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« Il faut déconstruire le tabou qui a été mis en place sur l’hormonothérapie »

ENTRETIEN – De nouvelles données ont largement infirmé les études qui soulignaient il y a vingt ans des risques accrus de cancer du sein et de maladies cardiovasculaires.

Il y a vingt ans, une étude avait changé la perception du traitement hormonal de la ménopause, redouté depuis en raison des risques pour la santé. Mais de nouvelles données changent la donne. Explications avec Geneviève Plu-Bureau, directrice de l’unité de gynécologie des Hôpitaux de Paris (AP-HP).

LE FIGARO. – Pourquoi l’hormonothérapie ménopausique (HTM) est-elle devenue taboue dans le traitement de la ménopause ? ?

Dl GENEVIÈVE PLU-BUREAU. – Cette stigmatisation du THS est due à une étude américaine publiée en 2002, la Women’s Health Initiative (WHI), qui a établi un lien entre l’hormonothérapie de la ménopause et un risque accru de cancer du sein et de maladies cardiovasculaires. Ces analyses ont provoqué une panique générale, tant chez les professionnels de santé que chez les patientes, conduisant de nombreuses femmes à abandonner le THS. En France, au début des années 2000, près de 60 % des femmes concernées par des symptômes vasomoteurs avaient recours à l’hormonothérapie. Ce chiffre est tombé à 5 % avec la publication de ces résultats. Aujourd’hui, on est plutôt autour de 8 % à 10 %, une hausse qui s’explique par une meilleure connaissance des risques.

Quels sont-ils? ?

Une réévaluation des données de l’étude WHI et d’autres études a montré que les risques associés au THS varient en fonction de l’âge de la patiente au début du traitement, du type d’hormones utilisées et de la durée du traitement. On peut donc voir deux limites à l’étude WHI. La première est qu’elle portait sur des femmes d’âge moyen de 63 ans qui, en raison de leur âge, présentaient probablement déjà des facteurs de risque, notamment vasculaires. Il a cependant été démontré que ce risque est différent chez les femmes qui débutent le THS avant 60 ans ou dans les dix ans suivant le début de la ménopause.

Pour faire simple, si l’on prescrit des œstrogènes à des femmes dont les vaisseaux sont déjà « malades », c’est-à-dire qui ont accumulé des plaques d’athérome (dépôts de corps gras), les hormones risquent d’entraîner le décollement de ces plaques, ce qui augmente le risque d’obstruction des artères et donc d’accidents cardiovasculaires. Sur des vaisseaux « sains », c’est-à-dire plus jeunes, non seulement le traitement hormonal n’augmente pas ce risque mais il a en plus un effet protecteur en retardant l’apparition des plaques d’athérome. Ainsi, contrairement aux idées reçues, l’hormonothérapie protège des facteurs de risque cardiovasculaire, ce qui représente un enjeu majeur pour les femmes ménopausées dont la première cause de mortalité est cardiovasculaire !

Deuxième point important : les traitements hormonaux anglo-saxons sont souvent administrés par voie orale. En passant par le foie, ces traitements peuvent ainsi modifier la coagulation sanguine et favoriser la formation de caillots dans les vaisseaux, augmentant ainsi le risque cardiovasculaire. Ce n’est pas le cas en France : l’administration du traitement hormonal se fait par voie transdermique (patchs, gels…), sans passer par le foie, ce qui n’augmenterait ni le risque cardiovasculaire ni celui de cancer du sein sur des périodes d’utilisation de cinq à dix ans, selon plusieurs études françaises.

Outre les bénéfices cardiovasculaires récemment démontrés, on sait depuis longtemps que l’hormonothérapie réduit efficacement et rapidement les bouffées de chaleur sévères et le syndrome génito-urinaire associés à la ménopause.

L’hormonothérapie présente-t-elle d’autres avantages chez les femmes ménopausées ? ?

Outre les bénéfices cardiovasculaires récemment démontrés, on sait depuis longtemps que l’hormonothérapie réduit efficacement et rapidement les bouffées de chaleur sévères et le syndrome génito-urinaire liés à la ménopause. Mais les bénéfices sont bien plus vastes. L’hormonothérapie ralentit également la perte osseuse liée à l’âge, réduisant ainsi le risque d’ostéoporose et, par extension, de fractures du col du fémur ou de compressions vertébrales. D’autres études ont même montré une diminution de l’incidence de certains cancers, notamment digestifs.

Il faut cependant rappeler que l’hormonothérapie est contre-indiquée en cas d’antécédents de cancer du sein hormonodépendant ou d’intolérance hormonale. Dans ces situations, des alternatives thérapeutiques non hormonales pourraient changer la donne.

Quel serait votre message aux femmes concernées ? ?

Trop de femmes souffrent des désagréments de la ménopause et pourraient bénéficier d’une hormonothérapie efficace qu’elles redoutent de prendre. Malheureusement, même si les risques ont été recontextualisés, la peur générée par l’étude WHI continue d’alimenter le tabou.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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