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Huit questions pas si stupides sur les prides LGBT+

Pourquoi ces manifestations ont-elles lieu en juin partout dans le monde ? Quand a eu lieu la première marche de ce type en France ? Les personnes non LGBT+ sont-elles les bienvenues ? Réponses avec des chercheurs et des associations à l’occasion de la grande manifestation parisienne, samedi après-midi.

« Contre la transphobie : transsolidarité ». L’Inter-LGBT appelle les Parisiens à marcher en défense des personnes transgenres lors de la marche des fiertés de Paris, samedi 29 juin à 13h30. Un slogan décidé en raison de l’actualité politique, alors qu’Emmanuel Macron juge « grotesque » la proposition du Nouveau Front Populaire de faire changer son état civil en mairie, et qu’une proposition de loi des Républicains au Sénat veut limiter très fortement les transitions de genre des mineurs.

Comme chaque année à cette période, plusieurs défilés ont lieu, en France et dans le monde, pour défendre les droits des personnes LGBT+. Mais savez-vous pourquoi ? Franceinfo répond aux questions que vous vous posez peut-être sur les « prides ».

1 Qu’est-ce qu’une marche des fiertés ?

« C’est un savant mélange de militantisme et de célébration »explique Anne-Lise Ceran, co-présidente de l’association Nosig, qui organise la marche des fiertés nantaise depuis 2001. « C’est avant tout quelque chose de militant, puisque c’est un moment pour (…) mettre en lumière les discriminations que notre communauté peut ressentir au quotidien et exprimer nos revendications »elle explique. Les marches sont aussi une opportunité « de rappeler que dans certains pays, être une personne LGBT+ est encore passible de mort ou de prison, que dans certains endroits on ne peut pas s’unir ou adopter des enfants »renchérit James Leperlier, président d’Inter-LGBT, la fédération des associations qui organise la marche à Paris.

Mais cette démonstration « doit aussi rester un moment de fête »Pour « célébrons qui nous sommes, dans notre diversité »dit Anne-Lise Ceran. « C’est un événement qui nous permet de montrer, d’abord aux personnes LGBT+, mais aussi à la société, que nous sommes heureux et fiers de qui nous sommes, et que nous ne nous cacherons pas. pas »ajoute James Leperlier.

Témoins du mélange entre aspects militants et festifs, les marches portent des slogans liés aux enjeux politiques du moment (droit au mariage et à l’adoption, procréation médicalement assistée, etc.). Mais les cortèges sont rythmés par des DJ, des chorales ou des chars, et les gens viennent souvent en groupe pour se retrouver. A Paris, un concert gratuit est organisé à la fin de la manifestation. Dans d’autres villes, des événements culturels comme des festivals de cinéma ou des expositions s’ajoutent aux manifestations.

2 D’où vient cette tradition ?

Les marches des fiertés du monde entier, généralement organisées en juin, commémorent les émeutes de Stonewall, survenues à New York en juin 1969. Et ce, même si elles ne sont pas forcément les « héritiers directs »explique Guillaume Marche, professeur de civilisation américaine à l’université Paris-Est Créteil et spécialiste des mouvements LGBT+ aux Etats-Unis.

Le 28 juin 1969, dans un bar new-yorkais appelé le Stonewall Inn, fréquenté par de nombreux homosexuels, transgenres, drag queens et prostituées, une descente de police se transforme en affrontement. A l’époque, ces opérations des forces de l’ordre étaient « assez courant, dans un contexte de répression policière contre les personnes LGBT+ »se souvient Guillaume Marche. Ceux-ci sont régulièrement arrêtés dans les bars, notamment pour « attentat à la pudeur » dans des affaires de baisers.

