Votre livre est un aperçu du quotidien d’une directrice d’Ehpad, métier que vous avez exercé dans le secteur public, à Inzinzac-Lochrist (56), puis en Dordogne. Pourquoi ce besoin de te le dire ?
C’est un métier que j’ai exercé tardivement mais avec passion. J’ai repris mes études à l’âge de 32 ans, j’étais assistante administrative à l’hôpital de Carhaix lorsque la fermeture de la maternité et de la chirurgie a été prévue, en 2008. J’ai ensuite siégé au conseil de vie sociale de l’Ehpad de l’hôpital et j’ai vu comment , faute de ressources, les personnes âgées ont été les plus oubliées. J’ai postulé à la direction d’EHPAD avec l’envie de changer l’image de ces établissements. Aujourd’hui, des problèmes de santé m’ont obligé à quitter mon dernier poste mais j’ai une expérience à partager. J’espère que mon témoignage contribuera à rectifier une image profondément ternie depuis le scandale Orpea. Je ne remets pas en cause les faits dénoncés par Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs ni les maltraitances qui existent. Mais nos Ehpad publics peinent comme ils peuvent, au milieu d’injonctions contradictoires et d’une crise financière sans précédent. Aux yeux du grand public, ils étaient assimilés et n’en avaient pas besoin.
Nos Ehpad publics luttent comme ils peuvent, au milieu d’injonctions contradictoires et d’une crise financière sans précédent. Aux yeux du grand public, ils étaient assimilés à l’affaire Orpea et n’en avaient pas besoin.
Vous expliquez que la malveillance est une notion équivoque. Pour quoi ?
Ce que l’on applique avec bienveillance pour un résident peut devenir malveillant pour un autre. Exemple : faut-il ou non changer immédiatement les protections salies pendant la nuit ? Dans le cas des escarres, ne pas réveiller la personne serait une forme de maltraitance. Si, en revanche, nous avons affaire à une personne souffrant de troubles de désorientation, qui a l’habitude de beaucoup marcher la nuit, la laisser dormir, malgré tout, devient un bon traitement. Dans les Ehpad que je dirigeais, je m’appuyais beaucoup sur la communication et la mise en place d’un projet d’accueil personnalisé pour trouver le meilleur équilibre. Ce qui n’est jamais gagné, tant les soignants manquent de temps.
Les budgets étaient très compliqués avant la crise sanitaire. Depuis l’après-covid et l’inflation, ils deviennent rouges partout. En Dordogne, ma mission était de combler un déficit de 450 000 euros. Nous avions réussi en travaillant sur les descriptions de poste. Mais le métier manque d’attractivité. Faute de trouver des infirmiers, il a fallu recourir à l’intérim et l’établissement de 90 résidents est à nouveau déficitaire. Alors imaginez s’il n’avait eu que 50 sièges. Pour les petites Ehpad, ça ne tient plus, elles vont disparaître.
Dans ces conditions, d’où peut venir le salut ?
J’ai lu avec beaucoup d’attention le rapport sénatorial qui propose notamment une deuxième journée de solidarité pour financer les Ehpad. Il existe des pistes intéressantes. Pour moi, il faut revoir la tarification qui encourage l’accueil de personnes dépendantes. Il faudra aussi être inventif pour rester attractif. Innover sur les bâtiments est aussi une urgence. Finies les chambres doubles ! La prochaine génération des baby-boomers sera plus exigeante, plus connectée, plus individualiste. Ne pas en tenir compte dès maintenant serait une grave erreur.
« Zoom sur l’Ehpad », aux éditions Les presses du Midi. 20 euros
Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.