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garder le secret ou tester votre programme avec les juges, le choix stratégique des sports artistiques

Le public devra encore attendre. Chez elles, lors de la deuxième étape de la Coupe du monde de natation artistique, du 3 au 5 mai, les Françaises n’ont pas dévoilé leur programme libre. On sait juste qu’ils nageront aux Jeux Olympiques de Paris aux dires de Dames de Grand Corps Malade, dans un ballet imaginé par Mourad Merzouki, chorégraphe issu du monde du hip-hop. Le reste est gardé secret « créer un effet de surprise et porter un coup », résume Laure Obry, entraîneur de l’équipe de France de natation artistique.

Tout comme la gymnastique artistique ou rythmique, ou encore le trampoline, la natation artistique fait partie des sports olympiques notés par les juges. En 2023, elle a vu son système de notation révolutionné. Auparavant, les juges évaluaient le talent artistique et la technique sur 10 en fonction de leur ressenti, mais ils s’appuient désormais sur un codage précis.

Les contrôleurs vérifient que les difficultés annoncées sont réalisées et les juges notent le talent artistique et l’exécution. « Notre sport a énormément évolué, nous sommes très clairement dans un jeu de stratégie », pose Laure Obry, qui scrute la concurrence pour potentiellement accroître la difficulté du contenu des prochains programmes français.

« Avant, c’était important de se montrer. Si on était un bon nageur, mais pas d’un pays connu, il fallait montrer aux juges qu’on était fort. Au début, je n’étais pas noté équitablement », retrace Virginie Dedieu, triple championne du monde solo de natation artistique et consultante pour France Télévisions. Avant les Jeux olympiques de 1996, les Américains étaient les meilleurs. Ils ont choisi de ne pas montrer leur programme, car ils avaient déjà ce statut. Le fait de me cacher me donnait encore plus envie. Aujourd’hui, la situation a changé.

En gymnastique aussi, la notation a évolué. La réflexion est née après le 10 historique de la Roumaine Nadia Comaneci en 1976 à Montréal et a culminé en 2005. Historiquement notées sur 10, les gymnastes sont désormais évaluées sur deux volets pour permettre une plus grande différenciation entre les athlètes : l’exécution et la difficulté du contenu.

« Aujourd’hui, c’est beaucoup plus standardisé, note Elvire Teza, gymnaste française qui a participé aux Jeux d’Atlanta et de Sydney. Mais je pense qu’il y a quand même un effet de lobbying. C’est ce que fait par exemple Kaylia Nemour. (gymnaste algérienne), qui participe à toutes les compétitions même si elle est déjà qualifiée pour les Jeux olympiques. Elle cherche à gagner en notoriété.

En gardant la surprise du programme libre, le staff de l’équipe de France de natation artistique souhaite « Faire une impression » et créer un « effet wow » pour que les juges produisent de bonnes notes.

« L’idée est de se démarquer en proposant quelque chose de différent et d’innovant. Si nous révélions ce programme plus tôt, nous aurions forcément un impact un peu moins significatif aux JO.»

Laure Obry, sélectionneuse nationale de l’équipe de France de natation artistique

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Beaucoup des meilleures nations gardent une partie de leur programme en vue des Jeux Olympiques pour éviter des difficultés croissantes dues à la compétition. « Si on est sûr de soi à l’entraînement, mieux vaut garder le secret » estime Virginie Dedieu. En revanche, si la technique n’est pas assurée, présenter le programme permet d’obtenir des retours des juges et de savoir quels éléments sont susceptibles d’être déclassés, afin de les modifier.

En natation artistique, la sanction est désormais lourde : une figure mal réalisée est notée 0,5 point (le « marque de base« , note de base, en français), quelle que soit sa valeur d’origine. Le pari de ne pas tester son programme auprès des juges est donc audacieux. « Je pense que c’est risqué. En compétition, les filles vont avoir du stress. Mais elles n’ont rien à perdre », observe Virginie Dedieu. « Nous prenons des risques que nous sommes capables de prendre », rassure Laure Obry.

Pour éclairer les coachs sans percer le secret, un travail collaboratif existe entre les juges français et le staff national, notamment lors de la phase de création. « Ils envoient des vidéos et nous leur faisons part de nos commentaires. Nous parvenons à trouver un terrain d’entente entre ce que veut le coach et ce qui est demandé dans notre grand livre de jugement. » sourit Marie-Pascale Billiet, juge internationale de natation artistique. Les juges se déplacent également lors des stages de formation de l’équipe de France. « Nous pouvons leur dire directement ce que nous avons vu et ce qui peut être amélioré. A leur niveau, les nageurs nous considèrent comme des alliés. » souligne ce sauveteur et gestionnaire de piscine.

Optimiser les scores des gymnastes françaises est le rôle le plus important pour Stéphane Miquel, rare juge international masculin de gymnastique artistique féminine. Il fait partie des trois juges qui suivent de près l’équipe de France. Depuis les JO de Tokyo, ils participent à tous les rassemblements précédant les grands événements. « On leur demande si ça vaut le coup d’ajouter telle ou telle chose, ou si c’était mieux avant », » éclaire la gymnaste Morgane Osyssek-Reimer.

« C’est du bon travail. On travaille l’exécution. Par exemple, avant les Mondiaux, je les ai fait travailler les réceptions pour qu’ils serrent les pieds et ne perdent pas de points là-dessus. »ajoute Stéphane Miquel. Il est rare que l’on conseille de supprimer un élément, à moins que la gymnaste ne perde plus de points aux pénalités qu’elle n’en gagne avec la figure. » Entre chaque cours, tout comme Marie-Pascale Billiet, Stéphane Miquel regarde des vidéos de nouvelles figures envoyées par les gymnastes et donne son avis.

« Les Américains choisissent de montrer très peu jusqu’aux championnats des États-Unis. Ici, les Français essaient d’avoir des retours en direct.» explique Stéphane Miquel, professeur civil de mathématiques. « A mon avis, il vaut mieux tester avant, pour être sûr que nos éléments sont validés par les juges », confirme Marine Boyer, spécialiste du faisceau.

D’une compétition à l’autre, la capitaine des Bleues varie sa séquence pour « trouver la meilleure stratégie » pour obtenir le score le plus élevé possible. « Après la Coupe du Monde à Jesolo (Italie, en avril) par exemple, j’ai retiré un objet sur lequel je suis tombé et qui me dérangeait. En plus, je n’ai gagné qu’un dixième avec ça.

Lorsqu’il s’agit de nouvelles acrobaties, les gymnastes les risquent avec prudence. Dans un sport où une mauvaise chute peut être dramatique, ils ne les montrent qu’une fois parfaitement maîtrisés. Pour augmenter ses chances de remporter une médaille à Paris, la spécialiste du saut Coline Devillard prépare un tsukahara (un saut inversé avec une demi-vrille, suivi d’un saut périlleux arrière) combiné à une double vrille, contre un simple auparavant. Avant les Championnats d’Europe, où elle a décroché l’or le 15 avril, elle ne se sentait pas encore prête à s’y essayer. «Je le publierai quand le moment sera venu. L’objectif est de le présenter aux Jeux olympiques.

Ray Richard

Head of technical department in some websites, I have been in the field of electronic journalism for 12 years and I am interested in travel, trips and discovering the world of technology.

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