Suite au témoignage de la famille de Medhi Narjissi, jeune joueur du Stade Toulousain disparu le 7 août emporté par les flots en Afrique du Sud, le récit de cette journée cauchemardesque se précise.
C’était une journée comme des dizaines d’autres lors des tournées estivales des équipes françaises de rugby à l’étranger. Les U18, emmenés par leur capitaine Medhi Narjissi, étaient en Afrique du Sud pour disputer les International Series. Ce mercredi 7 août, les jeunes Bleus n’ont pas joué et ont profité d’une journée de repos.
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Pique-nique vers 12h
Et comme à l’accoutumée, le groupe et la direction partent visiter une partie du pays, ou de la ville, dans laquelle ils se trouvent. Ainsi, le 1er août dernier, Medhi Narjissi et ses coéquipiers sont montés sur les hauteurs entourant Cape Town (Afrique du Sud) pour une randonnée, comme le prouvent des photos et vidéos postées sur les réseaux sociaux.
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Quelques jours plus tard, après avoir disputé leur premier match (le 5 août), les Bleuets et leur staff se sont rendus au Cap de Bonne Espérance. D’abord, un pique-nique a été organisé sur une plage. « On ne comprend pas trop comment s’est déroulée la journée », a regretté Jalil Narjissi, le père de Medhi, lors d’une conférence de presse, mardi 27 août, à Agen. « La plage où ils ont pique-niqué était très bien… »
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Après le repas, le groupe s’est divisé en deux
Après le déjeuner, le groupe s’est dirigé vers le phare de Bonne Espérance. Là, décision a été prise de scinder le groupe de joueurs en deux car le passage était trop étroit pour que tous les Bleuets puissent visiter le site historique en même temps. Tout au long de la journée, Frédéric, un Français qui vit en Afrique du Sud et qui a l’habitude d’accompagner les différentes sélections de jeunes du XV de France lors de leurs visites dans le pays, était présent, selon Jalil Narjissi.
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Et pendant que certains se dirigent vers le phare, l’autre moitié du groupe descend vers la fameuse plage de Dias située quelques dizaines de mètres plus loin. « Robin Ladauge a jugé que la plage était propice à une récupération et a pris la décision seul », a expliqué mardi le père de Medhi.
Nager avec le préparateur physique
Au-delà de la question de la pertinence d’une baignade de récupération après un pique-nique, d’autres questions se posent : pourquoi cette plage ? Pourquoi aucun des 8 membres de l’encadrement n’a-t-il jugé cette plage dangereuse malgré les nombreux panneaux et avertissements ? Quoi qu’il en soit, les joueurs se mettent à l’eau, accompagnés de leur préparateur physique, Robin Ladauge.
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Celui-ci est vêtu d’une tenue en néoprène qui protège du froid et a récupéré une bouée de sauvetage sur la plage, toujours selon les dires de la famille du jeune capitaine disparu. « Les enfants sont en sous-vêtements », a déclaré à la presse Valérie Narjissi. Les adolescents se mettent donc à l’eau pour une nage de récupération sous l’œil de 8 membres du personnel.
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Le manager Stéphane Campos arrive sur la plage
Mais ni le directeur général ni le médecin ne sont présents. Le premier n’est tout simplement pas au courant de ce que son staff a décidé. « Une initiative personnelle de Robin Ladauge », a expliqué Stéphane Campos, le directeur, dans sa déclaration aux enquêteurs sud-africains. Le médecin, Pascal Pradier, est un habitué de ces déplacements en Afrique du Sud et ne veut pas descendre toutes les marches qui mènent à Dias Beach. « Cela aurait dû être sa place, c’est un médecin. Pour moi, il n’a pas à se promener. Il doit être présent sur la plage », a témoigné le père du garçon disparu.
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Quelques minutes après l’entrée des jeunes joueurs dans l’eau, leur manager est arrivé sur la plage. « Ensuite, Stéphane Campos a enlevé son t-shirt pour aller dans l’eau et à ce moment-là, Robin Ladauge a dit aux joueurs de sortir de l’eau. Mais en regardant au loin, il a vu qu’il y avait un problème, deux silhouettes se débattaient », raconte Jalil Narjissi, qui a eu accès aux déclarations des 3 membres du staff. Le destin de Medhi était sur le point de basculer.
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« Nous en avons perdu un »
Stéphane Campos a vite compris le danger. « Il s’est rendu compte qu’il y avait un problème. Mais sur la plage, il n’y avait pas de réseau pour appeler donc ils ont dû remonter toutes les marches pour appeler », poursuit Jalil Narjissi. Pendant ce temps, le jeune capitaine des U18 tente de se débattre dans un océan de vagues pouvant atteindre jusqu’à 5 mètres de haut. Seul son coéquipier, Oscar Boutez, tente d’aller le sauver. En vain. « Aucun encadrant n’est allé là-bas », déclare Jalil Narjissi. A la remontée, un membre du staff crie : « On en a perdu un ».
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17h59 : L’appel de Florian Grill à Jalil Narjissi
Il est 17h59 lorsque les parents de Medhi Narjissi, en vacances, apprennent l’horreur, après avoir laissé leur fils à la gare en partance pour Paris quelques jours plus tôt. « Nous avons reçu un appel téléphonique du président de la Fédération le 7 août. Un appel en absence. A 17h59, je l’ai rappelé. Il m’a dit qu’il y avait eu un accident, que Medhi (il s’arrête, baisse la tête). Ça y est, tout s’arrête. C’est dur à encaisser. J’ai posé des questions, ma femme lui a aussi parlé, puis j’ai repris le téléphone », a tenté de décrire mardi Jalil Narjissi, très ému.