« Note » numéro quatre économistes participant aux travaux de l’Institut La Boétie vient de paraître. Ce département de l’Institut est dirigé par Aurélie Trouvé, aujourd’hui présidente de la commission Économie de l’Assemblée nationale, et l’économiste Eric Berr de l’Université de Bordeaux. J’aborde ici un point particulier de leur travail. Cela concerne le sens économique du budget. Car le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale ne sont en aucun cas un « simple » exercice comptable. C’est le premier levier de l’activité du pays.
Cependant, même si nous nous en tenions à la seule comptabilité, nous serions toujours sur un terrain politique. En effet, si le gouvernement Barnier avait accepté la partie recettes du budget tel qu’amendé par LFI et le NFP, le déficit prévu par sa partie dépenses serait tombé sous la barre des 3%. Alors si le gouvernement l’a refusé, c’est uniquement parce qu’il ne veut pas demander leur contribution aux très riches. Barnier en apporte la preuve : les dirigeants des grandes entreprises et les très riches ne se soucient pas des intérêts de notre pays. Aux exceptions près qui confirment toujours la règle, on peut affirmer sereinement qu’il ne s’agit que de profiteurs.
Cette logique du « profit » se confirme par la note des économistes. Et cela fait suite à celui mené précédemment par Hollande avec son choc de compétitivité et le « crédit d’impôt recherche », dont Macron était déjà l’un des organisateurs. Le gouvernement Barnier n’est en rien différent de cela. L’un après l’autre, ils ont réduit les impôts sur la richesse produite et sur les revenus du capital. Ils pensaient ainsi obtenir une relance de l’activité par un effet de « ruissellement », c’est-à-dire le transfert de ces sommes vers l’économie productive, l’investissement et l’innovation. Cela n’est jamais arrivé. Mais les recettes fiscales manquantes ont creusé les déficits, augmenté la dette et le prix qu’elle coûte en intérêts. Résumé : l’État a été volontairement appauvri. Cela a servi de prétexte pour réduire les services publics et réduire davantage les impôts des mêmes riches. Les idéologues du gouvernement s’attendaient à un apport d’argent venant d’en haut. Mais cela n’est jamais arrivé. Les riches sont devenus de plus en plus riches. Et leur argent n’est jamais revenu dans l’économie française. Ni en investissement pour acheter des machines, ni en augmentation de salaire. Il s’oriente vers la sphère financière, vers la spéculation. Les bénéfices ont augmenté, tout comme les dividendes. Les riches sont devenus considérablement plus riches. Pas sur la base d’une meilleure productivité du travail. Non, parce que ça s’est détérioré. Il ne s’agit pas d’élargir les marchés d’acheteurs, il s’agit plutôt d’un resserrement. Sur rien d’autre que des subventions de toutes sortes, y compris des réductions d’impôts. Mais aucune de ces montagnes d’argent n’est revenue dans l’aire de production ou de consommation des vaches.
C’est un capitalisme sans risque et sans effort. Un capitalisme au-dessus de nos moyens. Le capitalisme pour les nuls. Au final, tout le monde est ruiné : les salariés, l’État, le pays. Or, le budget Barnier n’a pas d’autre vision ni projet que celui de faire des économies. Pour le premier investisseur du pays, les pouvoirs publics, cela signifie renoncer à l’initiative économique. Alors que le budget voulu par les rebelles et le Front populaire vise au contraire à relancer de manière volontariste l’activité économique. Mais ici le moyen est par une injection d’argent prélevé sur les impôts là où les fortunes inutiles et l’accumulation monstrueuse de ces dernières années le permettent largement. 2% sur les actifs des 147 plus riches rapporteraient par exemple 15 milliards ! Le budget tel que modifié par les députés insoumis et NFP est désormais réorienté dans ce sens. A l’inverse, Barnier et les macronistes envisagent une « reprise » à la hauteur des plans imposés à l’Europe du Sud au début des années 2010.
Pourquoi ces violences ? La situation financière française n’a alors rien à voir avec celle de ces pays. Et surtout : les plans qui leur étaient appliqués à l’époque n’ont produit aucun des résultats escomptés. Alors pourquoi les prendre sur nous ? L’ampleur de la « réparation » Barnier est excessive, même par rapport aux nouvelles règles européennes. Depuis juillet dernier, la France est placée par la Commission sous une nouvelle procédure contre les déficits excessifs. Les coupes budgétaires de Barnier sont estimées à 1,4 point de réduction de la richesse produite. Cela dépasse de loin les exigences européennes. Pour quoi ? En réalité, quelques mesures fiscales ciblées par Barnier lui-même sur les groupes les plus riches et les plus grands auraient suffi à atteindre les objectifs d’équilibre requis. Le gouvernement est trop zélé. Pour quoi ? Nous pouvons conclure que les coupes budgétaires ne sont pas devenues une fin en soi. Un instrument au service du mythe néolibéral selon lequel le marché occupera le terrain si le service public n’est plus là. Idéologie pure!
Ce nouveau saignement entraîne un nouvel échec, sinon à la ruine. Cela ne sert à rien d’être zélé ! La note des économistes montre pourquoi si la France décidait d’obéir aux règles européennes, cela ne servirait finalement à rien comme on l’a vu dans tous les pays qui y ont été soumis. La note de l’Institut La Boétie compare l’ampleur du plan de « coupes budgétaires » de Barnier pour 2025 avec celles qui ont été appliquées aux pays du sud de l’Europe pendant la crise de la zone euro. Nous pouvons avoir peur. Ce plan Barnier est pire que le remède du cheval appliqué à l’Italie ! Tant d’années plus tard, elle ne s’en remet toujours pas ! Il a fallu attendre 2024 pour que le PIB italien retrouve son niveau d’avant la crise mondiale de 2008. Le taux de chômage a atteint 13 % de la population active en 2014 et n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008. Quant à la dette publique italienne, alors qu’elle s’élevait à 114% du PIB en 2010, elle s’élève désormais à 139% du PIB. Seize ans avec un boulet et une chaîne ! Et toujours un résultat négatif. Avis aux amateurs.