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Ils manifestent pour la première fois pour « les innocents bombardés à Rafah »

« Vous n’avez pris aucun masque ? Vous auriez dû, c’est pratique si nous recevons des gaz lacrymogènes. » Malgré les chants et l’agitation de la foule, les oreilles étaient tendues vers Enzo, distribuant tracts et conseils. C’est que, pour beaucoup, ce rassemblement parisien en faveur de la Palestine et d’un cessez-le-feu est le premier de leur vie. Ainsi, toute astuce est bonne à adopter dans ce monde très nouveau et mystérieux qu’est la manifestation.

« J’ai toujours eu peur des manifestations. Avez-vous vu ceux des « gilets jaunes » ? », confie Julie, qui aimerait fêter ses 30 ans sans être aveuglée. « Mais ce qui se passe à Rafah doit être pour nous une leçon de courage. Si on a peur de quelques flics, quel exemple leur donne-t-on, eux qui vivent un enfer ? »

Des manifestants pro-palestiniens mercredi à Paris
Des manifestants pro-palestiniens mercredi à Paris– J.-L. Delmas/20 Minutes

Ses genoux tremblent encore un peu et ses yeux sont hyperactifs cherchant des issues de secours du cortège au cas où, mais elle reste là. Comme elle, de nombreux jeunes descendent dans la rue pour la première fois depuis le conflit israélo-palestinien. Et même, plus précisément encore, depuis lundi après le bombardement dimanche d’un camp de personnes déplacées à Rafah, faisant plusieurs dizaines de morts.

« Si tout le monde y va, j’y vais aussi »

Ce côté néo-manifestant est parfois critiqué, ce qui sous-entend : pourquoi seulement agir alors qu’il faut blâmer Israël ? « On voit des vidéos d’enfants mis en pièces, comment ne pas manifester ? », se défend Ben, contre toute critique de pseudo-indignation sélective. «Je n’ai rien compris aux retraites, mais c’est assez clair : des innocents sont bombardés. » C’est devant l’horreur des vidéos, diffusées massivement dimanche soir et lundi, qu’il a décidé de venir. «C’était trop horrible pour ne pas bouger. On voit un génocide en 4K », une expression devenue célèbre sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’inaction des gouvernements occidentaux.

Tout dans cette manifestation sent un peu l’amateurisme : les chants un peu désorganisés, l’absence de mouvement, la jeunesse évidente de la plupart des manifestants, les discours qui peinent à se faire entendre jusqu’au choix du lieu. « La place Saint-Augustin est parfaite pour s’ennuyer et ne pas avancer », déplore Enzo. Le trentenaire en a vu d’autres et a connu les retraites, le droit Travail et de nombreux 1er-Mai. Il vous apprendra à connaître le moment où une manifestation dégénère, sait vous injecter du liquide physique dans les yeux en cas de gaz lacrymogène même avec les mains derrière le dos, et peut repérer l’odeur des merguez à trois kilomètres.

Le collectif organisateur Urgence Palestine n’a certes pas son expérience, ni celle des syndicats plus massifs, mais il a le mérite d’attirer une nouvelle population. Drapeau palestinien sur le dos et voile dans les cheveux, Nawel confie : « Quand on voit ce qui se passe à Londres, New York, San Francisco, c’est inspirant. Ce n’est pas comme les retraites où cela ne concernait que les Français. Nous venons pour un monde meilleur. » Sans parler d’un certain effet de mode pour Antoine, « la plupart de mes amis étaient déjà là lundi », où a eu lieu une première manifestation. « À l’université, on ne parle que de ça. C’est un peu dommage de ne pas être là, on passe tout de suite pour quelqu’un qui s’en fiche. Si tout le monde y va, j’y vais aussi. »

« Nous devons écrire notre propre histoire militante »

Loin du cliché du barbecue CGT ou Bella Ciao A fond la sono, les manifestants s’emparent de leurs propres codes, notamment les controversées mains rouges, désormais indissociables de tout rassemblement. « Nous ne sommes pas des « gilets jaunes » ou des syndicats », clame Nawel en se peignant les mains. « Nous devons écrire notre histoire militante. Et qu’importe si vous ne l’aimez pas ? »

Des mains rouges, indissociables du mouvement pro-palestinien
Des mains rouges, indissociables du mouvement pro-palestinien– J.-L. Delmas/20 Minutes

La détermination se perd un peu devant une nouvelle chanson entonnée par la foule. « Celui-là, je ne le connais pas », avoue la jeune femme de 23 ans, après avoir entonné les désormais classiques « Meurtres d’Israël, enfants de Palestine » et autres « Ce n’est pas une guerre, c’est un génocide » ou « La Palestine vivra ». , Palestine va gagner ». Reste donc à revoir ses gammes pour parfaire le costume du démonstrateur idéal.

La critique de Macron, le seul classique de toute manifestation

Les quelques élus de gauche qui se présentent ne reçoivent pas un accueil chaleureux. « Nous ne venons pas pour eux », poursuit Saïd. « Avez-vous déjà vu autant d’Arabes et de Noirs dans une autre manifestation ? Il est parfois difficile de se sentir à notre place. Ici, on se sent chez nous. Des gens de couleur qui défendent d’autres personnes de couleur. LFI, on s’en fiche. »

La manifestation parisienne de jeudi pour la Palestine et le cessez-le-feu à Rafah a rassemblé quelques milliers de personnes.
La manifestation parisienne de jeudi pour la Palestine et le cessez-le-feu à Rafah a rassemblé quelques milliers de personnes.– J.-L. Delmas/20 Minutes

La seule intervention politique tolérée a été la critique d’Emmanuel Macron, accusé de complicité avec Israël. Notamment une reprise du « hit » des « gilets jaunes » : « Nous sommes ici, nous sommes là, même si Macron ne le veut pas, nous sommes là. » On a beau revendiquer de nouveaux codes et être néo-manifestants, c’est parfois dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures soupes.

Eleon Lass

Eleanor - 28 years I have 5 years experience in journalism, and I care about news, celebrity news, technical news, as well as fashion, and was published in many international electronic magazines, and I live in Paris - France, and you can write to me: eleanor@newstoday.fr
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