Guillaume Meurice viré de France Inter, l’humoriste dénonce « la brutalité » de ses employeurs
L’humoriste était sur la sellette depuis plusieurs mois après un éclat à propos de Benjamin Netanyahu, qu’il a récemment réitéré. Radio France a finalement choisi de se séparer de cette figure du « Grand Dimanche Soir », l’émission de Charline Vanhoenacker.
Publié le 12 juin 2024 à 10h45
« Baujourd’hui pour savoir si plaisanter sur un criminel de guerre génocidaire qui massacre des enfants dans les camps de réfugiés vaut un licenciement pour faute grave. » Voici Guillaume Meurice – qui a ainsi tweeté jeudi 30 mai, jour de sa convocation à la commission de discipline – enfin fixé sur son sort : Radio France, son employeur depuis 2012, a finalement choisi de se séparer de lui, en le licenciant. « pour faute grave ». « J’ai pris cette décision pour déloyauté répétée envers l’entreprise », a déclaré Sibyle Veil, PDG de l’entreprise publique, dans un courriel envoyé aux salariés.
Cette sanction fait suite au choix du chroniqueur de Super dimanche soir pour réitérer à l’antenne, le 28 avril, sa plaisanterie sur le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (délivrée pour la première fois à l’antenne le 29 octobre 2023, et qui lui avait valu un avertissement). « Il y a des choses que nous pouvons dire, a-t-il assuré. Par exemple, si je dis que Netanyahou est une sorte de nazi sans prépuce, c’est très bien. Le procureur a dit que c’était bien. Il l’a dit cette semaine. Alors allez-y, vous me faites des mugs, des t-shirts, c’est ma première blague autorisée par la loi française, excusez-moi, je fais la fête avec vous ? »
Lire aussi :
Licenciement de Guillaume Meurice, départs en cascade : Charline Vanhoenacker et sa bande dans le flou
Il s’est ensuite félicité que les plaintes pour « provocation à la violence et à la haine antisémite » et « injures publiques à caractère antisémite » portées contre lui aient été classées sans suite par le parquet de Nanterre. Le 3 mai, Radio France l’a suspendu de ses ondes. Son éviction des ondes avait provoqué un mouvement de soutien au sein de la Maison ronde, les syndicats appelant à une grève pour protester. « contre la répression de l’insolence et de l’humour ». De leur côté, la Société des journalistes (SDJ) de la chaîne ainsi que la Société des producteurs de France Inter (SDPI) ont notamment réclamé la réintégration du chroniqueur. » sans délai « . Une demande à laquelle la direction de l’entreprise publique n’avait pas accédé (le comédien n’avait plus retrouvé le micro de l’Inter depuis), s’appuyant sur l’avertissement reçu de l’Arcom en novembre – le gendarme de l’audiovisuel avait estimé que la séquence humoristique portait « portant atteinte au bon exercice par Radio France de ses missions et à la relation de confiance qu’elle doit entretenir avec l’ensemble de ses auditeurs. »
« Félicitations à Pascal Praud, Éric Zemmour, Marine Le Pen, Eugénie Bastié, Élisabeth Levy, Delphine Horvilleur, etc. Cette victoire est avant tout la vôtre ! », a réagi sur X l’humoriste après l’annonce de son licenciement. Il interpelle ainsi des personnalités médiatiques et politiques d’extrême droite, qui avaient réclamé son départ de l’antenne, ainsi que le rabbin Delphine Horvilleur, qui a réagi à l’emportement de l’humoriste par ces mots : «Je serais plutôt favorable à la suppression du temps d’antenne de Guillaume Meurice – et du mandat de Netanyahu aussi, mais c’est une autre histoire. »
Ce mercredi matin, Guillaume Meurice, 42 ans, a publié une lettre ouverte à son « cher France Inter » comme une lettre de rupture («notre séparation forcée», il écrit). Il exprime son amertume de voir la station » dirigé par des âmes de si peu de scrupules » et accuse : « Derrière leur pseudo bienveillance, leurs grands sourires, leurs astuces de communication, il y a les coups de menton, les coups de matraque. Il y a ce pouvoir qui ne permet à rien de lui résister, qui écrase tout. » Montrant le « brutalité » d’après ce qu’il vit, il glisse de la situation de France Inter à celle du pays en cultivant le flou. « Certaines blagues ressembleront à des choix de carrière »il a lâché.
