« Il faut réduire la production de 75 % »
25 novembre 2024 à 9h16
Mis à jour le 25 novembre 2024 à 17h47
Temps de lecture : 6 minutes
175 pays, plus de 2 000 négociateurs et observateurs, 7 jours de discussions… Après Bakou et le COP29toute l’attention se tourne cette semaine vers Busan, en Corée du Sud. Un autre sommet crucial pour l’avenir de notre planète s’y déroule, qui devrait déboucher sur un traité international sur la pollution plastique.
Cette cinquième session du Comité de négociation intergouvernemental (INC.-5) devrait en théorie être le dernier. Au cours des deux dernières années, les pays des Nations Unies se sont déjà réunis à Nairobi, Paris puis Ottawa.
Si rien n’est fait, la production de plastique triplera d’ici 2060, selonOCDE. La Fondation Tara Océan, qui œuvre depuis des années pour sensibiliser le grand public et les décideurs à l’ampleur du fléau que représente la pollution plastique, sera présente à Busan. Henri Bourgeois-Costa, son directeur des affaires publiques, a répondu à nos questions avant son départ pour la Corée du Sud.
Reporterre — Pouvez-vous nous rappeler les principaux enjeux de cette semaine de négociations qui s’ouvre à Busan ?
Henri Bourgeois-Costa — Pour le moment, nous disposons d’une ébauche du texte — un « brouillon » — de la précédente séance de négociation à Ottawa. Cet énorme document inclut presque toutes les options possibles puisque la majeure partie du texte ne fait pas l’objet d’un accord, et présente donc des visions assez radicalement opposées entre, d’un côté, les pays de la coalition Haute Ambition. mettre fin à la pollution plastique (1) et, d’autre part, le « Des pays partageant les mêmes idées » (« des pays qui pensent la même chose »), représentant les intérêts pétroliers. Nous sommes donc face à un texte qui dit un peu de tout et son contraire.
Le président du comité, Luis Vayas Valdivieso, a tenté de proposer une nouvelle voie avec ce qu’il a appelé un « non-papier »c’est-à-dire un document dans lequel il essayait de synthétiser les choses et de poser les fondamentaux de ce que pouvait être un texte. Mais il l’a fait sans mandat particulier. Ainsi à Busan, les discussions auront lieu soit sur le texte officiel, soit à partir de ce « non-papier ». Mais certains Etats pourraient très bien demander que cette dernière soit jetée à la poubelle, puisque ce n’est pas officiel.
Que pensez-vous de cela » non-papier » en bas ?
Nous sommes beaucoupONGmais pas seulement, pour souligner son manque d’ambition. L’idée du président est évidemment de rassembler largement. Sauf qu’en essayant de le collecter trop largement, il ne reste plus beaucoup de contenu. Ce texte traite essentiellement des déchets, du recyclage, de la prévention et des mécanismes financiers. Mais il n’aborde pas du tout ce qui tend, à savoir les questions de réduction de la production, la question des substances toxiques et encore moins celle du carbone qui reste un tabou absolu. Même notre ministre a estimé que ce texte méritait d’être grandement enrichi.
Un consensus semble impossible compte tenu de l’état actuel des positions.
Par nature, il ne peut y en avoir. Mais je ne pense pas qu’il faille en tirer une conclusion négative. Lorsqu’il y a consensus, soit on se retrouve avec des textes ambitieux, mais pas forcément applicables sur le terrain car l’application est laissée à la discrétion de chacun, soit on se retrouve avec un texte contraignant, mais dont l’ambition est extrêmement faible. Il est difficile d’imaginer que des États dont l’économie est de 100 % basé sur le pétrole ou presque – je pense notamment aux pays du Golfe – signerait un texte ambitieux.
Pour nous, l’adhésion de tous les pays n’est pas nécessairement une fin en soi. L’enjeu est d’impliquer les pays pertinents, structurants sur la question de la pollution plastique, à savoir les pays occidentaux qui conduisent à cette consommation. Et puis aussi la Chine. Même s’il ne fait pas partie des pays leaders, il y a encore de l’espoir car c’est un pays qui transforme le plastique, pas un pays qui le produit. L’enjeu est moins crucial pour lui que pour un État pétrolier.
Quant aux États-Unis, ils nous ont apporté un immense souffle d’espoir juste avant les élections, avec un réel changement d’attitude de l’administration et des négociateurs, et des discours très encourageants. Désormais, la proximité du futur président avec les intérêts pétrochimiques risque clairement de nous compliquer la tâche.
Quels sont les sujets qui trébuchent aujourd’hui ?
Réduction de la production. Une étude récemment publiée du Berkeley Lab modélise les résultats de différentes options d’atténuation qui pourraient être adoptées à Busan. Cela montre clairement qu’une politique axée uniquement sur le recyclage et l’amélioration de la collecte n’apporterait pas de résultats suffisants. Pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat (limiter la hausse des températures bien en dessous de 2°C), il faudrait réduire la production de 75 %. %.
Plusieurs hypothèses économiques montrent que 50 % de réduction de la production serait déjà tout à fait possible, ne serait-ce que parce que notre production a complètement explosé. Le Pérou et le Rwanda se sont fixé un objectif de réduction de 40 % d’ici 2040. Ils sont les seuls à avoir avancé un élément chiffré pour bousculer un peu le débat, à Ottawa. 40 % de réduction d’ici 2040 signifie revenir à la production de l’année… 2015. Nous soutenons cette proposition, non pas qu’elle soit satisfaisante en soi, mais elle nous semble un point de départ intéressant pour la discussion.
Que craignez-vous si aucun accord n’est trouvé ? ?
Notre grande crainte est plutôt que nous nous laissions piéger par la tentation d’un texte à tout prix. Le Secrétariat des Nations Unies nous donne des signes quelque peu inquiétants d’une volonté dans ce sens. Cependant, un traité obtenu à Busan risque d’être un peu médiocre, car il ne répondrait pas au problème tout au long de la chaîne, depuis l’extraction du pétrole jusqu’au consommateur.
Aujourd’hui, toutes les hypothèses sont encore sur la table : de l’échec total et de la fin des négociations à la poursuite des discussions, avec par exemple le lancement d’une sixième session. Autre hypothèse intéressante : avoir une négociation multilatérale hors du cadre onusien, avec des pays qui concentreraient leurs efforts à convaincre la Chine sur un texte plus ambitieux, plutôt que de perdre du temps avec des pays qui, de toute façon, ne voudront rien entendre sur le fond. sujets.
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