près de 7 milliards d’euros. Difficile toutefois d’imaginer Michel Barnier réinstaurer l’un des marqueurs de la politique de l’offre d’Emmanuel Macron.
• Augmentation de l’impôt sur le revenu pour les ménages les plus aisés
L’impôt sur le revenu des ménages a rapporté près de 113 milliards d’euros en 2023. Selon Philippe Crevel, une hausse de 5 points pour les 10 % les plus riches rapporterait plus de 3,8 milliards d’euros.
• Augmentation d’un point de TVA
En 2023, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a rapporté environ 176,3 milliards d’euros à l’État français, selon les données révisées du projet de loi de finances 2024. Le taux normal de TVA en France est fixé à 20 %.
Une augmentation de ce taux à 21 % pourrait générer des recettes supplémentaires de 8,8 milliards d’euros, à condition que la consommation ne pâtisse pas de la hausse des prix. Augmenter la TVA serait cependant une mesure profondément inégalitaire. En effet, cet impôt sur la consommation reste le même pour toutes les catégories de revenus. Son poids est donc plus important pour les ménages les plus modestes.
Une autre option consiste à relever certains taux de TVA, par exemple en faisant passer le taux intermédiaire de 10 % à 12,5 %. Selon l’Inspection générale des finances, une telle mesure pourrait rapporter 3 milliards d’euros aux caisses de l’État. Supprimer le taux réduit de TVA dont bénéficient certaines professions comme l’hôtellerie et la restauration représenterait 4 milliards d’euros supplémentaires.
• Augmentation d’un point de la CSG
En 2023, la contribution sociale généralisée (CSG) a généré près de 121 milliards d’euros, ce qui en fait l’une des principales sources de recettes fiscales en France. Cet impôt, soumis à un taux fixe, frappe notamment les revenus du travail, du capital et les retraites.
« Une hausse d’un point de la CSG en France pourrait rapporter environ 13,4 milliards d’euros supplémentaires en 2024. Ce chiffre est basé sur les recettes actuelles et peut varier en fonction des revenus », précise Philippe Crevel.