Google a acquis une puissance maximale sur le web grâce à son moteur de recherche. L’entreprise est cependant accusée de l’utiliser d’une manière préjudiciable à la concurrence. Aux USA, le ministère de la Justice travaille sur ce dossier et, parmi les solutions envisagées, il y a le démantèlement de certaines activités.
Ce serait un coup de tonnerre dans le ciel du Web : Google pourrait devoir se séparer de Chrome ou d’Android. Ce scénario, catastrophique pour l’entreprise américaine, est pourtant bien envisagé parmi diverses mesures destinées à corriger ses pratiques concurrentielles. Surtout, cela ne vient pas de n’importe où : ce sont les Etats-Unis qui en parlent.
C’est en effet le ministère de la Justice qui a ouvert cette perspective de démantèlement du cabinet de Mountain View. Ses équipes juridiques réfléchissent à des mesures structurelles qui briseraient le monopole qu’elle s’est construit dans la recherche en ligne, afin de rétablir la concurrence dans ce secteur.
Google est en effet quasiment hégémonique en recherche, avec 90 % de part de marché globale (elle atteint même 94 % sur mobile, mais 80 % sur PC). En fait, l’entreprise est devenue la porte d’entrée du Web et est en mesure de faire beau, mauvais temps. Y compris en favorisant artificiellement ses propres produits et services.
Ce problème de Google juge et partie est loin d’être nouveau. Le sujet est d’actualité depuis plus de quinze ans et a été abordé à différents niveaux : en Allemagne, en France, au Parlement européen, à Bruxelles ou lors d’une campagne présidentielle aux Etats-Unis. La menace plane de temps en temps, mais elle n’a jamais été mise à exécution.
Priver Google de Chrome et Android
Parmi les pistes envisagées par le ministère figure donc l’idée d’empêcher Google de pouvoir utiliser certains de ses produits les plus populaires : son navigateur web Chrome (qui détient une part de marché d’environ 66%, soit un internaute sur deux), son système d’exploitation mobile Android ou sa boutique d’applications, le Play Store.
Il s’agirait d’empêcher le groupe américain de pouvoir exploiter ces produits – dont il est très difficile de se passer au quotidien – pour promouvoir son moteur de recherche. Toutefois, à ce stade, il n’est pas du tout certain que ces pistes seront suivies, partiellement ou intégralement. Par ailleurs, d’autres leviers d’action moins sévères sont évoqués.
Par exemple, l’idée d’ouvrir certaines parties de Google à d’autres moteurs, afin de les aider à améliorer ou construire leur solution, a été avancée. Il ne s’agirait pas de révéler les secrets de l’algorithme classant les pages, mais plutôt d’ouvrir son vaste historique d’indexation du web – ce qui en ferait une sorte de base de données commune.
Cette solution comme les autres n’a cependant suscité que le mépris de la part de Google, qui s’y oppose totalement. L’entreprise a publié une réaction le 9 octobre dans laquelle elle rejetait catégoriquement ces lignes directrices. Cela ne ferait que « nuire aux consommateurs, aux entreprises et aux développeurs », et cela menacerait même l’avenir de Chrome ou d’Android.
» Ne nous y trompons pas : (séparer Chrome et Android de Google, NDLR) modifierait leurs modèles économiques, augmenterait le coût des appareils et affaiblirait Android et Google Play dans la concurrence féroce qu’ils affrontent avec l’iPhone et Google Play. Apple App Store », lit-on. Pire encore : cela pourrait même nuire à l’innovation et à la concurrence.
Google évoque en effet la rivalité féroce qui l’oppose à Apple dans le domaine des smartphones. Si à l’échelle mondiale, la firme de Mountain View est en tête, Apple occupe des positions puissantes dans certaines régions et détient aujourd’hui une part de marché importante – près de 30 % dans le mobile.
Démontage rare et efficace
Le démontage reste très rare. Aux États-Unis, il faut remonter à 1982 – il y a quarante ans – avec la scission du système Bell pour être confronté à un événement d’une telle ampleur. Là aussi, le ministère de la Justice américain avait obtenu que l’opérateur AT&T se sépare de plusieurs de ses filiales afin de stimuler la concurrence.
Dans les années 2000, une menace similaire planait sur la tête de Microsoft, alors hégémonique dans le monde du PC, via son système d’exploitation Windows. Lors d’un procès très médiatisé, un juge a ordonné en première instance le démantèlement de Microsoft. Mais lors de l’appel, ce jugement a été infirmé.
La prochaine étape de ce bras de fer entre les autorités judiciaires et Google est attendue d’ici le 20 novembre 2024. Le ministère devra préciser les solutions qu’il envisage pour remettre de l’ordre dans les pratiques du géant du web. Cette dernière pourra également avancer ses propres pistes pour éviter le pire.