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Fusion CNOPS-CNSS : pourquoi l’UMT menace de bloquer le projet de loi


La sérénité qui régnait sur le front social marocain fut de courte durée. Après une reprise encourageante en dialogue entre le gouvernement et le syndicatsnotamment autour du projet de loi sur l’agriculture biologique droit de grèvel’atmosphère est soudain devenue tendue. Au cœur de la discorde : le projet de loi n°54-23, visant à fusionner les Caisse nationale des organismes de sécurité sociale et le Caisse nationale de sécurité socialeCe texte, élaboré par les ministères des Finances et de la Santé, a provoqué une levée de boucliers des syndicats, qui dénoncent une approche unilatérale et un manque flagrant de concertation.

L’approche gouvernementale sous le feu des critiques

L’Syndicat marocain du travailfer de lance de la contestation, n’a pas mâché ses mots. Dans un communiqué incendiaire, son secrétariat général a fustigé « une démarche hâtive et opaque » de la part du gouvernement« Ce projet, élaboré dans l’ombre et dans la précipitation, menace les droits des adhérents, bénéficiaires, salariés et cadres de la CNOPS », tonne l’UMT. Le syndicat va plus loin, accusant l’exécutif de « méconnaître » les intérêts de plus de trois millions d’assurés. Une réaction similaire est attendue de la part de la Confédération démocratique du travail (CDT), qui tenait, à l’heure où nous mettions sous presse, son conseil exécutif hebdomadaire et avait placé ce point en bonne place à l’ordre du jour, selon nos sources.

Le Secrétaire Général de l’UMT, Miloudi MoukharikInterrogé sur ce sujet brûlant, le dirigeant syndicaliste n’a pas mâché ses mots : « L’un des principaux griefs concernant ce projet de loi est l’absence totale de consultation et d’information de la part du gouvernement auprès des représentants du mouvement syndical, que ce soit directement ou indirectement », alors qu’il s’agit, selon lui, d’une loi « qui va bouleverser la protection médicale et la couverture médicale dans le pays ». Le dirigeant syndical rappelle les obligations du gouvernement en matière de dialogue social :« Comme le stipule la charte du dialogue social, le gouvernement a le devoir de nous consulter sur les grands sujets sociaux. C’est précisément un texte qui va complètement changer la donne dans le secteur public. »

Le syndicat pointe également les implications plus larges de cette initiative gouvernementale. « Cette démarche contrevient aux principes constitutionnels et aux fondements mêmes du dialogue social », souligne le communiqué. Le secrétaire général de l’UMT n’hésite pas à qualifier cette démarche d’« anticonstitutionnelle ». Il ajoute : « Alors que le projet est préparé par le ministère des Finances et le ministère de la Santé et de la Protection sociale, aucun contact ni aucune consultation n’ont eu lieu à ce sujet. »

« Trois millions de bénéficiaires risquent de perdre les compétences acquises »

Au-delà des considérations formelles, ce sont les implications concrètes du projet qui inquiètent. Selon les données fournies par le Conseil d’administration de la CNOPSOrganisé en juin 2024, l’enjeu est de taille. Le Fonds couvre actuellement 3,1 millions de bénéficiaires, un chiffre qui donne une idée de l’impact potentiel de cette fusion.

Le Secrétaire Général de laUMT expose les préoccupations concrètes de syndicats :« En gros, une première analyse montre que la loi concerne plus de 3 millions de bénéficiaires… ils perdront des droits acquis, seront soumis à un taux de cotisation à la CNSS plus élevé, un panier de soins moins attractif puisque les maladies chroniques ne sont pas prises en charge par le régime CNSSun taux de remboursement plus faible… et la liste des points pénalisants est longue. »

Il convient de rappeler à cet égard que, lors du dernier conseil d’administration de la CNOPS (tenu en juin dernier), le président du conseil d’administration, Miloud Massidavait déjà attiré l’attention sur les « zones grises » de ce projet : « L’exclusion ou la marginalisation des CNOPS et certains Mutuelles réformes de laAMO n’est pas d’accord avec le principe de participation prévu dans la Loi-cadre 21-09 relative à la protection socialeni avec la dimension constitutionnelle du secteur mutualiste », a-t-il déclaré.

Les syndicats s’inquiètent également du sort des salariés de la CNOPS. Le projet de loi 54-23, qualifié d' »ambigu » par l’UMT, menace l’avenir professionnel de ces travailleurs. « Nous ne laisserons pas le gouvernement jouer avec l’avenir de centaines de salariés qui ont consacré leur carrière au service de la protection sociale », insiste un responsable syndical.

