Bourse Entreprise

«Ils se donnent nos coordonnées bancaires» : l’interminable cauchemar des victimes d’Indexia

«Ça ne finira jamais», souffle une victime du groupe Indexia. Ce 30 septembre au tribunal judiciaire de Paris, les parties civiles sont sous le choc après les révélations de l’avocat de l’UFC-Que Choisir. L’association de consommateurs a collecté des témoignages de victimes affirmant avoir constaté ces derniers jours de nouveaux retraits non autorisés sur leurs comptes bancaires.

Un cauchemar sans fin pour les 1 600 personnes constituées parties civiles lors du procès titanesque de Sadri Fegaier et de ses sociétés. Sfam, Hubside, Serena, Foriou et deux autres sociétés appartenant à l’ancien magnat de l’assurance mobile ont été jugées fin septembre pour « pratiques commerciales trompeuses ». Des prélèvements plusieurs fois par mois, des sommes croissantes, avec impossibilité de résilier les contrats… Dans cette affaire, des milliers de consommateurs estiment avoir été piégés par les contrats signés avec les entreprises de Sadri Fegaier. « Certains consommateurs ont perdu plus de 20 000 euros », relate Me Rachel Nakache, l’avocate qui a représenté près de 500 clients lors du procès.

Malgré le placement en liquidation judiciaire de Hubside, de la Sfam et du groupe Indexia au printemps dernier, « l’arnaque continue », assurent plusieurs victimes. C’est le cas de Samuel Claus. Attiré par la promesse d’une batterie gratuite, l’homme de 27 ans s’est laissé attirer dans un magasin Hubside de Nice (Alpes-Maritimes) en 2022.

« J’ai souscrit à des offres (abonnement mensuel comprenant une assurance mobile, un scooter offert, une PlayStation 5 et le nouvel iPhone chaque année) mais lorsque j’ai réalisé que j’étais facturé plusieurs fois par mois, sans bénéficier des services promis, j’ai décidé d’y mettre un terme. Mon conseiller bancaire a été compréhensif et m’a interrompu mes mandats », explique-t-il, confiant avoir été débité d’environ 300 euros en quatre mois. Puis il n’entend plus parler des entreprises de Sadri Fegaier… Jusqu’en août 2024.

« Je n’ai jamais entendu parler de cette entreprise »

Le 31 août à deux heures du matin, le commercial reçoit un email confirmant son abonnement au « Pack Premium » de la société Equestrian Cup. Ci-joint, un contrat reprenant ses informations personnelles et dans la case « signature client » est indiqué : « Contrat validé suite à appel le 30/08/2024 ». « Mais je n’ai reçu aucun appel ce jour-là, je n’ai jamais entendu parler de cette entreprise », assure Samuel.

Le 6 septembre, Equestrian Cup facture 54,99 euros, puis 49,99 euros le 13 septembre. Connaissant sa situation, sa banque a immédiatement bloqué les mandats et lui a remboursé les sommes prélevées. Samuel Claus n’est pas en colère. « Ils ont pris ma signature et mes informations personnelles pour un contrat auquel je n’ai donné aucune validation. »

La société Equestrian Cup est enregistrée en Belgique et appartient à un certain Nicolas Deridder. Pour Samuel Claus, le lien entre l’entreprise et Sadri Fegaier ne fait aucun doute. La manière de procéder, les abonnements proposés, le site internet, les contrats… « Il y a beaucoup de similitudes avec Hubside et Serena », assure-t-il. La page Web de l’Equestrian Cup montre également un avis client faisant l’éloge de… Serena, une entreprise de Sadri Fegaier.

Des liens très clairs entre Sadri Fegaier et Nicolas Deridder

« Sur mon contrat signé avec Hubside, il y a une erreur dans le nom de ma rue. On retrouve la même chose sur le contrat Equestrian Cup », explique Samuel Claus. Selon lui, Sadri Fegaier a transmis les données de ses clients, notamment bancaires, à Nicolas Deridder. «On ne voit pas comment expliquer cela autrement», affirme prudemment Mme Rachel Nakache, qui dénonce une pratique «totalement interdite». « Y aura-t-il une enquête ? se demande-t-elle. Si c’est le cas, elle nous le dira. »

Sur les réseaux sociaux, les liens entre Sadri Fegaier et Nicolas Deridder sont très clairs. Les deux hommes apparaissent complices et partagent le même amour de l’équitation. Sous le nom de « Hubside Jumping », Sadri Fegaier organisait des concours de saut d’obstacles dans son Haras des Grillons, près de Valence (Drôme) mais aussi dans un haras à Grimaud, près de Saint-Tropez (Var). Des concours assez connus dans le secteur. Mais depuis octobre 2023, c’est le célèbre Nicolas Deridder qui les organise via sa société… Equestrian Cup. Et depuis qu’il tient les rênes de ces événements, les ennuis s’accumulent.

« Il conduit une voiture de luxe, est bien habillé et confiant », décrit Romain Seriey, loueur de matériel motorisé pour le BTP. « Il est venu me louer un chariot télescopique, il a sorti cinq cartes noires, ça me met en confiance », raconte-t-il. Mais lorsqu’il tente de récupérer la caution, les choses se bloquent. « J’ai finalement réussi à prendre 1 000 euros répartis sur deux cartes », explique Romain Seriey. Il assure que Nicolas Deridder n’a jamais payé ses services, lui laissant une dette de 9 000 euros.

18 000 $ payés pour un événement annulé

Côté concurrence, les plaintes se multiplient. Contactée, la Fédération Équestre Internationale (FEI) nous a confirmé avoir « annulé cinq spectacles que Equestrian Cup Events devait organiser en juin et juillet 2024 en raison du non-paiement des athlètes et des officiels lors des compétitions précédentes ». Un site Web a même été créé par un client contrarié d’avoir payé 18 000 $ pour une table VIP lors d’un événement annulé. Contactés à plusieurs reprises, ni Nicolas Deridder ni Sadri Fegaier et ses avocats n’ont souhaité répondre à nos questions.

Un autre nom circule ces derniers jours sur les forums de victimes : celui de Julien Bibard. L’ancien responsable clientèle d’Indexia dirige la SPVI, spécialisée dans l’assurance vol et incendie. «Cette société m’a pris 44,99 euros en septembre», raconte Manon, également prise par Equestrian Cup en août. Or, l’assure-t-elle, elle n’a jamais signé de contrat avec ces deux derniers et ne leur a pas communiqué ses coordonnées bancaires. Seulement, comme Samuel, elle est aussi une ancienne cliente des sociétés de Sadri Fegaier. « Ils se donnent nos coordonnées bancaires », raconte Manon, qui surveille ses comptes « trois fois par jour ».

Sadri Fegaier risque dix-huit mois de prison, 300 000 euros d’amende et une interdiction de diriger une entreprise pendant cinq ans. Le jugement sera rendu le 17 décembre.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.
Bouton retour en haut de la page