Il faut trouver une réponse à cette question, que beaucoup de pays européens ont déjà trouvée
La négociation entre syndicats et patronat, mercredi 10 avril sur l’emploi des seniors, s’est soldée la semaine dernière par un échec. Mais l’U2P, l’Union des Entreprises Locales, syndicat majoritaire parmi les artisans, petits commerçants et professions libérales, en a décidé autrement. L’organisation a convoqué les syndicats, mardi 16 avril, pour remettre plusieurs sujets sur la table. Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris, membre de la commission des Affaires sociales, spécialiste des questions d’emploi, salue cette initiative.
Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris : Il existe aujourd’hui un intérêt de la part de toutes les parties prenantes pour trouver une réponse à cette question de l’emploi des seniors, ce que de nombreux pays européens ont déjà trouvé. Il y a un vrai sujet autour de l’attractivité des métiers. Et il y a aussi une réelle inquiétude de la part des plus de 50 ans dans notre pays, qui pensent qu’ils vont être mis au placard ou qu’ils n’ont plus forcément leur place dans l’entreprise. .
Il y a donc des réponses à trouver, et les réponses existent. Ils ont également été discutés et examinés dans le cadre de ces discussions qui n’ont pas abouti. Nous devons être ambitieux. La retraite progressive, la question de la reconversion professionnelle pour certains métiers, comme les soignants ou les manutentionnaires qui portent de lourdes charges, ce sont des métiers qui ne sont pas pérennes à vie, il faut pouvoir envisager une reconversion en amont.
Ainsi, à l’ordre du jour de cette négociation, il y a le Cetu (Compte Epargne Temps Universel). Le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) n’ont pas voulu en entendre parler. Ce compte épargne temps universel permettrait aux salariés de transporter avec eux leur compte épargne temps d’une entreprise à l’autre. Que pensez-vous de cette initiative ?
Il est intéressant de réfléchir au travail tout au long d’une vie, en essayant d’imaginer des ponts entre ces écarts que l’on trouve assez artificiels : la formation, le travail, puis la retraite. Mais il faut aussi comprendre les difficultés de mise en œuvre pratique et opérationnelle pour les petites et moyennes entreprises, qui embauchent par exemple des salariés qui auront cette portabilité avec congés, congés RTT à prendre et à imposer. Nous devons réfléchir à la mise en œuvre.
« Plus que les grandes soirées, je crois aux petits matins concrets, réalistes et ambitieux. Alors avançons sur le travail tout au long de la vie, avançons sur la retraite progressive, avançons sur la reconversion vers des métiers difficiles.»
Astrid Panosian-Bouvetsur franceinfo
Avançons également sur des sujets qui sont au cœur de la vie professionnelle comme la parentalité ou les aidants familiaux. Pour rappel, 40 % des aidants familiaux sont salariés. Autant de questions qui apportent des réponses à la portabilité tout au long de la vie et à l’adaptation du temps de travail tout au long de la vie.
Au sujet de l’assurance chômage, le Premier ministre Gabriel Attal souhaite durcir les règles actuelles. Une des options envisagées est de réduire la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Dans une récente chronique, vous dites de votre côté que notre système d’indemnisation n’est pas plus généreux que celui de vos voisins. Cela veut-il dire que le Premier ministre n’a rien compris ?
Cela signifie que nous devons poursuivre la discussion. Je suis tout à fait d’accord avec lui lorsqu’il dit que la bataille sur l’utilisation des marches est terminée. Nous avons un taux d’activité historiquement très élevé, un taux de chômage des jeunes qui n’a jamais été aussi bas. Mais la bataille de l’emploi est encore devant nous. Et je comprends et j’entends ce débat sur la réduction des délais de compensation.
Cela peut contribuer à accélérer la recherche d’emploi, même si cela implique de rechercher des emplois en dessous de ces qualifications, mais cela peut créer ou accroître des fragilités ou des vulnérabilités pour ceux qui sont loin. Je pense qu’aujourd’hui, dans un contexte de marché du travail incertain, et où la dernière réforme du marché du travail a justement touché la durée d’indemnisation il y a quatorze mois, il existe d’autres leviers tout aussi puissants.
Cette voix est-elle entendue ?
Je pense que je ne suis pas le seul à en parler parmi la majorité. Il faut aussi entendre l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH). Nous devons également entendre les employeurs. Il existe d’autres leviers tout aussi puissants.
« Quand on regarde les emplois non pourvus aujourd’hui, deux tiers sont liés à l’attractivité des métiers, et un tiers est lié à des formations et des compétences qu’on ne trouve pas sur le marché du travail. »
Astrid Panosian-Bouvetsur franceinfo
Je pense aux DATA, je pense à l’intelligence artificielle. Il existe des leviers que l’on appelle périphériques, mais qui sont centraux, comme le logement, la garde d’enfants ou les transports. Parlons de ces sujets qui sont absolument centraux.
Autre sujet dont je voulais aborder avec vous, celui de la fiscalité pour répondre à l’objectif de ramener le déficit sous la barre des 3% en 2027. Le gouvernement s’apprête à réaliser 10 milliards d’euros d’économies supplémentaires cette année. Faut-il augmenter les revenus en même temps ?
Nous sommes en 2024. Le dernier budget équilibré a été adopté en 1974, il y a 50 ans. La norme, avec ceux qui veulent avoir une loi à leur nom, avec le recours à la dépense publique, parce qu’un bon ministre doit voir son budget augmenter, ou encore le réflexe de régler un problème avec un impôt, ce sont des maladies françaises qui ont existe depuis 50 ans. Je pense donc qu’il faut aborder le sujet sans tabou, ni sur les dépenses, dont il faut maintenant se pencher sur l’efficacité, ni sur la fiscalité et les recettes.
« Il faut aborder le sujet de la fiscalité sans tabou. Je pense aux effets d’aubaine qui sont notamment les super profits, je pense aux rachats d’actions sur lesquels l’administration Biden est beaucoup plus proactive.»
Astrid Panosian-Bouvetsur franceinfo
Il y a vraiment des domaines sur lesquels il faut travailler aujourd’hui, car les leviers de dépenses seuls ne suffiront pas.
Et pensez-vous que cette voix sera entendue aussi ?
Eh bien, nous aurons un débat le 29 avril à l’Assemblée nationale et j’espère que c’est par le débat et le contrôle démocratique que nous pourrons faire avancer les choses. C’est ma conviction.
Alors, vous espérez que pour le prochain budget, il y aura des pistes de revenus avec une taxation des profits ?
Des pistes qui sont exceptionnelles, qui ne remettent en cause ni la question de l’investissement, ni le sujet de la juste répartition de la pression fiscale. Je pense qu’ils existent et qu’il faut en parler. Pas de tabou.
Regardez cette interview en vidéo :