Il faut partir maintenant, messieurs – Carte blanche à Pauline Londeix – 30 août 2024
Le football est peut-être le sport le plus populaire en France, mais il risque de disparaître tant sa gestion est désastreuse. Une relance est nécessaire pour le sauver, et aussi pour offrir enfin au football féminin le développement qu’il mérite. Car le football français est à l’agonie, comme l’ont illustré cet été les négociations interminables entre la Ligue de football professionnel (LFP) et les diffuseurs au sujet des droits télé de la Ligue 1. Un sport un peu trop habitué à être gonflé depuis des décennies par les millions du diffuseur historique Canal Plus puis BeIn Sports, et qui a oublié, dégoulinant d’arrogance, de remettre en question ce qu’il proposait.
Après avoir longtemps promis de céder ces droits pour 1 milliard d’euros, le président de la LFP Vincent Labrune a annoncé, début août, un accord avec la chaîne DAZN, pour un montant bien inférieur, ce qui a pour effet des coupes budgétaires drastiques pour de nombreux clubs. Un mal pour un bien, pourrait-on dire, qui va obliger la LFP et les présidents à revoir des modes de vie indécents, et peut-être les clubs à repenser leur organisation interne, où les « petites mains » sont peu ou pas payées, à l’image des unités médicales ou des recruteurs, tandis que de très gros salaires sont offerts à des joueurs médiocres.
Du côté des présidents de clubs, le spectacle est également désolant.
L’accord DAZN signe aussi la fin d’une diffusion de qualité de ce championnat, qui a longtemps bénéficié de l’héritage de la chaîne cryptée via son lien avec le cinéma. Désormais, il faudra se contenter du strict minimum, tout cela pour près de 30 euros par mois… On n’oubliera pas qu’en pleine pandémie ces mêmes clubs, qui considèrent aujourd’hui qu’il appartient aux abonnés de faire des efforts financiers, ont été sauvés par de multiples aides publiques. Malgré le fiasco DAZN, les présidents de clubs continuent de soutenir massivement le président de la LFP, qui devrait être réélu à son poste le 10 septembre prochain.
Du côté des présidents de clubs, le spectacle est également affligeant. Le club historique des Girondins de Bordeaux a été coulé en trois ans chrono par l’entrepreneur et expert en prêts Gérard Lopez. Autre club historique, l’Olympique Lyonnais (OL) a été racheté fin 2022 par le multipropriétaire John Textor, qui est déjà intéressé par l’achat d’un nouveau club (Everton), et qui a décidé que tous les joueurs de l’OL étaient à vendre cet été. Du côté de l’Olympique de Marseille, c’est la troisième intersaison d’affilée où le club a décidé de renouveler entièrement son effectif, dans une frénésie de transferts qui surprendra toujours, avec en prime cette année l’arrivée du joueur Greenwood, accusé de viol et de violences conjugales.
Les limites de la financiarisation du football sont clairement là, sous nos yeux. Dans le même temps, le championnat féminin, qui devait enfin devenir professionnel, se heurte à de nouveaux obstacles. Le football masculin a souvent été promu en prétendant qu’il rapportait de l’argent. A-t-on seulement comparé les investissements qui permettent à ce football de se développer par rapport à ceux réalisés dans le football féminin ? Il est grand temps de réformer l’un et de donner à l’autre toutes ses chances de se développer.
Le football français est à un tournant. S’il ne veut pas disparaître complètement, il doit saisir l’opportunité de ce chaos pour insuffler de nouvelles énergies et les accompagner de décisions politiques fortes. Il n’a plus le choix, ou sa disparition sera méritée, au profit d’autres sports, plus accessibles, plus qualitatifs et avec des acteurs moins prétentieux.
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