Gabriel Attal s’empresse de faire passer des décrets anti-écologiques
10 juillet 2024 à 15h46
Mis à jour le 11 juillet 2024 à 17h34
Temps de lecture : 4 minutes
Le gouvernement Attal souffre-t-il d’une fièvre législative ? ? Depuis plusieurs jours, le Journal officiel est plein comme un œuf. Anticipant son départ, Gabriel Attal et ses ministres ont profité de l’incertitude ambiante pour publier dans JO plusieurs décrets encadrant les mesures de simplification prévues par la loi Industrie Verte de 2023.
Ce paquet réglementaire se compose d’un premier décret qui modifie les codes de l’urbanisme et de l’environnement en vue d’encourager l’implantation d’installations industrielles et d’un deuxième « contenant diverses dispositions pour l’application de la loi sur l’industrie verte et la simplification en matière environnementale ».
Ces textes, publiés les 6 et 7 juillet, week-end du second tour des législatives, favorisent l’implantation d’usines dites vertes, la réhabilitation de friches industrielles et, dans le même temps, simplifient la concertation publique. Il n’y a pourtant aucune malveillance là-dedans, dit-on à Matignon. « C’est la logique habituelle des gouvernements sur le point de tomber de rendre publics les textes qui sont en préparation. Dans le contexte, cette pratique crée davantage de controverses potentielles. »a confié une source sous couvert d’anonymat.
Procédures simplifiées
Il ne s’agit donc pas d’un projet industriel, ni de deux ou de trois, mais de cinq qui viennent d’être qualifiés. « des projets d’intérêt national majeur » : l’usine de fabrication de cellules photovoltaïques Holosolis à Hambach (Moselle), l’usine de production de panneaux photovoltaïques Carbon à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), l’usine de recyclage de plastiques moléculaires Eastman à Saint-Jean-de-Folleville (Seine-Maritime), l’usine de production de minerai de fer et d’hydrogène par réduction gravitaire à Fos-sur-Mer, ainsi que l’usine d’extraction et de traitement de lithium par Imerys dans l’Allier.
Lorsqu’un projet est classé comme tel, les autorisations d’urbanisme relèvent alors de la compétence de l’Etat – et non plus du maire ou du président de la communauté de communes où se situe ledit projet. La procédure de mise en conformité des documents d’urbanisme est simplifiée et, enfin, pour le maître d’ouvrage, il est plus facile d’obtenir une dérogation pour espèce protégée.
« Nous privilégions une industrie au détriment de certains enjeux environnementaux »
L’esprit de la loi sur les industries vertes est de favoriser l’implantation d’installations industrielles listées dans le décret 2024-704. Il s’agit de secteurs qui relèvent soit de la transition écologique, soit de la souveraineté nationale.
« C’est là le problème, c’est l’un ou l’autre, mais pas les deux.explique Pierrette Saupin, responsable de la cellule prévention de France Nature Environnement (FNE). Il s’agit d’une liste qui a été décidée de manière unilatérale, sans réelle justification. La portée de ces technologies doit être évaluée en fonction des enjeux de décarbonation, mais aussi de protection de l’environnement et de la biodiversité. On privilégie ici une industrie au détriment de certains enjeux environnementaux. »
France Nature Environnement ne considère pas que toutes ces industries soient vertueuses et puissent être considérées comme « favorable au développement durable » et bénéficier ainsi d’assouplissements et d’exonérations.
Décrypter le droit de l’environnement
La simplification des procédures pour l’industrie – verte ou non – a pour effet de détricoter le droit de l’environnement. Un sujet qui inquiète l’Autorité environnementale (AE), qui s’en est ému le 9 juillet dernier lors de la présentation de son rapport 2023. En effet, le décret de loi Industrie Verte prévoit que les différentes consultations – publiques, Autorité environnementale, autres autorités décisionnelles et consultatives – soient menées en parallèle, et non plus les unes après les autres.
L’objectif est de raccourcir les délais de mise en œuvre des projets. Laurent Michel, Président de laAEvoit deux conséquences potentiellement néfastes : les citoyens auront moins de temps pour assimiler l’avis de l’Autorité et le maître d’ouvrage risque de devoir modifier un projet déjà bien avancé. « À terme, cela peut entraîner des retards. »il prévient.
Cette compression des délais risque également d’entraîner une intensification du travail desAE ce qui pourrait nuire à la qualité des critiques. « Il est toutefois important que ce processus soit utile au public, aux maîtres d’ouvrage et aux décideurs. »insiste Laurent Michel. Reste à savoir quel sort le prochain gouvernement réservera à ces textes.