Ce soir-là, les policiers qui pénètrent dans l’établissement se retrouvent face à une foule qui ne cède pas. « Ceux qui avaient été arrêtés ont commencé à protester ; nous avons commencé à jeter des objets, des pièces de monnaie, tout ce qui nous tombait sous la main, sur les voitures de police. Nous ne nous étions pas du tout concertés, mais cette fois nous nous sommes dit : « C’est ça ». assez' »a dit à un participant en 2019 de LibérerRésultat : le face-à-face a tourné à l’émeute, qui a duré cinq jours. Après ces affrontements, de nombreuses organisations de défense des droits LGBT+ ont vu le jour outre-Atlantique.

« Les premières gay Prides sont alors organisées dès l’année suivante aux Etats-Unis, puis dans le monde, pour commémorer les événements de juin 1969. »

Guillaume Marche, historien spécialiste des mouvements LGBT+ aux États-Unis

vers franceinfo

Encore, « il y avait déjà des rassemblements d’homosexuels qui se présentaient dans l’espace public à visage découvert pour dire : ‘nous existons’ »note l’historien. Les émeutes de Stonewall ont néanmoins joué un rôle dans la consolidation des mouvements et des marches qui commençaient à émerger.

3 Et en France, depuis quand existe-t-il ?

En France, « la première apparition dans l’espace public d’homosexuels et de lesbiennes se revendiquant tels remonte au 1er mai 1971 »souligne Mathias Quéré, chercheur à l’Université Paris-Cité. Des militants du Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar), collectif de gauche radicale né dans la foulée des mouvements de contestation de mai 1968, ont fait irruption dans le défilé du 1er-Mai organisé par les syndicats.

Au cours des années 1970, l’activisme LGBT+ s’est développé et « Des groupes de libération homosexuelle (GLH) apparaissent dans une trentaine de villes du France »note l’historien. Finalement, le 25 juin 1977, la première marche autonome d’homosexuels et de lesbiennes est organisée dans la capitale, en soutien au mouvement LGBT+ américain qui, derrière le député Harvey Milk, dénonce les lois discriminatoires. L’ancêtre de la marche des fiertés parisienne ne rassemble alors que quelques centaines de personnes.

A l’approche de l’élection présidentielle, dans la perspective d’une arrivée au pouvoir de la gauche, le Comité d’urgence contre la répression homosexuelle (Cuarh) organise une nouvelle marche le 4 avril 1981 à Paris, pour réclamer la fin des discriminations légales visant les personnes LGBT+. Le succès du rassemblement – ​​plus de 10 000 personnes y participent – ​​marque le début de l’organisation annuelle des marches des fiertés en France.

4 Mais ne l’appelait-on pas autrefois « gay pride » ?

Les noms des marches des fiertés ont évolué au fil du temps. L’expression « fierté gai » (« gay pride » en anglais) est le terme le plus utilisé aux États-Unis et dans le monde pour désigner les marches annuelles depuis les années 1980. Mais ce nom a évolué au fil du temps, notamment pour être plus représentatif de la diversité des personnes LGBT+, tandis que l’acronyme regroupe une grande variété d’identités : lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, queers, mais aussi personnes intersexuées ou asexuelles…

Le terme « pride », largement utilisé pour désigner les marches françaises ces dernières années, « est plus inclusif »justifie la militante Anne-Lise Ceran. Le terme « fierté » est désormais aussi utilisé seul, dans la même volonté d’inclusivité.

5 Pourquoi marcher pour les personnes LGBT+ et pas pour les autres ?

« En réaction aux droits obtenus par les personnes LGBT+ au cours des vingt dernières années, notamment en Amérique du Nord et en Europe, on assiste à l’émergence d’un discours qui considère que l’égalité est acquise, et qu’il n’y a donc plus lieu de revendiquer une « fierté LGBT+ » », explique le chercheur Guillaume Marche. Par exemple, des partisans de l’ancien président américain Donald Trump ont organisé une « parade de la fierté hétérosexuelle » à Boston en septembre 2019, en réponse à une marche LGBT+ en juin dans la même ville, rapporte la chaîne locale NBC Boston. Ces discours de protestation vont parfois jusqu’à « la remise en cause des droits acquis par la minorité LGBT+ »note également Guillaume Marche.