Le secrétaire général de l’UMT, Miloudi Moukharik, souligne également les enjeux de gouvernance que pose ce projet : « En tant qu’organisation syndicale représentée à la CNSS, nous savons que la Caisse, selon le dahir la créant, dispose d’un conseil d’administration souverain censé décider sur ce sujet. Nous savons que les membres du conseil n’ont pas non plus été consultés ni informés. » Cette remarque soulève une question cruciale : « Et si le conseil d’administration de la CNSS décidait de ne pas recevoir les membres de la CNOPS ? »

Le dirigeant syndical insiste sur le fait que ces changements n’ont jamais été discutés au sein des instances appropriées : « Le sujet n’a jamais été abordé dans le cadre de la dialogue social. LE gouvernement L’UMT pointe ainsi une incohérence majeure : « La même chose au niveau du conseil d’administration de la CNOPS, qui n’a lui aussi été ni consulté ni informé. » Ces explications détaillées du secrétaire général de l’UMT mettent en lumière les multiples facettes problématiques du projet de loi, tant en termes de droits des assurés que de gouvernance des institutions concernées. Elles renforcent les arguments des syndicats dans leur opposition à la méthode utilisée par le gouvernement pour mener cette réforme.

Par ailleurs, M. Moukharik tient à souligner que « l’UMT n’est pas contre une réforme équitable de la couverture médicale et nous avons participé et enrichi la charte médicale lorsqu’elle a été examinée au Parlement. Mais dans le détail de ce nouveau projet de loi, il s’agit des cotisations et du panier de soins, et nous sommes contre la méthodologie et la façon de faire adoptées par le gouvernement. »

Un équilibre financier précaire

Il faut souligner que le contexte financier dans lequel s’inscrit ce projet de fusion ajoute à la complexité de la situation. Les chiffres présentés lors du conseil d’administration de la CNOPS en juin 2024 sont aussi éloquents qu’inquiétants. En 2023, laAssurance maladie obligatoire dans le secteur public (AMO-Secteur public) L’Agence Nationale de la Santé a enregistré un déficit de 1,28 milliard de dirhams, s’ajoutant aux déficits des deux années précédentes. Cette situation financière délicate s’explique par plusieurs facteurs. Le conseil d’administration pointe du doigt « l’élargissement continu du panier de soins, notamment en médicaments coûteux, sans études médico-économiques, les prix élevés des médicaments, des dispositifs médicaux et des analyses biologiques, des soins dentaires, etc. » A cela s’ajoute le vieillissement de la population assurée et l’augmentation du nombre de personnes souffrant de maladies de longue durée et coûteuses.

Face à ces défis, le conseil d’administration avait appelé les autorités compétentes à prendre les « mesures d’urgence nécessaires pour assurer la pérennité d’AMO-Secteur public et rétablir son équilibre financier ». La fusion proposée par le gouvernement est-elle la réponse adaptée à ces enjeux ? Les syndicats en doutent et réclament une réflexion plus approfondie et concertée.

Vers un affrontement social ?

À la veille de la Conseil de gouvernement de ce 19 septembre 2024, alors que doit être examiné le projet de loi n°54-23, la tension est palpable. L’UMT a appelé ses adhérents à « rester vigilants et prêts à toute action pour défendre leurs droits ». Le spectre d’une mouvement social Un débat d’ampleur plane toujours sur le Maroc. Le secrétaire général de l’UMT expose la stratégie du syndicat : « Nous sommes dans la phase d’argumentation et de persuasion. Ce projet de loi touche aux intérêts des salariés. Si le gouvernement ne veut pas nous entendre, nous passerons à l’autre niveau, celui de l’argumentation de mobilisation de toutes les composantes syndicales pour un plan d’action pour pousser le gouvernement à renouer avec le dialogue. » Il soulève également une question cruciale : « Et si le conseil d’administration de la CNSS décidait de ne pas recevoir les adhérents de la CNOPS ? » Cette question met en évidence les zones d’ombre du projet et les difficultés potentielles de sa mise en œuvre. De son côté, le conseil d’administration de la CNOPS avait également tiré la sonnette d’alarme en juin dernier. Il avait « exhorté le gouvernement à préserver les droits acquis des assurés et à protéger les salariés de la CNOPS et de la Mutuelle au vu de la volonté de fusion des régimes. »

Alors que le Conseil de gouvernement s’apprête à examiner le projet de loi n° 54-23, ces questions restent sans réponse. La réponse de l’exécutif pourrait bien définir non seulement l’avenir de la CNOPS et de la CNSS, mais aussi les contours du modèle social marocain pour les années à venir. La balle est désormais dans le camp du gouvernement. Maintiendra-t-il le cap sur ce projet déjà controversé ou acceptera-t-il d’écouter les appels au dialogue ? La réponse à cette question pourrait bien déterminer le climat social des prochains mois.

lematin

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides

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