IMMERSION. Le quotidien toujours chaotique des habitants du Mont-Dore Sud, cent jours après le début des émeutes

À Mont-Dore Sud, les habitants vivent au rythme des navettes maritimes. Il leur faut parfois patienter plusieurs heures pour rejoindre Nouméa en bateau. Files d’attente interminables, dépenses supplémentaires, météo changeante… De nombreux facteurs compliquent le quotidien de ces Mondoriens devenus dépendants de la mer.

Depuis trois mois, le Sud du Mont-Dore est devenu le royaume du système D. « Je préfère laisser mes bagages en premier et la semaine prochaine je partirai seul avec mon sac à dos »confie Baptiste Tidjine, qui prend l’avion dans une semaine.

Pour contourner la fermeture de la tribu de Saint-Louis, près de laquelle la police a érigé deux imposants postes de contrôle appelés « écluses », des navettes sont mises à disposition des voyageurs qui souhaitent se rendre à Nouméa et des péniches se chargent de transporter les marchandises.

Nous avons créé ce petit village pour apporter un peu de gaieté au Mont-Dore Sud.

Elodie, exposante au nouveau marché de Vallon-Dore.

Le quai situé à côté de l’école Les Dauphins est devenu le cœur du Mont-Dore Sud. Un marché a même vu le jour pour répondre aux besoins des commerçants et des résidents. « Cela nous permet de nous approvisionner, de rencontrer des gens, de sortir de chez nous puisque nous n’avons pas la possibilité de quitter le Mont-Dore »dit Najibe Palai, un habitant.

Depuis leur roulotte-restaurant, Elodie Meuret et Miguel Vergara apportent de quoi réchauffer les cœurs et satisfaire les estomacs.Nous avons créé ce petit village pour ramener un peu de joie, de convivialité, de solidarité entre citoyens. Mais aussi pour fournir du travail les producteurs du Mont-Dore Sud. »

Direction La Coulée, à quelques kilomètres. Sur la RP1, un mur de sacs de terre barre la route vers Saint-Louis, une zone toujours dangereuse. La police vérifie l’identité des piétons qui franchissent ce « sas » et ce qu’ils transportent.

Un maximum de trois litres d’essence par personne est autorisé. « C’est difficile parce qu’il faut venir à pied, traverser la «frontière« « décrit une jeune femme, canette à la main.

Aujourd’hui, ils n’ont plus rien… On est habitués. Dans une tribu, on vit avec rien.

Alphonse Caena, habitant du Mont-Dore

Plus au sud de la ville, à Plum, un groupe de militants indépendantistes a installé son campement sur un rond-point. Ils présentent leur campement comme un lieu d’échange et d’entraide.Nous sommes habitués à vivre dans la pauvreté, donc ce n’est pas un problème. Dans la tribu, nous vivons sans rien, Alphonse Caena remet en perspective. Aujourd’hui, ils n’ont plus rien… Nous sommes habitués. Qu’ils viennent nous voir et nous leur apprendrons à vivre, à manger, à boire un peu de café, de tisane. Des choses simples, basiques.

Sur la plage de Carcassonne, Olivier Fusco est venu profiter du soleil en famille. Mais pour cet ouvrier des mines au chômage depuis les émeutes, le moral n’est pas au meilleur. « Cette situation commence à devenir pesante. Nous avons pas mal d’amis au Mont-Dore donc on arrive quand même à avoir une vie sociale. Mais nous avons aussi beaucoup de famille à Nouméa donc on les voit très peu. »

Après une centaine de jours de routes bloquées, certains habitants de Mont-Dore Sud estiment que la solution à cette situation viendra de la mer. Ils attendent que les élus développent des navettes maritimes. Un projet que la Province Sud avait lancé, sans y donner suite.

Président de l’association citoyenne mondorienne, Florent Perrin estime que « Il faut libérer le passage Saint-Louis ». « Il n’est pas certain que l’ajout de navettes soit possible ou efficace », il croit.

Aujourd’hui, Mont-Dore Sud est devenue une île.

Florent Perrin, président de l’association Citoyenne Mondorian

L’association organise deux mobilisations ce dimanche après-midi, au lycée du Mont-Dore et au quai du Vallon-Dore pour « pour marquer l’occasion, cent deux jours après le début du blocus du RP1 et pour exiger la liberté de mouvement ».

Cette fermeture du RP1 entraîne de nombreuses difficultés, notamment pour les élèves et le personnel scolaire de l’école secondaire du Mont-Dore, qui ont de la difficulté à se rendre en cours ou au travail. « On se demande aussi comment font les gens qui vont dans d’autres établissements. »

Entre colère et résilience, les habitants de Mont-Dore Sud s’adaptent. « Aujourd’hui, Mont-Dore Sud est devenu une îlecompare Florent Perrin. Nous comprenons que la situation n’est pas facile pour les gendarmes de Saint-Louis, avec des gens armés face à eux. Mais combien de temps allons-nous rester comme ça ? Nous aimerions savoir quel sera notre avenir dans le sud du Mont-Dore.