Depuis l’attaque sanglante du Hamas le 7 octobre sur le territoire israélien, l’un de ses best-sellers publié il y a 7 ans a pris un ton prémonitoire : « Le Requin » décrit une escalade fatale qui commence par une attaque des commandos du Hamas contre des kibboutzim et culmine dans une puissante réponse israélienne contre l’Iran.
« Nous sommes sur le point d’y parvenir », déclare d’une voix calme l’ancien agent de 72 ans lors de sa réception dans sa maison qui surplombe la campagne entourant Jérusalem et, loin à l’horizon, la bande de Gaza. Téhéran a lancé ce week-end des centaines de missiles et de drones.
Dystopie
Sur la porte du pavillon de Mishka Ben-David, dans la petite ville de Ramat Raziel, un coin endommagé : « c’est la trace laissée par les éclats d’obus d’une roquette tirée depuis Gaza qui a explosé tout près d’ici » explique-t-il. La roquette a touché son quartier lors de la guerre de l’été 2014 entre Israël et le mouvement palestinien Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza.
Deux mois d’affrontement, une offensive terrestre israélienne à Gaza et un constat : « Toutes ces guerres ne se sont terminées ni par une attaque décisive ni par un accord de paix et il était donc clair que l’affrontement allait reprendre », explique Mishka Ben-David.
En 2017 sort « Le Requin », avec ses premières pages dystopiques dans lesquelles des hommes armés du Hamas entrent dans le kibboutz de Kfar Aza, l’un des plus touchés le 7 octobre, avec des dizaines de morts. Un scénario que cet auteur prolifique d’une vingtaine d’ouvrages, dont plusieurs traduits à l’étranger, avait imaginé en effectuant des repérages dans ces localités du sud d’Israël, frontalières de Gaza. « Sur place, je me suis dit +quel serait le meilleur endroit pour attaquer si j’étais le Hamas+ (…) ces kibboutz étaient protégés pour la vie quotidienne, pour une attaque en un seul endroit, pas pour une invasion globale ».
Mishka Ben-David est bien placé pour savoir si l’armée ou les services de sécurité peuvent échouer.
En septembre 1997, il fut l’un des protagonistes d’une des opérations les plus rocambolesques du Mossad : l’assassinat avorté de l’ancien leader du Hamas Khaled Mechaal qui résidait alors à Amman en Jordanie.
L’empoisonnement du leader du Hamas
Une série de revers ont fait dérailler ce plan bien huilé et Mishka Ben-David s’est retrouvé dans le rôle improbable de devoir sauver sa cible. Benjamin Netanyahu effectuait alors son premier mandat de Premier ministre. En juillet, un attentat suicide revendiqué par le Hamas sur le principal marché de Jérusalem a tué 16 personnes et en a blessé plus de 160 autres.
« Nous avons proposé plusieurs façons de tuer Meshaal. Placez une bombe dans sa voiture, faites-le tirer dessus par un sniper, tirez-lui directement mais Netahyanou a dit +je veux un moyen de le tuer en silence, sans laisser de traces», raconte ce bonhomme barbu parmi les fleurs de son jardin.
L’option du poison fut finalement retenue. Deux agents « ont réussi à pulvériser la substance », mais des événements imprévus ont suivi, « et ils ont été rattrapés », raconte Mishka Ben-David qui était alors chef du renseignement de l’unité opérationnelle du Mossad. « J’avais avec moi l’antidote au poison au cas où l’un des agents serait touché par la substance » pendant l’opération. Finalement, c’est Khaled Mechaal, gravement ivre, qui en a profité, la Jordanie négociant son sauvetage en échange de la libération des deux agents israéliens.
Pessimisme
Le cours du conflit avec le Hamas aurait-il changé avec la mort de Meshaal ?
« Chaque dirigeant du Hamas tué a un adjoint qui le remplacera », relativise l’ancien espion alors qu’Israël traque dans la bande de Gaza l’un des dirigeants du mouvement islamiste, Yahya Sinouar, cerveau présumé de l’attentat du 7 octobre. .