Divertissement

Hafsia Herzi, dans « Le Prisonnier de Bordeaux »

Hafsia Herzi est à son meilleur, aux côtés d’Isabelle Huppert, dans le dernier film de Patricia Mazuy projeté à la Quinzaine des cinéastes de Cannes. Comment a-t-elle incarné son personnage jamais caricatural d’épouse de détenu ? Rencontre.

France Télévisions – Culture Edito

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Temps de lecture : 5 minutes

L'actrice Hafsia Herzi à la Terrasse Albane à Cannes le 18 mai. (LCA / FRANCEINFO CULTURE)

Le dernier film de Patricia Mazuy, Le prisonnier de Bordeauxa été présenté samedi 18 mai au matin, au Grand Théâtre Croisette lors de la Quinzaine des cinémas, où il a été largement applaudi par la presse et les professionnels.

Le film retrace une amitié singulière et fondatrice entre deux femmes de prisonniers, l’une une riche bourgeoise, Alma, interprétée par Isabelle Huppert, l’autre une jeune mère de banlieue, Mina, interprétée par Hafsia Herzi. toin personnage, ce dernier, très construit « physiquement »le réalisateur nous disait un peu plus tôt : «Je voulais son abandon charnel. Le côté qu’elle a du corps, et en même temps de la vivacité, car elle est toujours occupée à quelque chose. J’ai trouvé ça fort de m’orienter vers la comédie italienne avec elle. « 

Nous rencontrons l’actrice et réalisatrice Hafsia Herzi, récemment arrivée, sur la terrasse ensoleillée au dernier étage d’un grand hôtel de Cannes. Contrastant avec l’agitation cannoise, assise dans un vaste canapé blanc, l’actrice dévoilée par le grain et le mulet par Abdellatif Kechiche en 2007, affiche un calme olympien. Et son fameux sourire.

Franceinfo Culture : Un peu partout dans la ville de Cannes on voit l’affiche de la Semaine de la Critique où vous occupez le premier plan, le regard mystérieux, une image empruntée à Ravissement, le premier film d’Iris Kaltenbäck. Quel effet cela a-t-il sur vous ?

Hafsia Herzi : Je n’ai pas encore vu l’affiche en ville. L’image est très jolie, oui. Je suis très fier, j’ai été très ému quand ils m’ont proposé ça, ça me fait plaisir, c’est très émouvant. De plus, j’ai une histoire très particulière avec la Semaine. J’y ai présenté mon premier film, j’aime les gens là-bas, ils sont vraiment très humains et très gentils, à chaque fois ressort cette amitié qui existe depuis des années.

L'affiche de la Semaine de la Critique à l'effigie d'Hafsia Herzi, à Cannes, le 17 mai. (LCA / FRANCEINFO CULTURE)

Vous êtes ici pour le film « Le Prisonnier de Bordeaux » de Patricia Mazuy. Qu’est-ce qui vous a fait dire oui à ce projet ?
C’est déjà le rendez-vous avec Patricia. Il y avait quelque chose de très fort, elle a un côté très maternel (rires). Elle n’exprime pas trop ses émotions mais on dira qu’on se comprend. Donc ça seul était important, puis il y avait le scénario, et pour moi c’était bien. Et surtout c’est fidèle : il y a parfois des gens dont le projet a mis du temps à aboutir, qui changent d’avis et qui ne vous le disent même pas. Il y a plein de gens comme ça, et ce n’est pas son cas.

Et dans le scénario, qu’est-ce qui vous a séduit ?
Le personnage, l’histoire m’ont touché, j’ai été vraiment très touché. C’est vrai que pour le scénario, on peut se dire : oulalah, attention au cliché. J’avais peur de ça. Je lui ai dit lors de notre première rencontre : attention, ne me mets pas en arabe officiel, qui est furtif (rires) ! Parce que : Arabe, voleur, pauvre… Je lui ai dit directement : je ne peux pas faire ça. Mais depuis que j’avais vu ses films, j’étais rassuré, et c’est vrai que si ça n’avait pas été Patricia, je ne sais pas si j’y serais allé. Et dans le film je trouve qu’on n’est pas vraiment dans le cliché, car ce sont les sentiments et la relation humaine entre les deux femmes qui sont plus forts que ça.

Comment avez-vous abordé ce personnage à la fois combattant et menteur et qui révèle aussi une certaine sérénité ?
On en a beaucoup parlé avec Patricia Mazuy, après quoi j’ai compris : je connaissais des femmes qui avaient un mari ou de la famille en prison. J’ai aussi beaucoup travaillé sur la prison, donc disons que c’est un personnage que j’aurais pu connaître. Ensuite, Patricia a voulu par exemple que je prenne du poids : c’est un projet qui date de plus de trois ans, on se voyait régulièrement, en trois ans on change. A l’approche du film elle me dit : tuC’est trop maigre, il faut manger, ça ne va pas du tout. Elle est assez directe. Je lui ai dit : ok, j’adore manger, voilà, j’ai pris du poids et puis elle a voulu que je me coupe les cheveux. Je ne voulais pas, alors il a fallu trouver une coiffure et un jour elle a eu l’idée des tresses.

Donc un vrai travail sur le corps…
Oui, et puis il y a eu celle de la voix, j’ai travaillé avec une coach musicale parce qu’elle trouvait que parfois j’articulais d’une certaine manière… Elle trouvait que j’avais beaucoup de défauts (rires) ! Et à un moment je me suis demandé : j’ai vécu tout ça, pourquoi tu m’as emmené alors (rires) ? J’ai donc travaillé avec cette dame et c’était vraiment génial.

A la fin de la projection du film, Isabelle Huppert a déclaré que vous formiez un couple parfait, comme en musique. Et ajouté à votre jeu : « less is more » : moins elle en dit, plus on sent les choses et on les comprend… Comment comprenez-vous cela ?
C’est vrai qu’avec Isabelle il y avait une connexion, déjà humaine, nos chemins s’étaient croisés il y a très longtemps. Et nous avons fait ensemble le film d’André Téchiné, même si celui de Patricia Mazuy était prévu à l’avance. Il y a quelque chose qui arrive naturellement. Et je pense que nous essayons de vivre le moment présent. Avant tout s’écouter, écouter est très important, ne pas forcément chercher à interpréter, mais plutôt à expérimenter les choses.

A l’écran, on dirait que vous vous exprimez beaucoup à travers vos yeux…
Oui, parce que je déteste tout ce qui est exagéré. Patricia, quant à elle, m’a toujours dit : à l’italienne, à l’italienne ! Je lui ai dit : ce n’est pas mon truc d’exagérer, je lui ai dit « sobriété », déjà que le personnage est très direct. Je ne voulais pas pousser trop fort. Nous avons fini par trouver un intermédiaire. Je pense que quand on s’y intéresse vraiment, il n’est pas nécessaire d’en faire trop. Quand ça vibre intérieurement, ça passe normalement. Si on est sincère, les spectateurs s’en aperçoivent. Mais c’est vrai que c’était une discussion italienne que je n’ai pas oubliée (rires).

Malagigi Boutot

A final year student studying sports and local and world sports news and a good supporter of all sports and Olympic activities and events.
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