« Enfin ! » Les Ukrainiens et leurs alliés célèbrent samedi l’adoption par les États-Unis d’une aide de 60,8 milliards de dollars à l’Ukraine, après des mois de blocage. Sur le terrain, les forces ukrainiennes ne cachent plus leurs difficultés, étranglées par les retards dans l’acheminement des Aide occidentale. Semaine après semaine, les Russes, plus nombreux et moins limités en termes de munitions, grignotent du terrain dans l’est du pays.
Dans ce contexte difficile et alors que Moscou occupe encore 20 % du territoire ukrainien, cette aide est « essentielle » pour Kiev, souligne Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien et stratège, qui assure qu’elle permettra de « rééquilibrer » « C’est vital pour l’Ukraine », renchérit Cédric Mas, historien militaire et spécialiste du conflit. L’effort de réarmement est largement insuffisant pour l’instant : l’Europe avait promis un million d’obus cette année, il est bien en dessous pour le Face à la lenteur de la mobilisation européenne, l’aide américaine est donc indispensable.
Une enveloppe dodue mais « insuffisante »
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n’a pas tardé à saluer ce paquet qui, selon lui, « sauvera des milliers de vies ». Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, les États-Unis ont jusqu’à présent promis 74 milliards d’aide à Kiev. « Cette enveloppe équivaut presque à ce qui a déjà été donné par les États-Unis. C’est très important. A titre de comparaison, c’est comme si, en France, l’Assemblée nationale avait voté une aide de neuf milliards, dont six milliards pour l’Ukraine », illustre Michel Goya.
Mais si Joe Biden a estimé que le Congrès américain était à la hauteur de « l’Histoire », ces milliards pourraient cependant s’avérer largement insuffisants. Carole Grimaud nous invite à regarder plus en détail la répartition de ces financements. « Une partie des fonds servira à réapprovisionner l’armée américaine » avec du matériel déjà envoyé en Ukraine, note l’expert de l’Observatoire géostratégique de Genève. Pour le fondateur du Centre de recherches sur la Russie et l’Europe de l’Est (Creer), « cette aide est (donc) indispensable, urgente mais elle ne suffira pas à récupérer la souveraineté des territoires ».
« Sauvegarder le sang »
D’autant que l’armée ukrainienne était épuisée en attendant cette aide. La dernière promesse de livraison américaine date de décembre 2022 et les dernières livraisons effectives d’octobre 2023. « Mieux vaut tard que trop tard », a déclaré le Premier ministre polonais Donald Tusk, soutien inconditionnel de Kiev, avant d’ajouter « J’espère qu’il n’est pas trop tard pour Ukraine. » Car depuis octobre, Kiev résiste sans réapprovisionnement. « Les forces ukrainiennes compensent l’absence de nouveaux chars, canons et munitions par la perte de leurs hommes », grogne Cédric Mas, qui rappelle que les équipements militaires « sauvent le sang ».
Une prolongation pourrait toutefois suivre. « Le Congrès est en train d’adopter une autre loi qui confisquera les avoirs russes aux États-Unis et les renverra en Ukraine. Cela ajouterait six milliards d’aide», explique Carole Grimaud. Mais « ce que fournissent les Etats-Unis, c’est le minimum pour tenir le cap », estime Michel Goya. « Il faudrait sans doute doubler cet effort pour donner un avantage décisif à l’armée ukrainienne », glisse-t-il, ajoutant que l’issue d’un conflit n’est pourtant pas seulement une question de moyens financiers mais aussi de « mobilisation humaine » voire de « réorganisation des forces armées ». les forces ».
Une « facture » exponentielle
« Cette somme devrait être envoyée à Kiev chaque année », estime, de son côté, Cédric Mas. « Et plus nous attendons, plus il faudra d’argent pour aider l’Ukraine à sortir de l’impasse. La facture finale augmente chaque jour», analyse l’historien militaire, qui évoque des pertes humaines et une aggravation des problèmes. « Cela coûte de plus en plus cher en vies humaines, en efforts et en argent, des deux côtés du conflit », ajoute Michel Goya. Mais à l’approche de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, « il existe une énorme incertitude sur le suivi de l’aide américaine », rappelle Carole Grimaud.
Donald Trump et les Républicains en général sont réticents à signer des chèques pour lutter contre la stagnation du conflit. Or, pour gagner la guerre, les Ukrainiens ont avant tout besoin de « régularité », estime Cédric Mas. « Il y a des arythmies constantes dans l’aide, avec des mois de livraisons importantes et des mois sans rien. Avec cohérence, les Ukrainiens pourraient planifier leurs actions militaires », souligne-t-il. Plus qu’un montant précis, Kiev aurait donc besoin d’une régularité que la politique nationale et internationale continue de lui refuser.