Il n’aura pas fallu longtemps, à peine le temps d’assimiler la nouvelle (explosive), pour que le monde du tennis réagisse vigoureusement. Quelques heures après l’annonce du contrôle positif au clostebol, un stéroïde anabolisant, de Jannik Sinner à deux reprises, entre le 10 et le 18 mars, et son acquittement par un tribunal indépendant, ses adversaires peinent à comprendre pourquoi l’Italien a échappé à la justice.
A commencer par Nick Kyrgios, l’Australien qui n’est pas connu pour faire les choses à moitié, qui a exprimé son indignation sur Twitter. « C’est ridicule, que ce soit accidentel ou intentionnel. Tu es testé deux fois pour une substance interdite (stéroïdes)… Tu devrais être éloigné des terrains pendant deux ans. Tes performances ont été améliorées. Crème de massage… Oui, bien sûr. »
Kyrgios fait référence aux excuses présentées au tribunal par le nouveau numéro 1 mondial, qui a assuré que c’était son physiothérapeute qui, ayant subi une petite blessure à un doigt, avait utilisé un spray cicatrisant qui a provoqué la contamination, avant de le masser à deux reprises entre le 5 et le 13 mars, en plein tournoi d’Indian Wells. « Cela a conduit à une contamination transdermique à son insu », rapporte l’ITIA. Cette version, confirmée par une enquête et un avis scientifique, a été acceptée par le tribunal. Il a conclu que Sinner n’avait commis « aucune faute ou négligence ».
Lucas Pouille n’en revient pas
Tout le monde n’est pas d’accord. Denis Shapovalov a déploré qu’il y ait « des règles différentes pour différents joueurs ». « Je ne peux pas imaginer ce que ressentent aujourd’hui tous les autres joueurs qui ont été bannis après avoir été contaminés par des substances », a-t-il écrit sur Twitter. « Je suppose que seule l’image des joueurs majeurs compte », soupire Tara Moore, suspendue en 2022. « Je suppose que l’avis du tribunal indépendant est rendu comme il se doit. Pourtant, ils remettent en question mon cas. Cela n’a pas de sens. »
Interrogé par RMC, le Français Lucas Pouille ne comprend pas non plus ces différences de traitement entre les joueurs ordinaires sanctionnés et le numéro 1 mondial blanchi. « À partir du moment où tu as été testé positif, tu dois le prendre comme tout le monde, tu dois être suspendu, insiste Pouille. Je le répète mais clairement on n’est pas tous logés à la même enseigne. En 2019, il y a eu le joueur chilien Nicolas Jarry qui a été testé positif. On lui a donné deux ans, ramenés à onze mois, parce qu’il a dit qu’il n’avait pas fait exprès, qu’il y avait des circonstances atténuantes, mais il a pris son année. Maintenant, comme par magie, il ne prend pas les points d’Indian Wells, il ne prend pas son argent, il prend une amende mais il peut continuer à jouer. C’est étonnant ! »
Un discours très attendu à l’US Open
Lui, comme Kyrgios, n’adhère pas à la théorie de la contamination par massage. « J’ai surtout l’impression qu’on nous prend pour des imbéciles. Entre la pilule qui tombe dans les pâtes et cette transmission d’un produit aussi dopant que celui-là. On parle de stéroïdes à travers un spray qu’on met sur une plaie. Quand j’ai une plaie, je vais acheter du mercurochrome et un désinfectant standard, et c’est tout. » Pour le Nordiste, cette décision du tribunal indépendant risque de ternir l’image du tennis. Et il conclut en expliquant qu’il y aura « toujours du doute » sur Sinner.
Engagé pour l’US Open qui débute lundi, tournoi dont il est le grand favori, l’Italien risque d’être très attendu et on peut parier que son premier discours se fera à guichets fermés. Reste à savoir ce que décideront les autorités antidopage car, si l’ITIA a annoncé qu’elle ne ferait pas appel de la décision d’innocenter le joueur, l’Agence mondiale antidopage (AMA) et l’Agence italienne antidopage (NADO Italia) ont toujours cette possibilité.