« Il n’a pas œuvré en faveur des quartiers populaires », un héritage politique mitigé
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« Il n’a pas œuvré en faveur des quartiers populaires », un héritage politique mitigé

« Il n’a pas œuvré en faveur des quartiers populaires », un héritage politique mitigé

L’ancien maire de Marseille depuis 25 ans, Jean-Claude Gaudin, est décédé ce lundi à l’âge de 84 ans dans sa résidence de Saint-Zacharie, dans le Var. Ce monument de la politique française laisse derrière lui un bilan contrasté.

Fils d’un maçon et d’un ouvrier devenu sénateur, ministre, mais surtout maire de la deuxième ville de France pendant 25 ans, Jean-Claude Gaudin, décédé à l’âge de 84 ans, a consacré sa vie à ses deux passions : la politique et Marseille. Cet ancien professeur d’histoire-géographie dans un collège privé se rapproche de la droite chrétienne et entre au conseil municipal à 25 ans sur une liste d’alliance gauche-centre droite menée par Gaston Defferre (maire de 1953 à 1986). Devenu député, il se fait remarquer lors des élections municipales de 1983, en soutenant le gaulliste Jean Hieaux, candidat dans Dreux (Eure-et-Loire) à la tête de la première liste RPR-Front national de France. « Nous devons vaincre l’adversaire socialiste-communiste», justifie-t-il alors. Les prémices d’un pacte avec l’extrême droite, dont les votes lui permettront, trois ans plus tard, de remporter la présidence du conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur. Retour sur un parcours politique qui laisse un héritage mitigé.

S’il a occupé plusieurs postes, c’est la mairie qu’il convoite. En 1995, après deux échecs consécutifs, Jean-Claude Gaudin devient le 42e maire de Marseille, le rôle de sa vie :  » Quiconque n’a pas traversé Marseille dans la voiture de Jean-Claude Gaudin, vitres baissées, entendant les passants dire ‘Bonjour Monsieur le Maire’, n’a pas connu le lien entre un maire et sa ville, ce lien charnel, viscéral.« , raconte le président du Sénat Gérard Larcher à l’AFP.

Lui qui se rêvait l’héritier de Gaston Deffere a porté son héritage et l’a fait perdurer dans sa manière de concevoir le pouvoir : « En poursuivant les pratiques héritées de son prédécesseur, il exerce la politique en distribuant les ressources de la clientèle et en privilégiant les liens avec certains syndicats ou groupes sociaux qui lui sont fidèles.« , analyse Nicolas Maisetti, politologue et auteur de plusieurs ouvrages sur Marseille.

Face aux critiques, l’ancien édile a toujours vanté ses grandes réalisations : un stade Vélodrome, les tunnels, le Mucem et la baisse du chômage à son arrivée à la mairie. Un constat nuancé par Nicolas Maisetti qui dresse le portrait d’un maire plus conservateur que libéral dans sa gestion des changements de la ville : « Euroméditerranée est une opération émanant de l’État et initiée sous son prédécesseur Robert Vigouroux. Il n’était pas à l’aise avec cette façon de procéder ni avec les résultats de ces politiques« .

Présenté comme un amoureux de Marseille, l’édile aimait-il la ville entière ? Ses opposants ont régulièrement pointé son abandon des quartiers populaires : «Il n’a pas œuvré en faveur des grands quartiers populaires du Nord. Il a soigné son électorat dans le sud de la ville avec par exemple l’arrivée du tramway,  » explique Jean Viard, sociologue et ancien vice-président de Marseille-Provence-Métropole.

Il est rare de voir un homme politique agir aussi clairement en direction de ses électeurs.

Jean Viard, sociologue et ancien vice-président de Marseille-Provence-Métropole

France 3 Provence-Alpes

Une phrase malheureuse attribuée à Jean-Claude Gaudin et symptomatique de son abandon des quartiers nord restera dans les annales : «Tant qu’ils s’entretuent », dit alors le maire selon les souvenirs de certains.

Ses dernières années de mandat ont été critiquées pour leur « immobilité » par ses adversaires, et même certains alliés, et marquées par le drame de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018. L’onde de choc révèle l’ampleur du logement indigne dans une ville. où 40 000 personnes vivent dans des bidonvilles. Les associations accusent la mairie d’avoir ignoré les alertes. Dans la foulée, des milliers de personnes ont été évacuées de leurs habitations déclarées en « danger imminent ». « Au même titre que les écoles publiques et les piscines, le logement populaire ne faisait pas partie de ses principales préoccupations. La tragédie d’Aubagne restera une tache indélébile. Il n’était pas là une demi-heure après le drame« , rappelle Jean Viard.

La voix et le visage de Marseille, la « gouaille » d’un « grand homme au service des territoires »: des personnalités politiques, notamment de droite, ont rendu hommage lundi à l’ancien maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. Sur le plateau de France 3, Martine Vassal, présidente de la métropole, a exprimé sa profonde émotion : «Je perds un deuxième père.» Si beaucoup se disent marqués et formés par l’édile, Gaudin a-t-il réussi à passer le flambeau ? Pas selon Nicolas Maisetti : « Chaque fois qu’il nommait quelqu’un comme successeur possible, cette personne perdait toute chance. Il n’y a pas d’héritiers ni d’héritiers pour ces grands barons. Il n’a pas organisé la succession », estime Nicolas Maisseti. « A Marseille, le rêve de transmission n’existe pas, confirme Jean Viard. C’était un grand maire qui savait maintenir la paix civile et un homme chaleureux. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus d’égalité. En décembre 2020, Jean-Claude Gaudin quitte définitivement la mairie, faisant craindre un déluge pour les Marseillais juste derrière lui.

Article de Wassila Belhacine, journaliste France 3 Provence-Alpes.

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