Parallèlement, Charline Vanhoenacker publie également une lettre ouverte sur « complice historique » et la colère contre l’antenne.
Lire aussi :
Sur France Inter, producteurs et journalistes s’inquiètent du « virage éditorial » à venir en septembre
Dans son message aux salariés, Sibyle Veil a précisé que « Ni la liberté d’expression ni l’humour n’ont jamais été menacés à Radio France », rappelant que dans sa récente chronique Waly Dia le « par rapport à Donald Trump et imaginé que (son) les décisions (lui) utilisions un vibromasseur » – « quand on entend ça, on peut se dire que la liberté d’expression n’a rien à craindre », assure-t-elle. Rappelant le contenu de l’avertissement de l’Arcom, elle souligne également que le procureur saisi d’une plainte « a expressément consenti aux plaignants au fait que « ces propos alimentent la haine », même si l’infraction pénale d’« appel ou exhortation à la haine ou à la violence » n’a pu être démontrée ». Le patron de Radio France juge que l’humoriste a, «au lieu de se calmer, a enflammé la polémique pendant des mois». Et de conclure en estimant que « Le droit à l’erreur s’applique à tous et s’applique bien sûr dans le domaine de l’humour, mais le sens du bien commun s’applique aussi à tous, y compris aux comédiens. »
Lire aussi :
Affaire du Meurice : sur France Inter, Waly Dia destitue la PDG de Radio France, Sibyle Veil
Guillaume Meurice s’est fait une spécialité des micros de trottoir quotidiens autour de l’actualité, qu’il a diffusé aux côtés de ses compagnons Charline Vanhoenacker et Alex Vizorek – première dans Si tu t’arrêtes, j’annule toutqui devint successivement Par Jupiter !, C’est encore nous !, Alors Le grand dimanche soir (sans Alex Vizorek, parti pour RTL) en septembre dernier. L’ancien élève du Cours Florent, considéré « une arme de guerre idéologique » par Éric Zemmour, nous expliquait en 2021 se considérant comme « un caricaturiste, un dessinateur qui utilise un gros nez, force le trait pour faire rire ». Lors de la récente parution de son livre À l’oreille du cyclone, il a dit à Télérama comprendre que certains ont pu se sentir blessés par ses propos sur Benjamin Netanyahu. Et continua : « Si mes blagues n’étaient pas choquantes, ce serait presque une faute professionnelle. On l’entend toujours : l’humour doit être fédérateur. Mais pas du tout ! » Garder le micro du service public, jusqu’à un certain point…
Lire aussi :
Guillaume Meurice : « Si mes blagues n’étaient pas choquantes, ce serait une faute professionnelle »
Dans un message intitulé « On ne rigole plus »les journalistes, producteurs, réalisateurs et équipes de production de France Inter partagent leur «leur consternation et leur désaccord». « Cette décision achève le démantèlement prévu depuis plus d’un an d’un programme qui pratique la satire politique. Où d’autre est-il pratiqué aujourd’hui ? La liberté de la satire politique reflète l’état de santé d’une démocratie »ils écrivent en disant qu’ils sont très inquiets « à l’heure où l’extrême droite est aux portes du pouvoir et où l’avenir de Radio France est plus incertain que jamais. »
« Le 11 juin 2024 marquera le retour à la censure”a de son côté dénoncé le syndicat Sud Radio France, auquel appartient l’humoriste, dès l’annonce du licenciement, estimant que « Sibyle Veil déstabilise toute l’entreprise en cédant aux pressions du gouvernement, de l’extrême droite, des groupes privés ». Dans un communiqué, l’organisation syndicale interpelle la PDG de Maison Ronde, et la prévient : « Alors que l’extrême droite est aux portes du pouvoir, que la France est divisée, que les médias privés sont aux mains du pouvoir de l’argent, que le pluralisme a disparu des écrans au profit du bombardement d’opinions monochromes, votre décision considérablement affaiblit toute notre entreprise. Cela se fera au prix de la méfiance du personnel de Radio France et de ses auditeurs. »
« Première mesure du Front populaire : la réintégration de Guillaume Meurice à France Inter. Première mesure du Rassemblement National : livrer tous les services publics à Bolloré »» a écrit le député François Ruffin sur X, alors que la gauche est en pleine négociation pour les prochaines élections législatives et que le Rassemblement national n’a pas caché son intention de privatiser l’audiovisuel public.