« Il est impressionnant », le bon élève Evenepoel peut-il déloger Vingegaard de la 2e place ?
Régulier depuis le début du Tour de France derrière le duo Tadej Pogacar-Jonas Vingegaard, Remco Evenepoel est sorti de l’ombre ce mercredi en se montrant offensif lors de la 17e étape. Revenu à moins de deux minutes de la deuxième place, le prodige belge peut nourrir de grandes ambitions.
Il est à la fois son fidèle lieutenant et l’un de ses plus proches amis. Ce qui n’empêche pas Ilan Van Wilder d’être encore surpris et émerveillé par Remco Evenepoel. « On roule ensemble depuis qu’on a 17 ans, je le connais par cœur. Je savais qu’il était très fort, mais personnellement je ne pensais pas qu’il serait aussi bon », souriait le plus jeune des deux Belges, ce mercredi, les traits marqués par la fatigue de quatre heures d’efforts épuisants. Gagnée par l’Equatorien Richard Carapaz sous le soleil de Superdévoluy, en terres alpines, la 17e étape de ce Tour de France millésime 2024 a surtout été marquée par l’audace d’Evenepoel, bien plus chien fou qu’il ne veut nous le faire croire.
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La troisième place, le seul objectif ?
Un temps repris sur la banderille posée par l’insatiable Tadej Pogacar dans le col du Noyer, l’avant-dernière difficulté du jour, le patron de la Soudal-Quick Step, 24 ans, ne s’est pas affolé. Avec d’abord un effort bien géré pour revenir dans la descente, puis une mine placée dans la montée vers Superdévoluy (3,8km à 5,9%) pour gratter dix secondes sur Pogacar et douze sur Vingegaard. De quoi lui permettre de consolider sa place sur le podium, en attendant peut-être mieux. « On a vu qu’il était costaud ! C’est sympa et ça peut nous donner confiance pour les étapes à venir. On est convaincu qu’il finira fort, avec le contre-la-montre dimanche. On est très content, mais il faut rester calme et défendre la troisième place. Tout ce qu’il peut faire de plus est génial mais ce n’est pas nécessaire. L’objectif, c’est la troisième place », a insisté Van Wilder, pour ne pas ajouter de pression inutile sur les épaules de son leader.
Même discours du vieux loup Yves Lampaert : « Remco se sent de mieux en mieux, j’espère qu’il va rester sur le podium, car tout va bien pour le moment. Il reste des étapes très dures, mais je pense qu’il a encore de l’énergie. On peut être content de la troisième place. L’idée, c’est pourquoi pas gagner une autre étape avec le contre-la-montre, finir troisième avec Remco et peut-être cinquième au classement général avec Mikel Landa. Remco est très impressionnant, il est mature. » Officiellement, ravir la deuxième place occupée par Jonas Vingegaard, avec près de deux minutes d’avance sur Evenepoel, ne fait donc pas partie des plans de la Soudal-QuickStep. Mais faut-il vraiment se fier à cette seule version ? En début de semaine, le protégé de Patrick Lefevere répétait à l’envi qu’il n’était pas question pour lui de faire une folie et, selon ses mots, qu’il serait « stupide » de jouer toutes ses cartes sur la table.
Son entourage assure qu’il est largement satisfait d’avoir en sa possession le maillot blanc de meilleur jeune et ce statut de troisième homme à l’affût, longtemps tapi dans l’ombre derrière le duo Pogacar-Vingegaard. Mais c’était avant que le Danois ne s’enlise dans les Alpes du Sud et ne laisse aux fans d’Evenepoel – toujours aussi bruyants – l’espoir frénétique d’une « remontada ». Régulier quand la pente s’élève, en forme en début de troisième semaine, et capable d’écœurer la concurrence dans l’exercice solitaire qui lui convient plus que tout, Evenepoel est-il en droit de rêver grand quand les grands Tours, disputés sur trois semaines, ne lui ont pas toujours convenu ?
Le défi de la montagne et des descentes
« Il lui reste encore du potentiel sinon il n’aurait pas attaqué aujourd’hui. C’est évident qu’il garde le podium en tête, mais il est passé sous les deux minutes de Vingegaard, ça pourrait lui donner des idées. Il faudra voir comment il se comporte à très haute altitude, mais si Vingegaard continue à montrer des signes de faiblesse, il aura une grosse chance en jeu. Dans un mauvais jour, on peut perdre entre 45 secondes et une minute. Imaginons que Remco arrive dimanche avec une minute de retard avant le contre-la-montre entre Monaco et Nice : ça nous donnerait beaucoup de suspense pour la deuxième place de Pogacar », anticipe notre consultant Jérôme Coppel.
Accompagné de doutes après sa chute en avril lors du Tour du Pays Basque (fractures de la clavicule et de l’omoplate droite) et de ses difficultés affichées en montagne lors du dernier Dauphiné, qu’il termine à une anonyme septième place à deux minutes de Primoz Roglic, Evenepoel arrive au départ de Florence en sérieux outsider, même s’il n’est pas présenté comme l’un des principaux favoris. Son succès dans le contre-la-montre de la 7e étape tracée dans les vignobles de Bourgogne l’a comblé. Et a sans doute aiguisé son appétit de rabat-joie.
Même si Coppel nuance ses dires : « Ma seule inquiétude pour lui, ce sont les descentes. Ce n’est pas ce qu’il préfère. Ça ne m’étonnerait pas de voir les gars de Visma-Lease a bike faire une descente à fond en haut d’un col pour essayer de le faire exploser. Au-delà, il ne faut pas qu’il s’emballe. Attention à ne pas trop s’emballer, mais ça n’a pas été le cas jusqu’à présent. Il est très bien soutenu par son équipe, qui lui tient plus que la bride et le conseille. » Ce mercredi, il a pu compter sur l’aide du Tchèque Jan Hirt, présent dans l’échappée et relais précieux au moment de son accélération dans la montée vers Superdévoluy. Le travail de protection avait auparavant été réalisé par le Basque Mikel Landa et son pote Van Wilder. « Son attaque n’était pas planifiée », a précisé ce dernier.
Pas d’incendie à Evenepoel
« C’était une étape pour les échappées et c’était calme jusqu’à ce que Lidl-Trek fasse tout exploser », a poursuivi Van Wilder. « Ensuite, c’était à fond. Quand j’ai vu Pogacar attaquer, j’ai pensé que ça allait être très dur à nouveau. Mais Remco a très bien géré la situation et on peut être content. Le Tour est un endroit spécial, c’est le plus haut niveau du monde avec Pogacar et Vingegaard, donc chapeau bas à lui. Ce qu’il fait depuis le début est génial. » Le bon élève Evenepoel avait estimé que Vingegaard n’était « pas dans son meilleur jour ».
« J’ai vu qu’il n’avait pas réussi à sauter sur la roue de Tadej, alors je l’ai laissé partir. On m’a dit dans la voiture que Jan Hirt m’attendait et qu’il fallait que j’y aille. C’est ce que j’ai fait. J’ai pu reprendre quelques secondes, pas beaucoup, mais le plus important c’est que j’ai de bonnes jambes », confiait-il après avoir franchi la ligne, souriant mais catégorique sur ses ambitions : « Est-ce que je vise Vingegaard ? Pas du tout, il reste deux minutes. Je suis peut-être un peu meilleur que lui sur une étape comme celle-là, mais il y a encore de la haute montagne. Je veux essayer de rester en forme et de consolider ma troisième place. » Attention, ce ne serait pas le premier coup de bluff de ce Tour.