Hélène Courtois est cartographe du cosmos : « Les galaxies ne sont pas réparties au hasard dans l’Univers »

Sur Terre, nous utilisons des cartes presque quotidiennement pour nous déplacer et nous orienter. Ces cartes sont pratiques et fonctionnelles. Mais les cartes peuvent aussi être utilisées par les scientifiques. Ils les aident à répondre aux questions essentielles que beaucoup d’entre nous se posent (D’où venons-nous ? Où allons-nous ?).

C’est tout le travail que mène depuis des années l’astrophysicienne Hélène Courtois, spécialiste de cosmographie et vice-présidente de l’université Lyon 1. Ses travaux ont permis d’identifier Laniakea, le superamas de galaxies abritant la Voie Lactée. Numerama s’est entretenue avec la chercheuse pour comprendre la portée de ses découvertes.

Entretien avec Hélène Courtois, astrophysicienne

Numerama : En quoi consiste exactement la cosmographie ?

Hélène Courtois : Ceci sert à savoir où nous nous trouvons dans l’Univers. La première question à laquelle nous essayons de répondre est : où en sommes-nous ? C’est la même question quand on fait de la géographie. La cosmographie consiste à créer des cartes du cosmos ; La géographie consiste à dresser des cartes de la Terre. La science de la cartographie est inhérente aux humains, et peut-être à d’autres formes de vie.

A quoi ressemble une carte du cosmos ?

La spécificité de mes cartes est qu’elles sont en mouvement. Il s’agit plus précisément de cartes de déplacements. Ce que j’ai inventé, en astronomie, ce sont des cartes des mouvements dans l’Univers. Il s’agit d’une cartographie dynamique. J’observe les mouvements des galaxies avec des télescopes pour comprendre comment l’Univers est arrivé à ces cartes. Les galaxies de l’Univers ne sont pas réparties au hasard.

Qu’est-ce qu’une bonne carte de l’Univers ?

Je ne fais pas de cartes pour faire des cartes. J’ai un sens esthétique, j’aime que ce soit beau, compréhensible. J’aime que ça parle. Une carte qui ne parle pas est une carte qui n’est pas complétée. La carte doit donc transmettre des informations et on doit ressentir le mouvement en la voyant, et la carte doit montrer que les galaxies ne sont pas dans des positions aléatoires.

Votre grande découverte, Laniakea, a bouleversé la cosmographie. De quoi s’agit-il ?

L’une des grandes découvertes de ma carrière a été de tracer les limites de notre propre continent, appelé Laniakea. Nous l’avons dévoilé en 2014. C’est un continent en 3 dimensions, c’est un volume dans l’espace. Si on est à l’intérieur de cette limite, on aura un mouvement vers l’intérieur du volume. Si nous traversons cette frontière, nous faisons partie d’un autre continent. Depuis la fin de l’année dernière, j’ai fini de cartographier les 5 continents voisins de Laniakea.

Il a fallu 20 ans pour en cartographier un (Laniakea). Puis, en 10 ans supplémentaires, j’en ai cartographié 5 autres. L’avenir, ce sont les télescopes, et en particulier Euclide. Cela nous aidera à créer la plus grande carte de l’Univers, qui mesurera 10 milliards d’années-lumière. Ma grande carte actuelle fait 1 milliard d’années-lumière de côté et compte 6 continents extragalactiques.

Pourquoi devons-nous créer des cartes toujours plus grandes ?

C’est aller plus loin, mais aussi aller plus tôt dans l’Univers. C’est aussi pour remonter le temps que l’on réalise des cartes plus grandes. Avec une carte sur 10 milliards d’années, nous aurons des informations sur un Univers qui n’était pas le même qu’aujourd’hui.

A quoi servent ces cartes ?

Quand on fait de la science fondamentale, on n’a aucune idée de la manière dont elle sera utilisée. Ce n’est pas notre travail. Toutes les connaissances que j’acquiers appartiennent au monde entier. Personne ne peut imaginer ce que les humains ultérieurs en feront. Je sais que cela sera utile à l’humanité. J’espère que cela servira à la conservation des entités vivantes et non vivantes.

Au programme de « Sur les épaules des géants »

L’événement « Sur les épaules des géants », dédié à la vulgarisation scientifique, se déroule du 26 au 28 septembre 2024.