Grâce au projet de mine de lithium dans l’Allier, la région Auvergne-Rhône-Alpes est prête à relancer la ligne
Relier Lyon à Bordeaux par le train : le projet de la coopérative occitane Railcoop, porté seule pendant près de cinq ans, a finalement capoté en mars dernier, mettant fin à l’aventure pour ses près de 14 000 adhérents.
C’est désormais dans l’espace public que l’initiative semble renaître de ses cendres, quoique sous un format différent. En effet, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a annoncé son intention de déposer un dossier pour un train d’équilibre régional (TET) sur le bureau du prochain ministre des Transports. Lorsqu’il sera nommé.
Un engagement soudain qui pose question. Car sans le décrier, la Région, jusqu’ici présidée par Laurent Wauquiez, récemment élu député (LR) en Haute-Loire, n’a jamais manifesté d’intérêt particulier pour la poursuite ou le redémarrage de cette ligne.
Une ligne « obsolète »
« En 2016, nous avons envoyé des demandes d’échanges à la Région, nous pensions pouvoir peut-être accepter de faire circuler les trains (jusqu’à Lyon, ndlr). Mais nous n’avons pas eu de retour et cela n’a pas eu lieu », rappelle Renaud Lagrave, vice-président de la Région Nouvelle-Aquitaine en charge des mobilités. A la suite de l’arrêt de la ligne, la collectivité avait négocié avec l’Etat l’achat de rames et une subvention sur cinq ans pour gérer le transfert. Cela lui avait permis de relancer la liaison entre Bordeaux (Gironde) et Montluçon (Allier), qui aurait pu ensuite être prolongée jusqu’à Lyon (Rhône).
Interrogé sur le sujet, Frédéric Aguilera a évoqué un problème d’infrastructure : « Si l’on regarde la carte, l’un des problèmes majeurs de cette ligne est un tronçon qui n’existe plus vraiment, car il n’est plus utilisé pour le transport de passagers. », il explique.
» A A l’époque, le tronçon reliant Saint-Germain des Fossés à Gannat (Allier) sur le réseau ferroviaire qui, je le rappelle, appartient à l’Etat, nécessitait 100 millions d’euros d’investissement (pour continuer à accueillir le transport de voyageurs, ndlr) « , explique le vice-président des transports de la région AuRA.
Qui continue : » Cela n’a jamais été fait car il y avait très peu de trafic et les lignes transfrontalières financées par l’État n’étaient pas très dynamiques. L’État n’a pas voulu injecter cette somme « .
Résultat : ce tronçon a continué à se dégrader au point d’être bientôt limité à 30 km/h selon l’élu. Le tronçon est toujours utilisé par les entreprises pour le fret, mais l’infrastructure se dégrade très rapidement et dans les prochains mois, il est prévu de limiter la vitesse à 30 km/heure. « .
La mine de lithium d’Imerys, un tremplin inattendu
Or, il s’avère qu’aujourd’hui l’exécutif pourrait bien changer d’avis sur les travaux à mener, estime l’élu régional, qui est également maire de Vichy (Allier). En cause, l’arrivée de l’entreprise Imerys dans l’Allier, à proximité dudit tronçon, dont le projet de mine de lithium vient d’être reconnu « d’intérêt national majeur » par le gouvernement.
« Pour relancer cette mine et le transport de marchandises, l’État va sûrement investir et rénover ce fameux tronçon. Je ne vois pas Imerys s’installer sans un engagement de l’État. Et je trouve dommage et absurde, si nous réalisons ces travaux, de ne pas en profiter pour activer une connexion au TER et imaginer, dans un deuxième temps, une connexion plus large », confie l’élu.
La mise aux normes du transport de marchandises ouvrirait en effet la possibilité d’envisager le transport de voyageurs.
Ainsi, ce projet de mine de lithium, baptisé EMILI, pourrait rouvrir un dossier qu’il était jusqu’alors impensable d’envisager et qui a également mis en difficulté le projet Railcoop.
