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« Ihor savait ce que cela signifiait, que tout le monde allait mourir »

Le cortège funèbre du lieutenant-colonel Ihor Hryb, à Kryve Ozero, dans la région de Mykolaïv (Ukraine), le 5 octobre 2024.

Pour sauver la vie de ses hommes, il a perdu la sienne. Nous étions le 2 octobre. Cinq jours plus tôt, le lieutenant-colonel Ihor Hryb et les soldats de son bataillon avaient reçu l’ordre de quitter la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, pour le Donbass, à l’est du pays. « Il fallait à tout prix tenir un village, c’était le chaos »explique Ivan, un sous-officier appartenant au 186e bataillon s’exprimant sous couvert d’anonymat, de retour de cette mission. Les soldats avaient été déployés pendant la nuit sur un terrain inconnu. Surtout, le bataillon manquait d’effectifs et souffrait d’un manque cruel d’équipements. « Nous n’avions que des mitrailleuses mais pas d’artillerie ni de véhicules blindés (pour contenir l’avancée russe), poursuit le sous-officier. Ihor savait ce que cela signifiait : que tout le monde allait mourir. »

Le 2 octobre, selon Ivan et un autre sous-officier, le commandant du 186e Le bataillon envoie une recommandation finale sur une boucle de messagerie : « Prenez vos décisions, sauvez des vies. » Il disparaît le jour même. La nouvelle de sa mort, dans des circonstances encore non officiellement élucidées, s’est répandue parmi tous les militaires, qui ont finalement quitté leurs positions le lendemain. Pour beaucoup, cela ne fait aucun doute : le commandant s’est suicidé après avoir refusé d’obéir aux ordres.

Le lieutenant-colonel Ihor Hryb s’est engagé dans l’armée au début de la guerre du Donbass en 2014. Décoré à deux reprises, il était marié et père d’une petite fille. Le 123e brigade de défense territoriale, à laquelle est rattachée la 186e bataillon, a annoncé l’ouverture d’une enquête interne sur les circonstances du décès d’un « soldat dévoué à la cause militaire et à son pays ».

« Ihor est un héros »

Samedi 5 octobre, de nombreux militaires du 186e Le bataillon s’est rendu aux funérailles d’Ihor Hryb dans sa ville natale, Kryve Ozero, dans le sud du pays. En fin de matinée, devant la maison de son épouse, dont l’entrée restait ouverte, toute la foule semblait se connaître. Les habitants se saluent d’un signe de tête et d’une poignée de main. Les soldats, qui vont et viennent à l’intérieur avec des fleurs pour rendre hommage aux défunts, discutent dans la rue et échangent de profondes accolades. Quelques blessés, amputés, passent devant la foule avec des regards éteints. « À Kryve Ozero (7 500 habitants avant la guerre), nous avons perdu 76 hommesdire Mykhaïlo, un retraité qui avait connu Ihor Hryb. Mais regardez combien de blessés… »

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Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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