Giorgia Meloni, passée des marges post-fascistes au centre du jeu politique en deux ans
Selon certains témoins, lorsqu’elle entra dans le très solennel palais Chigi, le 23 octobre 2022, pour remplacer Mario Draghi, technocrate d’envergure continentale, Giorgia Meloni était plus qu’intimidée. Elle était pétrifiée. Les images de cette passation de pouvoir, la première en Italie entre un homme et une femme, conservent en tout cas la trace de sa silhouette vêtue de noir, courte et raide, évoluant avec hésitation sous ces murs bien trop hauts, témoignages plus que quatre siècles de puissance passée de Rome.
Certes, elle était en politique depuis l’été de ses 15 ans, en 1992. Elle avait été la plus jeune vice-présidente de la Chambre des députés en 2006, puis la plus jeune ministre de l’histoire italienne en 2008. Et elle est devenue, à ce titre, jour d’octobre 2022, la première femme présidente du conseil et surtout la première représentante de son camp, issue de la matrice fasciste, à accéder au pouvoir dans l’Italie républicaine.
Mais le monde dont est issu ce militant professionnel, qui présente la fidélité au passé comme l’une de ses valeurs cardinales, « monde minoritaire » comme elle aime le décrire, avait été façonnée par la marginalité, habitée par des fantasmes de persécution, obsédée par l’esthétique de la noble défaite, et méprisé puis craint par les élites. Il lui faut désormais, et avec elle, occuper les palais du pouvoir. En cinq ans, la part des voix remportées par son parti, Fratelli d’Italia, dernière incarnation d’une longue généalogie politique remontant au régime de Benito Mussolini, était passée de 4,35% à 26%.
Une coalition forte
Deux ans plus tard, Giorgia Meloni n’a plus de raison de se laisser intimider. Il a conquis sa place en Europe et au-delà. Sa coalition tient bon malgré des accrochages occasionnels entre ses alliés de la Ligue (extrême droite) et Forza Italia (centre droit). Ni l’un ni l’autre n’ont intérêt à ébranler sérieusement le gouvernement et leurs accrochages n’atteignent pas le président du conseil. De leur côté, les oppositions se sont montrées incapables de construire une alternative sérieuse.
Sauf cataclysme, imprévisible mais jamais impossible, Giorgia Meloni peut donc se concentrer sur son objectif fondamental : durer. Il entend briser définitivement le cycle de retournements politiques, de rebondissements, de dislocations et de recompositions de majorité auquel la démocratie italienne est habituée depuis longtemps. « Giorgia Meloni a stabilisé l’électorat et clôturé la période de turbulences populistes des années 2010 »estime Giovanni Orsina, directeur du département de sciences politiques de l’Université Luiss Guido Carli.
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