Gabrielle, une jeune bordelaise, raconte les attentats au Liban
Gabrielle ne comprend toujours pas comment elle se retrouve à errer dans les rues de Bordeaux ou à dormir dans sa chambre chez ses parents. « Cela n’a aucun sens », continue-t-elle à répéter. Car depuis plus de deux ans, l’essentiel de sa vie s’est déroulé à plusieurs milliers de kilomètres, à Beyrouth. Pourtant, le 1er octobre, cette jeune bordelaise de 29 ans a pris la décision de tout quitter, terrifiée par les bombardements israéliens qui s’abattent sur la capitale libanaise depuis le 23 septembre. Laissant derrière elle ses souvenirs, son travail, ses amis et A. .son compagnon. « Ici, la vie continue comme elle va, les gens ont leur quotidien, des problèmes ‘inutiles’, mais qui peut leur en vouloir ? » se demande-t-elle.
La peur reste cependant toujours ancrée en elle, encore vive lorsque les avions de ligne survolent la maison familiale. Pendant une semaine, elle a vécu les cris, les larmes, la destruction, le bourdonnement assourdissant des drones, la peur morbide et constante d’être la prochaine cible. « La terreur s’accompagne aussi de fatigue. Israël attaquait principalement la nuit, il était impossible de dormir. Et dans la journée, nous constations les dégâts, tout en essayant de mener une vie normale. »
J’étais convaincu que je pouvais le supporter, mais j’ai réalisé que je ne pouvais pas. »
Le bombardement du quartier général du Hezbollah le 27 septembre, tuant son chef Hassan Nasrallah et plus de 400 civils, dans la banlieue sud de la ville, était celui de trop. « J’étais dans mon appartement lorsque j’ai entendu et ressenti les explosions. J’habite à environ deux kilomètres de là, dans un quartier chrétien, considéré comme plutôt « sûr », mais ce jour-là, j’ai vécu la chose la plus terrifiante de ma vie. Je pensais simplement que j’allais mourir. » Elle prend alors la décision de prendre un billet d’avion pour Paris. « C’était très dur, j’étais persuadée que je pouvais m’en sortir, mais j’ai réalisé que je n’y arriverais pas », confie-t-elle émue, se disant « consciente d’être privilégiée par ma nationalité et mon passeport.
Sentiment d’abandon
Son visage s’illumine toujours lorsqu’elle parle du pays et de ses habitants, de sa chaleur, de son patrimoine, de sa culture et de ses fêtes. Elle a découvert le Liban après les révolutions du Printemps arabe. Après avoir obtenu un master en LEA, elle s’envole pour Beyrouth et devient coordinatrice de programmes pour l’ONG Amel Association International, active contre l’exclusion sociale.
Depuis son retour, il n’y a pas « une seconde » sans qu’elle ne pense au Liban. « Mon corps est ici à Bordeaux, mais mon cœur et ma tête sont toujours là. » En permanence, Gabrielle suit les dernières informations, entre les réseaux sociaux montrant les dernières destructions et ses connaissances restées sur place. « Le Liban a connu trop de crises, de guerres civiles, d’attentats, d’explosion portuaire, d’inflation, de Covid-19… On parle beaucoup de la résilience des Libanais, mais je vois surtout la glorification de leurs traumatismes, alors qu’ils n’aspirent pas qu’à à la paix. Actuellement, ils se sentent abandonnés, ils ont besoin de nous, des familles sont détruites. »