Pourtant, les personnes LGBT+ continuent de subir différentes formes de discrimination, n’ont pas encore acquis tous les droits qu’elles revendiquent à travers le monde et voient même certains acquis remis en cause, soulignent les associations. « Être hétéro ne pose aucun problème pour accéder à un logement ou à un emploi et ne risque pas de conduire à se faire agresser dans la rue »déclare Anne-Lise Ceran, de l’association Nosig, qui assure que « Tant qu’il n’y aura pas une égalité complète, nous continuerons à marcher. »

6 Par qui ces événements sont-ils organisés et avec quel financement ?

Les marches des fiertés sont organisées par une ou plusieurs associations LGBT+, souvent regroupées sur un même territoire. Pour financer ces défilés, elles puisent dans leurs fonds propres (dons, adhésions, etc.), mais peuvent également bénéficier de subventions des collectivités locales. Certains organisateurs ont recours à des partenariats privés avec des entreprises, qui mettent à disposition des ressources matérielles pour la tenue des marches en échange de leur soutien affiché lors de l’événement.

Enfin, les associations peuvent exiger des organisations souhaitant participer au cortège (autres associations LGBT+, organisations professionnelles, partis politiques, etc.) qu’elles s’acquittent des frais d’inscription pour défiler. Le jour même, les organisateurs collectent parfois des fonds (dons, rafraîchissements, etc.) pour reconstituer la trésorerie qui servira à organiser la marche l’année suivante.

7 Y a-t-il des marches uniquement dans les grandes villes ?

Si ces manifestations ont d’abord émergé dans les grandes villes américaines puis occidentales, elles se sont également étendues à certaines capitales du reste du monde et, parfois, à des zones plus rurales. En France, on compte quelque 80 marches des fiertés organisées en 2024, selon un recensement de la fédération LGBTI+. Elles se déroulent principalement dans les grandes villes, mais ont également lieu dans des communes de moins de 10 000 habitants comme Ancenis (Loire-Atlantique), Saint-Martin-d’en-Haut (Rhône) ou Tignes (Savoie). Ces dernières années, des rassemblements ont même eu lieu dans certains villages, comme Molines-en-Queyras (Hautes-Alpes), Saint-Laurent (Lot-et-Garonne) ou Chenevelles (Vienne), qui accueille depuis lors une marche des fiertés rurale. 2022.

En plus de ces marches dans des lieux inédits, des rassemblements thématiques ont fait leur apparition apparition dans des villes où des manifestations existaient parfois déjà : prides nocturnes, marches lesbiennes, prides suburbaines ou prides radicales… Ces « contre-marches » sont « plus politisé et radical » que leurs aînés, note l’historien Guillaume Marche. Leur multiplication reflète notamment « la volonté de certains au sein des mouvements LGBT+ d’échapper à l’influence des sponsors (présent depuis les années 1980) et le sentiment de commercialisation des identités et des mobilisations LGBT+ », il ajoute. L’émergence de ces nouveaux marchés témoigne également de « la volonté d’accentuer, ou de revendiquer, la visibilité de segments de la communauté LGBT+ » qui bénéficient d’une moindre acceptation sociale et qui ont leurs propres revendications (personnes trans, LGBT+ et racisées, etc.).

8 Les personnes non LGBT+ sont-elles les bienvenues là-bas ?

La grande majorité des marches des fiertés accueillent toute personne souhaitant participer, qu’elle soit LGBT+ ou non. « Plus il y a de monde, mieux c’est, car cela montre que ce ne sont pas seulement les personnes LGBT+ qui soutiennent leurs droits et partagent leur fierté »déclare James Leperlier, Président de l’Inter-LGBT. Estimant également la présence de ces « alliés » – terme qui désigne des personnes non directement concernées par une cause militante, mais qui la soutiennent – « hyper important », Anne-Lise Ceran précise que « Il est également important de laisser s’exprimer en priorité ceux qui sont directement concernés » lors de ces événements.

Cammile Bussière

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