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Galibier, Pla d’Adet, Plateau de Beille… Une édition dominée par Pogacar aux looks (a)normaux

DÉCRYPTAGE – Cette année encore, la Grande Boucle sillonne la France à un rythme effréné. A la veille de l’explication finale dans les Alpes, le microcosme du cyclisme, blessé par le dopage, s’enflamme.

Les records de Marco Pantani et Lance Armstrong semblaient intouchables, souillés par des années de tricherie organisée au cœur du cyclisme professionnel. Pourtant, leurs noms régnaient toujours au sommet des annales de certains cols gravis par le Tour de France, comme des cicatrices encore visibles. Tadej Pogacar les a tout simplement rouverts en atomisant les performances de ces sulfureux prédécesseurs. Ce dimanche 14 juillet, le Maillot Jaune a mis 3 minutes et 40 secondes de moins que Marco Pantani pour gravir le Plateau de Beille (15,8 km à 7,9% de pente moyenne).

La veille, les jambes déjà légères, le Slovène avait déjà battu facilement le chrono de Lance Armstrong dans le Pla d’Adet (10,6 km également à 7,9%) de près de 2 minutes, reléguant également Bernard Hinault et Raymond Poulidor à plus de 5 minutes (voir ci-dessous). Une semaine plus tôt, le record du mythique Galibier, lors de l’étape 4, était tombé et au cours de laquelle Pogacar avait enregistré une vitesse ahurissante de 37,8 km/h, selon les données recueillies sur son profil Strava.

Si Tadej Pogacar fait beaucoup parler de lui, Jonas Vingegaard et Remco Evenepoel, respectivement deuxième et troisième de ce Tour, ont également battu le record de Pantani sur le Plateau de Beille. Plus généralement cette année, l’ensemble de la Grande Boucle se déroule à des vitesses phénoménales. Pour preuve, lors de la deuxième étape de montagne traversant le Massif Central, le premier a bouclé les 211km et 4350m de dénivelé positif à une vitesse moyenne de 42,5km/h, malgré un coup de mou de Pogacar dans le final, arrivant ainsi 26 minutes avant le meilleur temps prévu fixé par les organisateurs.

De quoi impressionner les valeureux coureurs du peloton, qui tentent de s’accrocher sans grand espoir. Vous m’avez dépassé à une vitesse incroyable. J’avais plus de 360 ​​watts après deux heures. C’est fou. « , lance Bruno Armirail à ses coéquipiers Félix Gall et Nans Peters dans une vidéo de l’intimité du bus mise en ligne par l’équipe française Décathlon-AG2R. Même son de cloche pour le leader de Cofidis Guillaume Martin, lors du point presse au Pla d’Adet :  » Ça a monté très vite du pied, je me suis accrochée comme j’ai pu pendant un bon moment. Mais ensuite ils ont accéléré à nouveau quand j’ai ralenti, c’est un autre monde… »

« Méfiez-vous des explications simplistes »

De telles performances, comme chaque année depuis cinq éditions, suscitent des soupçons de dopage. Le watt, unité de mesure de la puissance de pédalage d’un cycliste, est sans cesse décortiqué. Il faut dire que dans le cyclisme moderne, cette unité est devenue une composante sine qua non performance, de sorte que chaque cycliste pédale les yeux fixés sur son compteur. Ainsi, diviser les watts par le poids du cycliste donnerait ainsi un chiffre magique capable de déceler les tricheurs. Après 5 cols et 5h13 d’effort, 15,95 km à 7,87% (Plateau des Abeilles) dans 39’46 secondes à 24,07 km/h. C’est monstrueux, c’est 480 watts Étalon (watts recalculés pour limiter l’influence du poids), voir plus ! « , écrit sur X Antoine Vayer, ancien sociétaire de Festina devenu chroniqueur antidopage, comparant les données estimées de l’ascension de Pogacar qui dépasse celle de Lance Armstrong.

