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Guerre Israël-Hamas : otage à Gaza, Nili raconte ses 54 jours de captivité

Il raconte la peur, le doute, le temps qui n’avance pas. Nili Margalit, 42 ans, est infirmière. Le 7 octobre, alors que le Hamas sème la mort et la terreur dans son kibboutz natal de Nir Oz, la jeune femme est kidnappée par des « civils » qui la vendent ensuite au mouvement nationaliste palestinien.

«Ils ont fait exploser des assiettes, mis la maison sens dessus dessous et déclenché un incendie», raconte-t-elle au Point. Deux minutes plus tard, les terroristes sont apparus dans son « mamad », l’abri anti-aérien construit dans sa maison, dont elle n’avait pas fermé la porte, et l’ont kidnappée. «Ceux qui s’étaient barricadés dans les mamads sont morts parce que les terroristes ont tiré sur les portes et y ont incendié», note-t-elle. Conduite en voiturette de golf jusqu’à la frontière entre Israël et Gaza, sous un drap blanc, elle est transférée dans une voiture qui l’emmène à Khan Younes, la grande ville du sud de la bande de Gaza, où l’armée israélienne s’est retirée ce week-end, après six mois de guerre.

En quelques mots, elle décrit à l’hebdomadaire la liesse de la foule sur son passage. « Les terroristes qui m’ont capturé étaient des civils. Ils ont négocié avec le Hamas pour me vendre. Lorsqu’ils ont été payés, j’ai été emmenée directement dans un tunnel », a-t-elle déclaré par la suite. Elle avait déjà raconté que le lassis souterrain était surnommé par les habitants le « Bas Gaza ».

Médicaments non fournis

Dans une première salle, elle retrouve une trentaine d’habitants de Nir Oz, dont elle connaît au moins les visages. C’est une salle de tri : les plus âgés, les malades, forment un même groupe à qui on demande quels médicaments ils prennent habituellement. Au ravisseur qui s’exprime en arabe, traduit en hébreu par l’un des otages, Nili Margalit indique qu’elle est infirmière dans un hôpital. Elle deviendra leur soignante, ayant accès à des médicaments, mais en quantité insuffisante. « Nous avons appris par la suite que le Hamas avait reçu des boîtes de médicaments et des lunettes de la Croix-Rouge, envoyées en fonction des besoins de chaque otage, mais nous n’en avons jamais vu la couleur », déplore-t-elle.

Reclus avec une dizaine d’autres otages dans une minuscule pièce qui fait office de dortoir et de salle commune, le temps semble ne pas passer. Les maigres repas – pain et riz – ne suffisent pas à donner un rythme. Nili fait du yoga pour vaincre l’immobilité. « Il y a eu des engueulades, des pleurs, des rires, c’est normal quand on met dix personnes dans la même pièce, on est humains ! Mais nous nous sommes toujours soutenus », assure la jeune femme. « Au début, je me disais que ça ne durerait que deux jours. J’ai alors compris qu’Israël ne paierait jamais pour autant d’otages. Cela a déprimé certains d’entre nous. Il a fallu tenir psychologiquement.»

Maintenus hors du monde, les otages n’ont, selon Nili, aucune idée de l’ampleur des massacres du 7 octobre, ni de la réponse implacable mise en œuvre par l’Etat hébreu. Elle ignore que 75 habitants de son kibboutz sont des otages du Hamas et que 38 ont été tués. Les gardes – ils sont généralement quatre – leur disent cependant qu’Israël tente d’éradiquer les Palestiniens. Mi-novembre, ils leur raconteront le premier bombardement de l’hôpital Al-Shifa, au centre de l’enclave palestinienne.

«Aider était ma façon de survivre»

Le 30 novembre, septième jour de la brève trêve conclue entre Israël et le Hamas, Nili a été libéré. « Un garde est venu me chercher, m’a montré du doigt et m’a dit : aller aller! « , elle se souviens. Hospitalisée pour examens et repos en Israël, elle reçoit la visite d’amis puis de sa famille et découvre l’ampleur des événements qui se déroulent depuis des semaines. Le lendemain, l’armée israélienne l’informait du décès de son père, Eliyahu Margalit, dont le corps se trouvait toujours à Gaza.

Après sa libération, Nili a décidé de parler au nom des autres. Contrairement à certains otages, elle ne semble pas avoir subi de violences sexuelles. En décembre, elle a écrit au cabinet de guerre de Benjamin Netanyahu et a transmis la lettre aux médias israéliens. Elle a raconté les conditions de détention des otages, âgés, certains souffrant de problèmes cardiaques, d’insuffisance rénale ou encore de la maladie de Parkinson, et n’ayant reçu aucun soin médical. « Ces gens sont clairement en sursis », a-t-elle écrit.

En janvier, elle a participé à plusieurs émissions de télévision. Avant la France, elle est allée en Suisse et au Luxembourg. «Aider, c’était ma manière de survivre» en détention, raconte-t-elle au Point. Malgré la liberté, elle continue.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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