Des milliers de salariés en grève du géant automobile Stellantis en Italie ont manifesté vendredi au son des tambours et des sifflets dans les rues de Rome pour critiquer le « désengagement » du constructeur de la péninsule et la chute de la production.
Selon les syndicats, qui ont appelé à la grève dans l’ensemble du secteur automobile, 20 000 salariés de Stellantis et de ses fournisseurs sont descendus dans la rue pour exiger des garanties sur l’emploi et la production de nouveaux modèles.
Il s’agit « d’une grève historique comme il n’y en a pas eu depuis plus de quarante ans » dans les usines de l’ancien fleuron national Fiat, ont assuré les syndicats, citant des taux de participation dans le secteur oscillant entre 63% et 100%.
Stellantis Italie a signalé un taux d’adhésion nettement inférieur sur ses sites, de 8,8 % en moyenne, ajoutant que « la production n’a pas été interrompue dans les usines actuellement en activité ». Le constructeur a réitéré sa « ferme détermination à assurer la continuité de la production » sur ses sites.
Fiat a fusionné en 2014 avec l’américain Chrysler avant de s’associer au français Peugeot-Citroën (PSA), donnant naissance en janvier 2021 au groupe Stellantis.
« Je ne travaille plus qu’un ou deux jours par semaine », déplore Giuseppe Carbonara, 52 ans, originaire de Bari et salarié depuis trente ans dans le secteur automobile.
« Il n’y a pas de politique industrielle en Italie. Nous demandons au gouvernement d’ouvrir une consultation avec Stellantis », a-t-il plaidé.
Après trois années de hausse, la production de Stellantis en Italie a brutalement à nouveau diminué, chutant de 31,7% à 387.600 véhicules sur les neuf premiers mois de 2024, selon la fédération métallurgique FIM-CISL.
– Au plus bas depuis 1956 –
« C’est le pire chiffre depuis 1956 », a assuré à l’AFP son secrétaire général Ferdinando Uliano, qui table sur une production « moins de 500.000 véhicules » pour l’ensemble de l’année, contre plus de 751.000 en 2023.
Sous la pression du gouvernement nationaliste de Giorgia Meloni, le patron de Stellantis, Carlos Tavares, s’est pourtant engagé en juillet 2023 à porter la production à un million d’unités d’ici 2030, un objectif qui semble désormais hors d’atteinte.
En cause, les ventes de véhicules électriques en Europe qui reculent depuis fin 2023, notamment en raison d’un manque de modèles abordables, alors que Bruxelles a décrété une interdiction de vente de voitures thermiques d’ici 2035.
« Nous naviguons dans l’incertitude totale », s’insurge Pasquale Carrese, 47 ans, originaire de Naples et employé depuis 25 ans chez Fiat, puis Stellantis. « L’arrivée de Carlos Tavares a tout changé. Il ne s’intéresse qu’à l’efficacité, il n’y a pas de plan clair.»
Stellantis a annoncé mercredi que plusieurs de ses usines italiennes seraient à nouveau fermées en novembre, invoquant « la baisse des commandes sur le marché des véhicules électriques en Europe ».
Dans un acte symbolique, la production de l’emblématique Fiat 500 en version électrique à l’usine de Mirafiori, près de Turin, a été suspendue mi-septembre jusqu’au 1er novembre.
– Les usines au ralenti –
Ancien centre de l’âge d’or de Fiat où étaient également produites les Maserati, Mirafiori « est en train de s’éteindre lentement », a déclaré à l’AFP Maurizio Oreggia, coordinateur national pour l’automobile du syndicat Fiom-Cgil.
« Les Maserati, quand ils les fabriquent, c’est seulement sept heures par jour », soupire-t-il.
Les salariés de Mirafiori ont connu cette année des périodes de chômage technique en raison de la baisse de la demande.
La grève a envoyé « un message fort et clair à Stellantis et au gouvernement : le temps est écoulé, l’industrie automobile est en train de mourir, nous risquons une tragédie sociale sans précédent », a prévenu Rocco Palombella, secrétaire général du syndicat Uilm. .
Le tissu brûle entre le gouvernement de droite et d’extrême droite de Giorgia Meloni et Stellantis, Rome accusant le constructeur franco-italo-américain de délocaliser sa production vers des pays à bas coûts, au détriment des usines italiennes.
Convoqué mi-octobre pour une audition au Parlement italien, M. Tavares n’a réussi à convaincre ni les députés ni les syndicats, en réclamant davantage de subventions et en dénonçant des coûts de production trop élevés en Italie.
Depuis la fusion entre Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler en 2021, les effectifs de Stellantis en Italie ont été réduits de plus de 10 000 personnes, pour atteindre environ 40 000 personnes.
En France aussi, dans les usines de Poissy, Douvrin et Caen, les jours de chômage partiel se multiplient depuis le début de l’année avec le ralentissement du marché automobile.
De nombreux salariés sont encouragés à chercher du travail ailleurs et Carlos Tavares n’a rassuré personne au Mondial de l’Automobile en n’excluant pas de fermetures d’usines.
publié le 18 octobre à 19h06, AFP