Avec une casquette blanche sur la tête, les images d’un jeune adolescent de 14 ans pour sa chaîne d’information et de divertissement « Bender » font le tour de la toile. Connu aux Pays-Bas pour ses vidéos, « BenderBij », de son vrai nom Benjamin Julius Pearson Buit selon une source néerlandaise, se décrit comme un « journaliste d’humour et de critique ». Et cette triste nuit, au cours de laquelle des partisans israéliens ont été attaqués et pourchassés dans les rues d’Amsterdam, il était là aussi, avec son caméraman.
On le voit sur son micro jaune marqué d’un « B » majuscule, commentant ce qu’il voit en direct. » Mesdames et messieurs, derrière moi, le match continue », dit le jeune YouTubeur d’une voix nasillarde. Le jeune homme compte quelque 223 000 abonnés sur YouTube, 422 200 sur TikTok et 262 000 sur Instagram depuis qu’il a posté sa première vidéo en mars 2023. Les Néerlandais l’ont déjà vu dans des manifestations pour le climat, ou des soirées consacrées aux jeux vidéo. Il a des mimiques de journaliste de télévision, alors qu’il explique simplement ce 8 novembre au soir qu’il est « curieux » pour suivre l’ambiance d’après-match, lorsque les supporters israéliens quitteront le stade. Ce soir-là, leur équipe de football est battue par l’Ajax Amsterdam (5-0).
S’attendait-il à ce qu’il allait filmer ensuite ? Ce n’est pas sûr. Durant la séquence qui dure un peu plus de 17 minutes, l’adolescente est parfois inquiète. « Je ne sais pas exactement ce qui se passe. »dit-il alors qu’il se trouve près de la gare centrale. Derrière lui, on voit un groupe de supporters, marchant d’un pas déterminé. « Oh, ils ramassent des poteaux au sol », s’étonne-t-il quand on voit effectivement des individus agripper les barreaux d’un échafaudage. « Il y a une ambiance assez tendue », note-t-il en décrivant des supporters prêts à en découdre.
« Allez-vous continuer le tournage ? »
» Oh, des barreaux sont lancés sur les voitures de police », indique alors l’adolescent qui suit les supporters du Maccabi Tel-Aviv. Il poursuit ensuite son reportage dans le centre-ville d’Amsterdam. Les taxis klaxonnent à l’unisson. « Ils volent des palettes, marchent avec des planches », décrit-il en parlant des supporters alors que le groupe se met soudain à traverser la rue en courant. « Allez-vous continuer le tournage ? », lui demande une voix. Selon le jeune homme, c’est un supporter qui lui aurait conseillé de s’arrêter pour sa sécurité.
La tension est palpable. On voit la police anti-émeute se déployer sur ces images. La séquence de l’adolescent se poursuit alors qu’il décrit des fans qui connaissent les « tactiques » « parce que tous ces Israéliens étaient dans l’armée « . Pour rappel, en Israël, le service militaire est obligatoire, il dure trois ans. « Ils parlent en hébreu, la police ne comprend pas ce qu’ils disent, ce qui complique la situation », ajoute le garçon, en fin observateur.
Drapeaux palestiniens
On le voit ensuite près d’une maison qu’il décrit comme un squat avec des drapeaux palestiniens aux fenêtres. « Ce n’est pas très intelligent de la part de la police », glisse le jeune homme, qui estime que les supporters israéliens auraient dû être tenus à l’écart du bâtiment. « La situation est très difficile »conclut-il, tandis que des klaxons de taxi en colère se font entendre derrière lui et que les supporters sont invités à monter dans les bus, surveillés par la police.
Dans la nuit, se succèdent les attentats et les chasses à l’homme médiatisés. Sur les réseaux sociaux, ses images font désormais le tour de la toile, complétant le ton d’une soirée extrêmement tendue dans les rues d’Amsterdam. L’AFP confirme que dès mercredi, des affrontements isolés avaient déjà eu lieu entre des supporters de l’Ajax, du Maccabi et du club turc de Fenerbahce, qui jouait contre un autre club néerlandais, l’AZ Alkmaar, selon le chef de la police d’Amsterdam, Peter Holla.
Des supporters du Maccabi ont été vus en train de brûler un drapeau palestinien sur la place centrale du Dam, a déclaré M. Holla, et de vandaliser un taxi. D’où la colère des chauffeurs de taxi qui ont attaqué 400 supporters du Maccabi au Holland Casino. La police est alors intervenue, explique M. Holla.
Dans la journée de jeudi, un groupe important de supporters du Maccabi s’est rassemblé sur la place du Dam, selon le chef de la police. Quelques « incidents » ont eu lieu et des feux d’artifice ont été tirés. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, dont l’origine n’a pas pu être vérifiée, ce qui semble être des fans du club Maccabi scandent en hébreu « Que l’IDF (armée israélienne) gagne ! On va baiser les Arabes ! » Le match s’est ensuite déroulé dans une ambiance globalement calme, même si certains supporters israéliens n’ont pas respecté la minute de silence à la mémoire des victimes des inondations en Espagne, le pays ayant récemment reconnu l’État de Palestine.
« C’est une explosion d’antisémitisme »
Après le match, des groupes d’individus ont attaqué des supporters du Maccabi avant de s’enfuir à scooter entre chaque attaque, dans plusieurs quartiers de la ville. Cinq personnes ont été brièvement hospitalisées. La maire d’Amsterdam, Femke Halsema, s’est exprimée lors d’une conférence de presse sur des groupes d’individus ciblant les supporters du club israélien, les frappant et leur donnant des coups de pied. « C’est une explosion d’antisémitisme que j’espère ne plus jamais revoir », a déclaré Mme Halsema, qui dit avoir « honte » de ces violences.
Des vidéos authentifiées par l’AFP montrent des groupes d’individus traquant des partisans israéliens, leur lançant des objets, les frappant et les maltraitant. Entre 20 et 30 supporters du Maccabi ont été blessés.
Les violences à Amsterdam, où les attaques antisémites se sont multipliées depuis le début de la guerre à Gaza, ont été condamnées dans le monde entier.