A Boulogne-Billancourt,
Il surgit de l’obscurité derrière la scène, saluant d’une main les centaines de militants venus l’acclamer. Gabriel Attal est la star d’un meeting de campagne majoritaire pour les européennes, ce mardi soir à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). A la tribune, les dirigeants macronistes se succèdent pour vanter la présence du Premier ministre. « Vous faites un travail fantastique », salue le député MoDem, Jean-Louis Bourlanges. La porte-parole du gouvernement, Prisca Thévenot, ajoute : « Vous continuez à être une militante engagée, vous pourriez être ailleurs aujourd’hui et vous avez décidé d’être là pour nous ! »
Un Premier ministre beaucoup plus impliqué
Présenté comme une « arme anti-Bardella » lors de sa nomination à Matignon en janvier dernier, Gabriel Attal s’est pourtant longtemps fait discret dans la campagne. Tellement discret que le chef de l’Etat a dû lui rappeler publiquement ses obligations début mai. « Je veux qu’il s’implique le plus possible dans la campagne en organisant des débats, des réunions, en allant sur le terrain. C’est ce que je lui ai demandé, ainsi qu’à l’ensemble du gouvernement », avait alors déclaré Emmanuel Macron à La Tribune Dimanche. La petite prise de bec intervient au moment où la liste macroniste était suivie de près par le candidat PS-Place publique Raphaël Glucksmann dans les sondages.
Depuis, le jeune Premier ministre part au combat pour défendre la campagne mal lancée du camp présidentiel. Quatre réunions publiques en moins d’un mois avec la tête de liste Valérie Hayer, des déplacements thématiques, des interviews, et surtout un débat télévisé offensant contre Jordan Bardella jeudi dernier. Son visage apparaît également sur les nouveaux tracts de campagne. De quoi remonter le moral des troupes et inverser la tendance ?
« Attal n’est pas un sorcier »
Dans les tribunes de meeting, l’enthousiasme n’est pas grand. « Il y a toujours un côté référendaire contre le pouvoir en place dans ce type d’élection. Et malgré le courant de sympathie dont bénéficie Gabriel Attal, je ne suis pas sûr que cela évite l’effet d’usure sur le président de la République», soupire Stéphane. « Le problème est présent partout en Europe. La crise de l’énergie et du pouvoir d’achat profite aux listes nationalistes», estime Martine.
Les macronistes n’ignorent pas les sondages : ils ne bronchent pas depuis des semaines. Au contraire, dans les dernières enquêtes d’opinion, Jordan Bardella recueillerait plus de deux fois plus d’intentions de vote que Valérie Hayer (34% contre 15,5% à l’Ifop). Alors, malgré le « Gabriel » lancé tout au long de la soirée, les militants ne croient pas à la remontée. « Gabriel Attal est sérieux, compétent et efficace, mais ce n’est pas un sorcier. Ce n’est pas lui qui fera changer l’avis des Français d’ici le 9 juin», regrette Philippe Legras, ex-député. « Je crois que malheureusement, il n’y a rien ni personne qui aura un effet dans cette campagne », renchérit un élu MoDem.
La menace d’un « vote de libération »
Au micro, Gabriel Attal défend le bilan européen des macronistes et fait ce qu’on attend de lui : distribuer les gifles. D’abord vers le Rassemblement National. « Derrière chaque proposition du RN, il y a un danger majeur et des Français qui sont perdants. Le RN déteste tellement l’Europe, le RN veut détruire l’Europe, il nous prépare un Frexit déguisé.» Il réserve également quelques coups à Raphaël Glucksmann, devenu le nouveau rival. « Entre les socialistes et les insoumis, aujourd’hui, je le déplore, c’est la même chose », a-t-il dit, appelant les « social-démocrates sincères, attachés à la République, à l’Europe », à soutenir la liste majoritaire.
Si l’activité d’Attal peut avoir un impact, c’est sur la mobilisation de l’électorat macroniste pour limiter les dégâts. Alors, face à la tentation d’un « vote explosif », il reprend la formule du président sur « l’Europe meurtrière » et appelle au « sursaut » : « Tout est encore possible parce que nous sommes déterminés à nous battre. Nous n’abandonnons jamais. » Personne ne pourra lui reprocher son manque d’implication dans la dernière ligne droite. Mais désormais, en cas de claque électorale, il sera le premier comptable.