Géorgie : la révolte s’étend contre la « loi russe »
Si le gouvernement semble, ce lundi, en mesure de passer en force au Parlement, la contestation s’étend en Géorgie contre la « loi russe », comme est surnommé un texte dénoncé par la société civile comme contraire aux aspirations européennes de cette ancienne république soviétique du Caucase. .
Certes, la police a dispersé lundi matin une foule de manifestants devant le Parlement, à coups de canons à poivre et au prix d’une vingtaine d’arrestations. Un comité de députés du parti au pouvoir Rêve Géorgien, dont certains avaient dormi à l’intérieur du bâtiment par précaution, a également voté cette loi en… soixante-sept secondes, montre en main. En début d’après-midi, il ne restait plus qu’un millier de jeunes manifestants.
Grèves et démissions
Mais ils ont été rejoints par un cortège d’étudiants universitaires en grève depuis le matin. « Les jeunes sont à l’avant-garde du mouvement parce qu’ils n’ont aucun vestige de la pensée soviétique et voient clairement leur avenir en Europe », explique Tengiz Pkhaladze, du Centre européen de politique économique internationale (Ecipe). Mais la contestation émane désormais de toutes les couches de la société, de tous les courants politiques et de toutes les régions. » Selon un rapport lundi après-midi, presque toutes les universités sont en grève, dont celle de Kutaisi, créée et financée par la numéro un du régime, Bidzina Ivanishvili. Les écoles primaires sont également fermées.
La contestation semble commencer à s’étendre à l’économie avec le début d’une grève dans le secteur minier et la démission des hauts dirigeants de la compagnie pétrolière Wissol, qui s’étaient prononcés en faveur de la loi. Des journalistes ont également démissionné d’une chaîne de télévision proche du pouvoir.
Pour la première fois de mon parcours universitaire, je suis accueilli par une salle vide. Pourquoi? Parce que tous les étudiants protestent en Géorgie contre la loi russe. ✌️ pic.twitter.com/alC3rfzmLs
– George Melashvili 🇺🇦🇬🇪 (@geomel_ge) 13 mai 2024
Sous prétexte de transparence et de lutte contre les ingérences étrangères ou occidentales indues, l’exécutif a présenté début avril une loi exigeant la qualification d' »agent au service d’une puissance étrangère » de tout média ou association dont plus de un cinquième financement vient de l’étranger. Il est très difficile en Géorgie de discréditer toute opposition tout en finançant à partir de ressources locales tout média d’opposition ou toute association indépendante. Cette loi s’inspire clairement, d’où son surnom, d’une mesure du Kremlin qui permet de museler toute opposition depuis 2012…
Intimidation
La tension risque d’être à son comble, craignaient les manifestants rencontrés lundi matin, lors du rassemblement prévu dans la soirée devant le Parlement : la loi devrait être votée en troisième et dernière lecture en plénière ce mardi. Sans doute par crainte de répression, la foule, comprenant jusqu’alors nombre de femmes et d’enfants, était moins nombreuse dimanche soir que la veille, où elle avait rassemblé près de 100 000 personnes dans un pays de moins de 4 millions d’habitants. résidents.
La frontière entre l’obscurité et la lumière est claire.
Que la lumière triomphe.#NonAuLoiRusse pic.twitter.com/GZUVI3Ejod
– Katie Shoshiashvili (@KShoshiashvili) 13 mai 2024
Les actes d’intimidation tous azimuts se sont multipliés ces derniers jours contre les manifestants, y compris contre les « non-rangés » du mouvement, avec des appels téléphoniques menaçants, des tags sur les portes des maisons et des véhicules, voire des cambriolages et des passages à tabac.
« Je voudrais avertir tous les membres des groupes d’opposition radicale qu’ils devront répondre de leurs actes de violence devant la justice », a prévenu dimanche le Premier ministre Irakli Kobakhidze, dont les discours sont d’une rare virulence contre les pays occidentaux.
De son côté, la présidente géorgienne pro-occidentale, Salomé Zourabichvili, s’est déclarée prête à opposer son veto à la loi – un veto qui peut cependant être facilement surmonté par une majorité qualifiée des deux tiers des députés, mais pas avant des semaines – a appelé aux manifestants d’être vigilants. « Il y a des projets qui ne marchent pas vraiment, mais il y a des projets pour organiser des provocations et vous impliquer », a-t-elle déclaré, sans entrer dans les détails.
Le texte, une initiative du parti au pouvoir Rêve Géorgien (créé par le véritable maître du pays, bien que sans position officielle, Bidzina Ivanishvili, dont la fortune est estimée à 40% du revenu national), est considéré par Bruxelles comme un obstacle au le cheminement de la Géorgie vers l’adhésion à l’Union européenne. Les présidents de la commission des Affaires étrangères du Parlement de cinq pays européens (Lituanie, Finlande, République tchèque, Pologne et Allemagne) ont appelé le gouvernement à retirer la loi lors d’un voyage à Tbilissi lundi, où les responsables ont refusé de les recevoir. Alors que James O’Brien, chargé de la coordination des sanctions internationales au sein du département d’Etat américain, arrivait dimanche à Tbilissi, Washington a également appelé le régime à retirer cette loi.