« Il y a un contraste entre le train de vie de la Ligue et la situation financière des clubs de football » : la LFP dans le viseur du Sénat
Deux jours après la réélection de Vincent Labrune à la présidence de la Ligue de football professionnel (LFP), la commission La commission d’enquête sénatoriale sur la financiarisation du football s’est rendue jeudi 12 septembre au siège de l’instance dirigeante et de sa filiale LFP Media.
Objectif un contrôle » sur pièces et sur place » pour demander certains documents et « interroger les représentants de ces deux entités sur leurs coûts de fonctionnement et leur gouvernance, ainsi que sur les conséquences de la récente attribution des droits TV du championnat à un prix bien inférieur à celui espéré « .
Initialement prévue cet été, la visite des parlementaires, qui était donc attendue, a été reportée pour ne pas interférer avec l’élection du conseil d’administration et du président qui a eu lieu le 10 septembre et a vu Vincent Labrune largement reconduit dans ses fonctions malgré le contexte économique difficile traversé par les clubs et le fiasco des droits télévisés.
« Les arguments de l’époque sont mis à mal par les faits d’aujourd’hui »
Lancée au printemps, cette commission d’enquête, qui a déjà auditionné une quarantaine de personnes, cherche à mieux comprendre l’accord trouvé en 2022 entre le fonds d’investissement luxembourgeois CVC Capital Partners et la Ligue pour renflouer les clubs après le fiasco Mediapro en 2020 et la crise sanitaire. Pour 1,5 milliard d’euros, CVC perçoit désormais à vie 13% des recettes commerciales de la LFP.
De toute évidence, les deux sénateurs n’ont pas été déçus par leur voyage. Nous avons souhaité faire le point deux ans plus tard et comparer les arguments avancés à l’époque pour justifier à la fois l’urgence et la nécessité de créer cette société commerciale, a expliqué le rapporteur, Michel Savin (LR) lors d’une conférence de presse. Nous voyons que les arguments de l’époque sont aujourd’hui démentis par les faits. « .
Et pour continuer : « L’un des arguments était de dire qu’il fallait professionnaliser davantage le football français en s’appuyant sur des gens qui ont une expertise et un savoir-faire, en l’occurrence un fonds d’investissement spécialisé dans le sport et les droits audiovisuels. Vous avez suivi, comme nous, la contractualisation des droits audiovisuels et les chiffres qui sont arrivés… D’un point de vue technique, d’un point de vue professionnalisation, l’implication des responsables de CVC dans tout le processus de choix des diffuseurs ne nous paraît pas évidente. Ils ont été relativement absents d’une partie de ce processus.
Le salaire de Vincent Labrune triplé
Concernant le montant des droits télévisuels attribués à la plateforme DAZN chez beIN Sports, pour un montant annuel total d’environ 500 millions d’euros pour la période 2024-2028, très loin du milliard espéré et inférieur au cycle précédent (624 millions), les sénateurs se sont montrés incisifs. Où est la stratégie, l’amélioration promise et la qualité du produit ? » a demandé Michel Savin.
» Les chiffres de commercialisation des droits audiovisuels des dernières semaines sont plus proches de ceux du championnat slovène que de la Ligue anglaise « , a taclé Laurent Lafon, sénateur centriste, président de la commission d’enquête.
Les dépenses de la Ligue ont ensuite été pointées du doigt. Il y a un contraste entre le train de vie de la Ligue et la situation financière des clubs. Cette situation est frappante. Sur les coûts de fonctionnement de la Ligue, on constate que de nombreux recrutements ont été réalisés en deux ans. Entre 2022 et 2024, l’effectif de la LFP est passé de 77 à 137 CDI. Dans le même temps, la masse salariale est passée de 7 à 17,5 millions d’euros, souligne Michel SavinNous constatons un contraste inquiétant entre une augmentation des effectifs et des masses salariales, et dans le même temps une forte baisse des revenus issus de la vente des droits de retransmission. »
Le salaire de Vincent Labrune, en forte augmentation sur cette période, concerne aussi les parlementaires. « Le salaire du président de la Ligue a triplé (de 400 000 euros à 1,2 million d’euros annuels), à l’occasion de l’opération avec CVC, en plus de toucher une prime de 3 millions d’euros. Comme annoncé en juillet dernier, après son audition au Sénat, il nous a été confirmé que le président renoncerait à inclure cette prime dans le calcul de son indemnité de départ, précise le rapporteur. Le football est bien sûr un milieu où circule beaucoup d’argent, mais quand il s’agit de la Ligue, on parle d’une association loi 1901 chargée d’un service public, ce qui soulève quelques questions. »
Un nouveau siège luxueux
Enfin, les sénateurs ont exprimé leur surprise concernant l’acquisition en 2023 du nouveau siège de la LFP dans le 17e arrondissement à proximité du parc Monceau, un quartier très aisé, évoquant « un vent de folie « . « On peut s’interroger sur l’opportunité d’acquérir un nouveau siège pour un montant de 131 millions d’euros, dans un contexte de visibilité incertaine sur les droits TV. Un achat d’une telle ampleur pèse sur les coûts de fonctionnement de la Ligue. »
Dans les prochains jours, la commission d’enquête devrait entendre, entre autres, Cyril Linette, candidat malheureux à la présidence de la LFP, les dirigeants de DAZN et de beIN Sports, ou encore Amélie Oudéa-Castera, la ministre des Sports démissionnaire, ou encore Nasser El-Khelaïfi, président du PSG et de beIN Media Group. Le rapport devrait être remis dans la deuxième quinzaine d’octobre.
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