Guerre à Gaza : soudaine montée des tensions entre Israël et l’Egypte
En hissant des drapeaux israéliens la semaine dernière au poste frontière de Rafah entre la bande de Gaza et l’Égypte, Benjamin Netanyahu a pris un risque très sérieux. La réaction du Caire, opposé à cette opération, ne s’est pas fait attendre. Pour montrer sa mauvaise humeur, l’Egypte s’est jointe à la plainte contre Israël pour « génocide » déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de Justice de La Haye. Autre signe de tension : l’Egypte refuse de laisser passer les camions d’aide humanitaire, notamment le fioul indispensable aux générateurs utilisés dans les hôpitaux de Gaza, qui transitaient par le terminal de Rafah.
La tension a atteint un tel niveau que les responsables israéliens craignent en privé que l’Égypte, premier pays arabe à signer un traité de paix avec l’État juif en 1979, aille plus loin : rappelle son ambassadeur à Tel-Aviv et renonce à jouer un rôle d’intermédiaire dans les négociations avec le Hamas. un cessez-le-feu et la libération des 132 otages détenus par les islamistes. Ces discussions, qui s’éternisent au Caire, sont actuellement au point mort.
Patience à la fin
« À tort ou à raison, la patience des Egyptiens s’épuise », a noté mercredi un commentateur de la radio militaire israélienne. Selon lui, le Caire craint une attaque terrestre israélienne à grande échelle dans toute la ville de Rafah où se sont réfugiés plus d’un million de Palestiniens fuyant les combats. Ce scénario, qui se dessine ces derniers jours avec l’occupation d’au moins trois quartiers de la ville, pourrait pousser des dizaines de milliers de Gazaouis à forcer la frontière égyptienne pour chercher refuge.
L’ancien ambassadeur israélien au Caire, Eli Shaked, parle pour sa part d’une « situation de grande détresse politique du côté égyptien ». « Le régime du président Abdel Fattah al-Sissi craint que les Frères musulmans, très populaires dans son pays, ne profitent d’une invasion israélienne de Rafah pour tenter de déstabiliser le régime en organisant des manifestations pro-Hamas, qui appartient à ce mouvement islamiste. , » il ajoute.
En colère
Parmi les autres motifs de colère évoqués par un diplomate israélien qui a requis l’anonymat : l’Egypte craint de ne pas bénéficier des retombées de l’immense chantier de reconstruction censé être lancé dans la bande de Gaza, dévastée par plus de sept mois de guerre provoquée par les massacres commis par Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël. « Mais les Egyptiens estiment qu’Israël, malgré tous ses efforts, ne parviendra pas à éradiquer le pouvoir des islamistes à Gaza, à tel point que la guerre risque de se prolonger et de plonger le territoire dans un tel chaos qu’aucun pays « n’osera s’y aventurer ». au financement de tels projets de réhabilitation », anticipe ce diplomate.
Pour tenter de calmer le jeu, Israel Katz, le chef de la diplomatie israélienne, a demandé à ses homologues britannique, David Cameron, et allemand, Annalena Baerbock, d’intervenir auprès du président égyptien. A cette occasion, il a réaffirmé qu’Israël ne permettrait en aucun cas au Hamas de reprendre le contrôle du poste frontière de Rafah. Mais le ministre des Affaires étrangères n’a donné aucune indication sur quelle organisation pourrait prendre la relève des islamistes.
Réponse cinglante
Benyamin Netanyahu refuse catégoriquement que l’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas, qui contrôle une partie de la Cisjordanie, soit chargée de gérer le passage frontalier, de peur qu’une telle décision ne favorise à terme la création d’un État palestinien. Selon des fuites dans plusieurs médias israéliens, des responsables israéliens ont sondé très discrètement des dirigeants du Fatah, le parti de Mahmoud Abbas, pour savoir s’ils étaient éventuellement prêts à gérer le passage de Rafah, ce qu’ils ont refusé de peur de cautionner la guerre menée par Israël en la bande de Gaza.
Du côté égyptien, la réponse a été cinglante. « Israël essaie de rejeter la responsabilité sur l’Égypte de la crise humanitaire sans précédent dans la bande de Gaza alors qu’elle est le résultat direct des atrocités commises par Israël », a proclamé Sameh Shoukry, ministre égyptien des Affaires étrangères.