Les obsèques de Maryse Condé ont eu lieu ce vendredi 12 avril à l’église Saint-Germain-des-Prés à Paris, entourée de ses proches, de personnalités antillaises et d’anonymes. Une de ses dernières volontés ? La chanson « Belle-Ile-en-Mer – Marie-Galante » chantée par Laurent Voulzy pour ses obsèques.
« Il est temps de dire au revoir. » (« Il est temps de dire au revoir »). Sur la petite place aux pavés beiges de Saint-Germain des Prés, entourée des cafés littéraires les plus connus de Paris – Les Deux Magots et le Café Flore – des centaines de personnes se sont rassemblées ce vendredi 12, pour s’adresser une nouvelle fois à Maryse Condé.
Devant l’église, les proches de l’écrivain guadeloupéen se cherchent, s’embrassent, se soutiennent. Des bouquets et des gerbes de fleurs passent au-dessus de lui pour orner son cercueil. Les anonymes sont plus en retard. Ils n’osent pas s’approcher, de peur de déranger. Pourtant, rater cet événement serait impensable.
De l’autre côté de la route, Françoise observe la scène en silence. La Martiniquaise est seulement venue dire un mot : « MERCI ». « Pour l’écrivain, pour la femme, pour la mère qu’elle fut », Françoise a tenu à être présente, sans même savoir si elle pourrait assister à la cérémonie des funérailles.
Assis sur un banc, « loin des caméras », Chrislène et Juliette discutent joyeusement. Le premier vient du Bénin, le second de la Martinique. Pour ces deux femmes, Maryse Condé est mannequin. « J’ai beaucoup d’admiration pour cette femme, et pour la sensibilité de sa plume, » proclame Juliette. C’est une femme, une femme noire qui a pris ses responsabilités. »
Venez « solidarité féminine »Chrislène connaît moins bien le travail de Maryse Condé que sa voisine, mais envisage de s’y plonger. «Je suis très admirative de la femme résiliente, inspirante et combattante qu’elle était, confie Chrislène. Mais maintenant j’ai l’envie et j’ai hâte de découvrir son travail. »
« Maryse Condé, l’écrivaine est restée. Mais Maryse Condé, la mère, est partie.Sur l’autel, face à une église bondée, les trois filles de Maryse Condé prennent la parole à tour de rôle pour raconter l’histoire de leur Maryse. Pas seulement l’écrivain, mais la femme. «Cette mère, grand-mère et arrière-grand-mère aimante» qui ne sera plus assise dans son fauteuil à Gordes, « devant la porte ». Cette femme qui, rien qu’en prêtant sa fille « pull violet », partagé avec lui un « une force immense ».
Cette cuisinière hors pair, qui a continué à préparer des plats malgré sa cécité. « Je ne sais pas si je suis un grand écrivain, mais je sais que je suis un grand cuisinier » aimait à dire les Guadeloupéens, comme l’a rappelé l’évêque de Guyane, Monseigneur Ransay, lors de la cérémonie.
Dans un discours émouvant, le mari de Maryse Condé, Richard Philcox, lui a adressé ses derniers mots : « Il est temps de dire au revoir »). En anglais, Richard Philcox transpose le poème « Funeral Blues » de W. H Auden. « Elle était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest (…) Je pensais que l’amour durerait toujours : j’avais tort. » (« Elle était mon Nord, mon Sud, mon Est et mon Ouest (…) Je pensais que l’amour durerait pour toujours, j’avais tort. »)
Après une homélie centrée sur le thème de l’amour, l’évêque de Guyane, spécialement dépêché pour la circonstance, a lancé la prière finale : « Chère Maryse, nous te disons adieu, jusqu’au jour béni où nous te reverrons. » Les premières notes de l’Ave Maria résonnent et les têtes se tournent vers l’orgue, où la voix d’un religieux entonne cette mélodie cristalline.
Un dernier hommage maintient les admirateurs sur leurs bancs. Dernière demande du Guadeloupéen, Laurent Voulzy clôture la cérémonie. Le chanteur ne s’embarrasse pas de discours, la musique en dit bien plus. Il monte sur l’autel, branche sa guitare et entame sa chanson « Belle-Ile-en-Mer – Marie-Galante ». Comme une invitation à un dernier voyage, Laurent Voulzy chante doucement et lentement cet hymne d’amour aux îles, qui résonne sous les voûtes de l’église.
« Ça me touche beaucoup qu’elle me demande de chanter cette chanson. C’était un de ses souhaits que je vienne chanter à la messe. Je ne pouvais pas refuser, c’est une personne tout à fait exceptionnelle, une grande dame. »
A la sortie de l’église, personnalités et anonymes se mélangent. Des souvenirs s’échangent et des émotions sont partagées. « C’était une très belle cérémonie, il y avait une émotion palpable, explique George Pau-Langevin, ancien ministre des Outre-mer. Je pense que vraiment, il était important que nous puissions l’honorer à la hauteur de son talent. »
Pour le réalisateur martiniquais Euzhan Palcy, cet hommage ne doit pas être réservé uniquement aux défunts.« Quand J’ai vu cette église bondée, ça m’a réchauffé cœur. Mais çaCe n’est pas quand ils meurent qu’il faut penser à eux. Nous devons célébrer les gens pendant qu’ils sont en vie. Les artistes ou les gens que nous aimons.
Avant le départ du corbillard pour le cimetière du Père Lachaise, le mari de Maryse Condé se dirige vers le cercueil. Dans ses mains tremblantes, le drapeau indépendantiste de la Guadeloupe. Il le dépose délicatement sur le cercueil et murmure à l’assemblée : » J’ai fait ça pour elle, pour qu’elle pense à la Guadeloupe. « Son dernier souhait est exaucé, car comme le déclare Maryse Condé : « Je mourrai Guadeloupéen. Un Guadeloupéen indépendant. »