 » Il convient d’être très prudent lors de l’utilisation de ces données.nuance pour Le Figaro Frédéric Grappe, directeur des performances de Groupama FDJ. Attention aux explications simplistes, il faut un raisonnement scientifique qui s’appuie sur tous les paramètres de performance : vent, température, altitude, fatigue au pied de la dernière difficulté, etc..”

Aujourd’hui, si on va plus vite que les années Armstrong dans les cols, c’est tout à fait normal

Frédéric Grappe

Outre les paramètres de course à ne pas négliger, la principale raison d’une amélioration des performances serait technique. Les vélos sont beaucoup plus légers, plus aérodynamiques, comme beaucoup le savent « , explique le scientifique. Mais s’il n’y avait que ça, l’argument du membre du GFDJ ne serait pas valable face aux analyses des Étalon watts, qui annihilent l’effet du poids de l’équipement sur la performance des coureurs.

 » Il faut comprendre que nous avons principalement réduit la résistance au roulementajoute Frédéric Grappe. Le vélo est un objet qui se déforme comme une perche dans un saut à la perche. Si la perche est dure, elle revient plus si on arrive à la plier. Le vélo est pareil et aujourd’hui il revient beaucoup mieux au niveau du cadre et des roues, ce qui a réduit la perte d’énergie à chaque coup de pédale. Aujourd’hui, si on va plus vite que les années Armstrong dans les cols, c’est tout à fait normal. » L’amélioration mécanique des vélos de course, devenus de véritables bijoux technologiques, pourrait, selon Frédéric Grappe, expliquer un gain de performance de 5 à 10 watts.

Lutter contre la « fatigue centrale »

Pourtant, selon les estimations de Velofacts, analyste néerlandais des statistiques cyclistes, Tadej Pogacar aurait gravi le plateau de Beille avec une estimation basse de 6,8 watts par kg, soit 448,8 watts si l’on prend en compte le poids de référence du Slovène, 66 kg. De son côté, selon les archives de Chronoswatts, Lance Armstrong avait réalisé cette même ascension en 2001 à 6,1 watts par kg. Une différence de puissance abyssale alors même que l’Américain dépassait les 70 kg, ce qui lui confère une puissance naturellement supérieure. Les watts développés par les cyclistes actuels dépassent donc la simple explication des gains matériels.

 » Le cyclisme a connu un tournant dans les années 2000. Notre sport était très en retard en termes d’encadrement. Quand je suis arrivé à la FDJ, l’entraînement consistait uniquement à faire une sortie à vélo de six ou sept heures. En voiture, je dois dire que je m’ennuyais. « , soupire Frédéric Grappe. Les années 2000 ont été un tournant dans la compréhension de l’effort, conduisant à des plans d’entraînement détaillés mêlant efforts longs et moments d’intensité.  » Nous getDe cette façon, la fatigue centrale est bien meilleure, c’est-à-dire l’énergie que le cerveau utilise pour la transmettre aux muscles. Cette fatigue est ce qui pèse le plus dans le cyclisme.insiste le directeur de la performance. Aujourd’hui, on arrive à gérer cette fatigue et à régénérer complètement un athlète en sept ou huit jours. C’est pour cela qu’on demande aux coureurs de donner le maximum tout le temps. »

Les cyclistes d’aujourd’hui bénéficient d’une convergence de moyens matériels et scientifiques, jamais vue dans le cyclisme professionnel. Chaque course de la saison, et plus précisément chaque étape d’un Grand Tour, est analysée scientifiquement en fonction de l’état de fatigue des coureurs. Les étapes de plaine servent donc à régénérer toutes les batteries. Après une première semaine très nerveuse, c’est pourquoi l’étape du 9 juillet entre Orléans et Saint-Amand-Montrond a fait partie de l’une des courses cyclistes les moins intenses depuis 2015, avec certains coureurs roulant à moins de 100 bpm de fréquence cardiaque. Des accalmies avant de nouvelles étapes encore plus rapides que la veille, qui ne cesseront d’attiser les débats.

Jeoffro René

I photograph general events and conferences and publish and report on these events at the European level.
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