Guillaume Meurice, militant pour le droit à l’échec

C’est fou bon. Dans son nouveau livre, publié aux Editions les Pérégrines, Guillaume Meurice fait une Petit éloge de la médiocritécontrairement aux injonctions à la performance individuelle, néfastes et profondément capitalistes, qui imprègnent le discours dominant.
Tout commence par un mail, envoyé à l’humoriste et chroniqueur de France Inter par Philippe, un auditeur un peu énervé : « Tu es mauvais. Aucun, aucun, aucun. Tu es même pire que zéro. Tu es médiocre. » Loin de s’en offusquer, Guillaume Meurice prend sa plume, et profite de cette petite attention pour présenter son travail. « Que quelqu’un puisse consacrer une partie de son existence à m’avertir de ma médiocrité me bouleverse »il écrit, avant de poursuivre : « Il s’avère que Philippe a fait mouche. Il a tout à fait raison. je suis médiocre. »
« Qu’est-ce qu’un gagnant ? »
Car après tout, et c’est tout l’intérêt de ce petit livre, tout le monde est médiocre, peu importe l’effort qu’on fait pour prouver le contraire. « Imaginez Vladimir Poutine constipé grimaçant sur son bol en marbre ou Kim Jong-un trébuchant en enfilant son slip Bob l’éponge, et vous aurez un autre regard sur leur supposé pouvoir », illustre l’humoriste.
Alors à quoi bon se ruiner la santé alors qu’un 10/20 suffit pour obtenir son diplôme ? A quoi bon essayer de faire la une du journal, quand on sait que « Ce dernier servira sans aucun doute de litière pour chat ou de réceptacle pour les épluchures de pommes de terre »? A quoi bon vouloir sortir de sa médiocrité, adhérer à une valeur travail qui subjugue les plus faibles, répondre à une injonction de dépassement de soi qui brise des vies, voire aspirer à la validation des autres, qui eux-mêmes aspirent à validation? autres ? En tous cas, « Tu vas mourir comme un con » , répond Meurice. Il ajoute : « La mort nous réserve à tous une radicale égalité de traitement. La mort est communiste. »
Alors l’humoriste milite pour le droit à l’échec, rappelle que ceux qui accèdent aux fonctions les plus prestigieuses sont souvent les plus médiocres, dénonce le règne du conte et de la communication et déconstruit les prétendues vertus de la concurrence. « Qu’est-ce qu’un gagnant, sinon un créateur de perdants ? » il demande.
Un manifeste pour repenser votre mode de vie
Elle appelle plutôt à arrêter la course au temps, à cultiver l’oisiveté, à mettre en lumière l’inutile et surtout à mutualiser nos médiocrités. « La révolution sera celle de la médiocrité ou elle ne sera pas »,il assure. Accepter nos limites, la finitude de notre existence ou, indiscutablement, que l’être humain est, par essence, « un animal sans valeur », est d’échapper aux diktats du système capitaliste. Sous couvert d’humour, d’autodérision et de beaucoup de pudeur, Guillaume Meurice réalise bien plus qu’une petite BD, destinée à flatter son ego et son compte en banque. C’est un véritable manifeste, qui vous invite à repenser votre mode de vie et à remettre en question votre conception de la réussite individuelle. C’est, paradoxalement, une vraie réussite.
Grb2