« Il est essentiel d’avoir une Formule 1 avec soi »… La recherche perpétuelle pour améliorer les fauteuils roulants et les prothèses
Les équipements para-sportifs font l’objet d’un important travail de préparation et d’amélioration en amont des grands événements. Chercheurs et ingénieurs sont mobilisés aux côtés des athlètes pour les pousser vers la performance.
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Le sport de haut niveau est une affaire de détails, parfois invisibles à l’œil nu. Une prothèse mieux adaptée au moignon, ou plus longue de quelques millimètres, une chaise aux roulettes plus légères, une assise plus ou moins profonde… Les para-athlètes, alignés depuis le 28 août aux Jeux paralympiques de Paris, ont effectué – en plus de leur préparation sportive – un long travail d’adaptation de leur matériel, pour aller chercher des secondes, des centimètres, ou un meilleur geste.
Stéphane Houdet en sait quelque chose sur le sujet. Le joueur de tennis en fauteuil roulant français a inventé une nouvelle façon de jouer : à genoux, avec une chaise adaptée. Le quintuple médaillé paralympique (dont trois titres en double masculin) est « il travaille encore sur sa chaise » quand nous l’avons rejoint vendredi soir.
A seulement deux jours de son entrée dans le tournoi paralympique (qu’il a réalisé avec deux victoires en simple et en double), le joueur de tennis s’affaire à régler les derniers détails, « résistance au roulement »plus précisément. Recevoir une nouvelle chaise ou tester une amélioration, pour lui, c’est un peu « comme Noël ». « Je réfléchis toujours à l’avance aux améliorations et lorsque je les constate, je suis comme un enfant qui reçoit son nouveau jouet. »il sourit.
Jean-Philippe Fleurian, responsable du paratennis à la Fédération française de tennis (FFT), a confirmé lors d’une conférence de presse que le membre le plus âgé de cette équipe française de tennis en fauteuil roulant est un « créatif (…) méticuleux dans les détails ». Il s’est présenté sur les courts de Roland-Garros avec une nouvelle chaise « fantastique »OMS « permettra que cela aille encore plus vite que d’habitude. »
Les prothèses et fauteuils des para-athlètes font l’objet d’un long travail avant les délais, entre l’athlète et son orthésiste, qui conçoit le matériel. Tout est réalisé sur mesure. Le résultat final fait l’objet de nombreux allers-retours entre les différentes parties, de la réalisation technique aux compétitions, en passant par les tests d’entraînement.
« Je recherche le meilleur support et, derrière cela, j’ai une équipe qui fabriquera selon les spécifications que nous avons mises en place.Nicolas Ottmann, orthésiste pour para-athlètes, dont Dimitri Pavadé, décrit à l’AFP. Ensuite, je reçois la prothèse pour l’essayage et là, avec Dimitri, on va souvent au stade pour travailler les alignements, les appuis. »
Stéphane Houdet, lui, n’a pas cherché à faire des secondes, mais à faire moins de kilos. Le Français a fait appel à un ensemble de corps de métiers et d’entreprises pour fabriquer la chaise la plus efficace possible : chercheurs, ingénieurs, ergothérapeutes, spécialistes du carbone, etc.. « Mon dernier objectif était d’avoir la chaise la plus légère du monde. Nous avons d’abord travaillé sur les grandes roues, puis le châssis, la main courante… Nous avons réussi à réduire son poids de 10 à 6,4 kg »il énumère.
« Dans l’école de formation, nous avons une équipe qui fabrique des pièces pour la Formule 1 et des pièces pour les navettes spatiales. »
Stéphane Houdet, joueur de tennis en fauteuil roulantà franceinfo : sport
L’idée derrière tout cela est aussi de s’adapter à un niveau de jeu qui a augmenté. « Il est essentiel d’avoir une Formule 1 avec soi. On a pris des mesures, en ligne droite, je suis plus rapide avec le fauteuil amélioré que l’ancien. J’ai aussi trouvé un appui avec mon pied, je pense que ça me fait gagner en puissance », dissèque Houdet.
L’objectif est d’améliorer sans cesse le matériel avec la plus grande précision. En matière de prothèses, Alexis Hanquinquant fait figure de pionnier. Le porte-drapeau de la délégation française dispose d’une prothèse unique pour la natation, le vélo et la course à pied dans les épreuves de paratriathlon (catégorie PTS4). Avant Paris, le médaillé d’or à Tokyo a été aidé par la société Airbus qui a conçu la coque de sa prothèse pour lui faire gagner du temps.
« Il utilise sa lame de course qui est faite pour la course à pied, mais qui n’est pas vraiment adaptée au vélo. Nous avons cherché à donner à cette prothèse une forme aérodynamique, qui lui permettrait de gagner de précieuses secondes sur la partie vélo de l’épreuve.« , décrit Christophe Debard, ingénieur chez Airbus, au magazine L« Nouvelle usine »Cette coque s’enlève en quelques secondes et permet de limiter les effets liés à l’utilisation d’une prothèse adaptée à la course à vélo.
Les détails et le niveau de précision ne s’arrêtent pas là. Le Suisse Marcel Hug, quadruple médaillé d’or à Tokyo et vice-champion paralympique du 5 000 m T54 samedi, qui a longtemps dégoûté ses adversaires, a révélé à L’équipe que sa chaise, aspect indissociable de son succès, avait nécessité quatre années de développement et beaucoup de travail sur les roues. « Les essais en soufflerie nous ont montré que l’aérodynamisme est meilleur avec des roues ouvertes plutôt qu’avec des roues pleines, sinon le flux d’air est arrêté par les roues entre la gauche et la droite, et cela nous ralentit. »il a analysé ensuite.
Quelle que soit la discipline, tous ces détails mis ensemble permettent des gains de vitesse, d’aérodynamisme, de précision, de maniabilité ou de confort pour le para-athlète.Nous examinons régulièrement ce qui peut être amélioré.a confirmé Pauline Déroulède, joueuse de tennis en fauteuil roulant française, lors d’une conférence de presse. Si nous jouons sur terre battue, nous allons sous-gonfler les pneus, si nous jouons sur des surfaces dures, nous les surgonflerons. Avec un seul objectif à la fin : gagner une médaille.