Mais ce tronçon n’est pas le seul point noir du projet. Du côté de la région Auvergne-Rhône-Alpes, un autre tracé pose des difficultés : celui du tronçon entre Lyon et Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Mais des travaux sont déjà annoncés pour l’année prochaine, confie Frédéric Aguilera, qui insiste sur la nécessité d’aller encore plus loin :
» La ligne Lyon-Clermont-Ferrand et le tronçon entre Lyon et Saint-Germain des Fossés (Allier) méritent de lourds investissements car elles souffrent de sous-investissement depuis 25 ans. (…) »
« Dans le futur contrat de plan SNCF, nous essayons d’intégrer un schéma directeur pour planifier ces travaux sur dix ans. Car l’enveloppe est, de mémoire, de 500 millions d’euros. Personne ne peut engager cette somme en une seule fois, il faut donc planifier ces travaux maintenant. »l’élu plaide.
Du côté de la région Nouvelle-Aquitaine, des travaux pourraient également être nécessaires, ce qui repousserait le démarrage éventuel du projet – s’il était accepté – à une échéance lointaine, prévient l’élu.
Aménager la traversée du Massif Central
Ces investissements, pour le moins conséquents, expliquent le choix du vice-président de s’orienter vers un train d’équipement régional (TET) et non un train express régional (TER).
En tant qu’autorité organisatrice du TET, l’État s’accorde en effet sur le service des trains et détermine les gares d’arrêt ainsi que les fréquences de passage. La contribution publique pour l’exploitation est en moyenne de 25 € par billet de train sur l’ensemble des lignes du TET, précise le ministère de la Transition écologique et de la Transition territoriale sur son site internet.
Mais la rentabilité de ce projet pose clairement question, concède Frédéric Aguilera. Et ce malgré un intérêt bien plus grand qu’il y a dix ans pour le train et les modes doux.
« Je propose un TET, je ne dis pas à la SNCF d’ouvrir une ligne en libre concurrence, sans compensation de l’État. Je pense qu’il y aura un besoin en termes d’usagers mais le taux de fréquentation fera qu’il y aura un besoin évident d’équilibre financier et donc de financement de l’État », admet l’élu, pnotre dont le véritable sujet concerne principalement le réseau ferroviaire du territoire national. Et ses insuffisances.
« Il y a une opportunité de relancer le débat et de faire prendre conscience à l’État qu’on ne peut pas tout faire passer par le nord et par Paris. Il y a une réflexion sur comment desservir, faire des trains directs entre Lyon et Bordeaux, alors que la logique de l’État est de passer par le nord et le sud. Il faut aménager le Massif central et arrêter de le contourner. En ce sens, ce sont des axes d’aménagement du territoire. »l’élu régional y croit à nouveau.
De son côté, la région Nouvelle-Aquitaine joue la carte de la prudence. Si demain il faut prolonger la ligne (après Montluçon, ndlr), je n’ai pas d’opposition de principe. Le premier enjeu est de remettre la voie en service et donc de réaliser les travaux. « , rétorque Renaud Lagrave.
Quant à la question du besoin, il ne la tranche pas non plus : « Est-ce que cela correspond à un marché ? Je ne sais pas. « , concède-t-il, précisant néanmoins que la fréquentation et la demande sur le segment Bordeaux-Montluçon sont toutefois importantes.
Le dossier est, en tout cas, loin d’être sur les rails. Le calendrier prévu par Frédéric Aguilera pour se présenter a, en effet, été quelque peu perturbé par la récente dissolution et les élections législatives anticipées, reconnaît le vice-président délégué aux transports : » Nous devions adopter une motion visant à renvoyer la question au gouvernement lors de notre dernière réunion plénière, mais celle-ci a été reconfigurée en raison de la situation politique. « , révèle-t-il. » Nous déposerons une candidature d’ici la fin de l’année ou le début de l’année prochaine. ». Jusqu’à ce que les tensions politiques s’apaisent, si cela est possible.