Goncourt, Renaudot, Femina… La sélection, première étape dans la course aux prix littéraires
C’est le premier pas vers la reconnaissance littéraire. Voir son roman figurer dans la première sélection d’un prix est souvent vécu par l’auteur comme une promesse. Bien sûr, c’est un parcours du combattant, et seul un auteur franchira la ligne d’arrivée qui mène au succès, voire à la gloire littéraire s’il s’agit du Goncourt ou d’un autre grand prix d’automne. Faire partie de la première sélection n’est qu’un début, mais c’est quelque chose. Et nous le faisons savoir.
Cette publication des listes de romans sélectionnés remonte aux années 1970. C’est Hervé Bazin, président du jury Goncourt de 1973 à 1996, qui avait pris l’initiative en 1975 de publier la liste des livres soumis à l’examen des jurés. Auparavant, la règle était davantage le secret, la réflexion et le suspense. Mais l’académie était soupçonnée de petits arrangements. Rendre publique la sélection apparaissait alors comme un gage de transparence. Depuis, révéler les romans en lice quelques semaines avant les délibérations alimente un certain engouement.
Une occasion de se démarquer parmi les 459 romans de la rentrée
Parce qu’être sélectionné, c’est avoir une chance d’émerger, cette année, parmi les 459 romans qui arrivent dans les rayons des librairies. « Conserver son livre dans une sélection est une certaine manière d’encourager l’auteur »souligne l’historien Jean-Yves Le Naour, auteur de 120 ans du prix Goncourt. Une histoire littéraire française (1). Sans lui promettre le prix.
A l’éditeur qui le remerciait d’avoir inclus un titre de sa maison dans la liste révélée le 3 septembre, un membre de l’Académie Goncourt a précisé qu’il ne fallait toutefois pas rêver de remporter le prix. « Être dans une sélection est déjà une belle reconnaissance pour un auteur, encore plus un romancier débutant. Après, il faut le soutenir quand il se fait éjecter à la deuxième ou à la troisième sélection parce que là, il ne comprendra pas… »confie un attaché de presse.
Un événement médiatique sans grand impact
D’autant que toute la chaîne du livre communique, tous les réseaux sociaux investis, le plus largement possible dès l’annonce de la première sélection – et encore plus des suivantes – à commencer par l’éditeur. « Même si le roman ne va pas jusqu’au bout, la sélection lui donne une certaine visibilité médiatiqueexplique Sylvie Ducas, professeur de littérature contemporaine à l’Université Paris-Est CréteilIl ne faut pas perdre de vue l’industrialisation culturelle qui fait du livre une marchandise.
Manuel Carcassonne, patron des Éditions Stock, confirme l’importance – récente – de ces listes. « Jusqu’alors, ils n’avaient aucune valeur en tant que tels, sinon de soutenir le travail de la maison. Aujourd’hui, les journalistes vont les utiliser, les vendeurs vont relayer l’information, les libraires pourront faire la promotion des livres… » En fonction des sélections, ce dernier vérifie les stocks et peut ponctuellement réapprovisionner les titres qui sont en tête.
Encore faut-il prioriser les prix. Faire partie de la sélection Goncourt ou de l’un des grands prix d’automne est plus valorisant que d’autres prix liés à une marque commerciale ou à un média. Les effets diffèrent aussi, entre la force de vente d’un côté et la reconnaissance littéraire de l’autre.
Des libraires soucieux de leur sélection
« Toutes les récompenses n’ont pas la même autorité.soutient Pierre Bovet, libraire à La Procure-Étincelles, à Annecy. Nous verrons dans les sélections ce qui correspond à la librairie, et surtout proposerons la nôtre.
Un choix délibéré, parmi des sélections qui présentent parfois plus d’une similitude. A l’image des listes Goncourt et Renaudot, qui comptent cette année six titres en commun. « Ce qui doit venir en premier, c’est le texteassure Laurence Caracalla, membre du jury du Prix des Deux-Magots, qui fête ses 91 anset édition. De notre côté, exigeants quant au style et au thème, nous souhaitons distinguer un roman passé sous le radar. Notre sélection ne ressemblera pas aux autres.
Quant à l’influence de ces listes sur les ventes, elle reste difficile à mesurer. Si le « grand prix » peut avoir un réel impact sur les clients, les sélections apparaissent avant tout comme un sport de Saint-Germain-des-Prés : « Pour le public, explique Elisabeth Person, de la librairie La Procure-Étincelles, Voici les coulisses. Au Théâtre des Lettres, les sélectionnés ont une carte à jouer.
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Les Goncourt s’exportent
Il y a le Goncourt, couronnant un roman de la rentrée littéraire début novembre. Mais l’académie décerne d’autres prix, le Goncourt de la nouvelle, le Goncourt du premier roman, notamment. Désormais incontournable, le Goncourt des lycéens, créé en 1988, permet à 2 000 jeunes de découvrir la littérature contemporaine. Avec une organisation similaire, c’est aussi le Goncourt des détenus qui, pour la troisième édition, entre en prison.
Enfin, la variation internationale est impressionnante : dans 37 pays, on se réunit pour définir le « choix Goncourt » du Portugal ou de la Slovénie, de l’Inde ou de la Côte d’Ivoire. Reprenant la dernière sélection Goncourt ou établissant une autre liste, ils distinguent un roman, et ne s’alignent pas forcément sur le Goncourt parisien.
(1) Avec Catherine Valenti, Omnibus/Perrin, 2023, 576 p., 27 €.
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