Gérald Darmanin est « complètement discrédité, il faut que d’autres acteurs se saisissent du dossier à tout prix », estime un spécialiste
La Nouvelle-Calédonie a connu une troisième nuit consécutive d’émeutes liées à l’adoption du dégel du corps électoral.
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« M. Darmanin est complètement discrédité parmi les indépendantistes, c’est certain »« , a déclaré jeudi 16 mai dans le « 8h30 franceinfo » Benoît Trépied, anthropologue au CNRS et spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, alors que l’archipel est en proie à des émeutes.
Les violences qui agitent la Nouvelle-Calédonie ont été déclenchées par l’adoption, dans la nuit de mardi à mercredi, de la réforme constitutionnelle portée par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui vise à élargir le corps électoral pour les élections provinciales. « Il faut à tout prix qu’il y ait d’autres acteurs qui reprennent le dossiera jugé Benoît Trépied.
« Ce que réclament avec force les séparatistes et de nombreuses autres voix, c’est une mission de médiation »dit l’anthropologue, sur le modèle du « mission de dialogue » créée par Michel Rocard en 1988 après le drame d’Ouvéa. UN « mission de médiation » qui doit être mis en œuvre sous l’égide de « des personnalités irréprochables, qui ne sont pas liées très directement à ce gouvernement »« , selon le spécialiste.
« Il y a un certain nombre de personnes parmi le personnel politique en France qui connaissent la question calédonienne, mais elles ne sont plus écoutées au sommet de l’Etat. »
Benoît Trépied, anthropologue au CNRSsur franceinfo
« Il y a eu un changement de stratégie de l’Etat quand Édouard Philippe a quitté Matignon » à l’été 2020, a-t-il observé. L’ancien Premier ministre a lui-même tiré la sonnette d’alarme début mai, tout comme ses prédécesseurs à Matignon Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault, qui ont soutenu une reprise en main du sujet par Matignon, historiquement responsable du dossier calédonien.
Avec « l’accord de Matignon (en 1988)puis l’accord de Nouméa (en 1998)l’idée est de dire que nous pensons la Calédonie en fonction des intérêts de la Nouvelle-Calédonie », a rappelé Benoit Trépied. En accusant jeudi l’Azerbaïdjan d’ingérence en Nouvelle-Calédonie, Gérald Darmanin opère un « réflexe impérialiste », selon l’anthropologue. L’Azerbaïdjan, pays pro-russe, a signé en avril un protocole de coopération entre le Congrès de Nouvelle-Calédonie et son Assemblée nationale. Mais pour Benoit Trépied, « L’État français s’est tiré une balle dans le pied et ses adversaires politiques en profitent ».
« Ces discours sur la Chine, l’Azerbaïdjan, ce sont des éléments de langage politico-médiatique qui circulent à Paris, mais c’est évidemment une façon de détourner l’attention de la responsabilité du gouvernement, c’est un prétextefustige Benoit Trépied. Jusqu’à preuve du contraire, elle a été colonisée par la France et non par la Chine. »