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Guerre en Ukraine : la Russie se dirige-t-elle vers une crise immobilière massive ?

La guerre ouverte contre l’Ukraine, qui a débuté en février 2022, réduit considérablement la capacité de la Russie à transférer des fonds à l’étranger, tandis que l’inflation grignote la valeur du rouble. L’investissement dans l’immobilier, grandement facilité par un système de subventions avantageuses initialement mis en place en réponse à la pandémie de Covid-19, constitue désormais un refuge pour les revenus de nombreux Russes, mais pose également de graves problèmes de stabilité à long terme.

Un système de prêts relancé par la crise sanitaire

Les prêts hypothécaires permettent à un individu d’acquérir un bien immobilier qu’il rembourse petit à petit, le bien étant saisi par le prêteur en cas de non-paiement de plusieurs mensualités. Ce système était impopulaire en Russie après la chute de l’URSS, note The Economist, et était décrit par de nombreux Russes comme une « servitude pour dettes ». Certains préféraient économiser jusqu’à pouvoir acheter un bien immobilier, plutôt que de contracter un prêt.

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Les dates clés de la guerre en Ukraine

Un programme de subventions de l’État a permis de changer cet état d’esprit, au prix de dépenses publiques élevées. Ce nouveau modèle a été mis en place en 2020 pour relancer l’économie face à la crise sanitaire, en facilitant l’accès à la propriété immobilière pour de nombreux Russes. Un taux de prêt préférentiel d’environ 6 %, soit plusieurs points de moins que le taux standard, a alors été mis en place, l’État remboursant la différence entre le taux préférentiel et le taux standard aux banques. Ce système a depuis été étendu avec des offres similaires, avec des offres régionales visant à installer plus facilement des familles dans l’Arctique, en Sibérie ou encore dans les régions ukrainiennes occupées.

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Une forte accélération suite à l’invasion de l’Ukraine

Ce système présente de nombreux avantages pour les Russes dans le contexte de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Les sanctions en vigueur rendent difficile le transfert d’argent hors de Russie, la bourse souffre depuis 2022 et une forte inflation touche le pays : investir dans l’immobilier est donc une solution idéale, faute d’autres possibilités d’utilisation de son argent.

En conséquence, des prêts hypothécaires d’une valeur totale de 7 700 milliards de roubles, soit 81,9 milliards d’euros, ont été accordés en 2023, contre 4 300 milliards de roubles en 2020. Depuis le début de l’année, le ministère russe des Finances a dépensé plus de 500 milliards de roubles (soit 5,3 milliards d’euros) pour soutenir ce système de subventions, en raison à la fois de l’augmentation du nombre de prêts hypothécaires et de la hausse des taux de prêt imposés par les banques, tandis que le taux préférentiel du gouvernement reste relativement bas à 8 %.

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Une bulle immobilière qui risque d’éclater

Mais si ce système facilite l’accès à la propriété pour les Russes, il a un autre effet pervers : le marché russe est victime d’une bulle immobilière en pleine formation, qui pourrait devenir un problème majeur pour l’économie. L’augmentation de la demande immobilière a permis la construction de logements d’une surface totale de 110 millions de mètres carrés en 2023, contre 59 millions par an en moyenne entre 1991 et 2024, souligne The Economist. Le prix de ces nouveaux biens a explosé : le prix du mètre carré dans un appartement nouvellement construit est passé d’environ 60 000 roubles (639 euros) à plus de 130 000 roubles (1 385 euros) entre 2020 et 2023, selon le Wall Street Journal.

De nouvelles restrictions visent à calmer l’état du marché immobilier sans provoquer de crise majeure : l’acompte minimum requis pour obtenir un prêt hypothécaire a été augmenté de 20 à 30 % du montant prêté en décembre, tandis que la subvention la plus populaire, accordée pour les logements nouvellement construits, a été arrêtée en juillet.

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Ces décisions vont porter un coup dur aux entreprises russes du BTP, ainsi qu’au secteur bancaire, qui profite de l’explosion de ces prêts garantis par l’État. Une telle politique pourrait pourtant être la plus équilibrée face aux risques posés par la situation économique. La Russie est confrontée à un choix complexe, les subventions contribuant à maintenir une dynamique de consommation de la population qui profite aux entreprises russes, au prix de lourdes dépenses de l’État.

Supprimer complètement les subventions ralentirait la demande de logements et la consommation, tout en contribuant à ralentir l’inflation. Les maintenir, en revanche, signifierait une augmentation constante des dépenses publiques, tout en déclenchant potentiellement une crise du logement à long terme, ce qui pourrait faire chuter la valeur des logements. Cet épineux dossier risque donc de peser sur le gouvernement russe dans les prochains mois, même si l’éclatement d’une crise n’est pas encore une certitude.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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