gros pneus et sonneries de cloches, la menace de la « SUVisation du vélo »
C’est un bruit que les cyclistes écoutent dans le brouhaha urbain. Un « zzzzzz » couplé à un frottement au sol, qui déclenche leur anxiété sur les pistes. A peine ont-ils tourné la tête ou regardé leur rétroviseur que l’engin est à leur hauteur, avant de s’enfuir à toute vitesse. Avec son allure évoquant le motocross, ses énormes pneus à crampons et son cadre épais, le fatbike électrique sème le trouble en matière de mobilité douce.
« Rien à faire là-bas ! » »on entend des injures sur les pistes cyclables des métropoles où, ces derniers mois, sont apparus ces imposants VTT électrifiés, souvent aux moteurs débridés. Ils rejoignent la cohorte zigzagante des gros scooters électriques, eux aussi débridés, manœuvrés comme des voitures de course par des porteurs de casques intégraux. « Monstrottes pilotées par Dark Vador »décrit Cyril Vermeulen, un entrepreneur quinquagénaire qui, sur son vélo électrique, parcourt 2 000 kilomètres par an dans la capitale et sa proche banlieue.
« Depuis deux ans, continue-t-il, en colère et désormais équipé d’un rétroviseur, Je tombe sur une nuée de nouvelles machines débridées conduites par des hommes, plutôt jeunes, qui roulent à plus de 40 kilomètres à l’heure. Deux fois ma vitesse ! Ils sont interdits sur la voie publique, ils ne sont donc pas assurés. » En France, il le sait, la loi interdit de modifier le dispositif de limitation de vitesse de ces engins. Quiconque la transgresse ne peut circuler que sur des terrains privés. « Quelques contrôles sur les pistes au début, avec confiscation des machines, auraient suffi à endiguer le phénomène, alors qu’aujourd’hui les pouvoirs publics sont débordés, note M. Vermeulen. Je suis très en colère contre eux. Il y aura des blessés. »
Alexandre Jannot-Caeillete, 30 ans, en avait un il y a un an : « Un fatbike électrique m’a dépassé par la droite à une intersection, m’a percuté par le côté, m’a égratigné tout l’avant-bras, puis m’a crié dessus. Je ne roulais pas assez vite ! » Lui qui relie chaque jour Villejuif (Val-de-Marne) au quartier parisien d’Alésia, où il exerce comme chargé de communication, communique depuis peu son appréhension. « C’est anxiogène, il faut être constamment aux aguets. Ces vélos, on ne les entend pas venir et ils s’imposent, tout le temps à gauche ou au milieu. Ils se sentent invincibles, avec leurs gros pneus. Aujourd’hui, pédaler, c’est comme rouler sur le périphérique avec des motos interfile. »
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