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Front médiatique commun : les signataires sanctionnés à France Télévisions

Les cinq membres du bureau de la Société des journalistes de France 3 (rédaction nationale), signataires du front médiatique commun contre l’extrême droite, soutenu par 90 rédactions, ont été démis de leurs fonctions ce vendredi par la direction de l’information de France Télévisions.

Publié le 21 juin 2024
Mis à jour le 21 juin 2024 à 19h01




Caroline Constant

De toute évidence, la fonction publique a un problème avec la liberté d’expression. Après Radio France et l’éviction de Guillaume Meurice et des voix historiques de gauche de France Inter, France Télévisions a décidé de suspendre de l’antenne les cinq membres du bureau de la Société des journalistes de France 3 – édition nationale.

Leur faute : avoir signé le « front commun des médias contre l’extrême droite », validé par 90 signataires dont une poignée de SDJ, ce jeudi 20 juin. Ironie de l’histoire : le RN n’a pas caché son intention de privatiser l’audiovisuel public en en cas de victoire massive aux élections législatives.

Pour la direction, cette tribune équivaut à un « appel à voter »

Le directeur de l’information de France Télévisions, Alexandre Kara, a adressé aux cinq journalistes concernés un email qui commence par une erreur de lecture monumentale : alors que la tribune parle de lutte contre l’extrême droite, détaille son programme d’oppression des minorités et qu’elle envisage de gag de la liberté d’expression, Alexandre Kara écrit : « Le service de l’information a pris note de votre appel à voter en faveur des candidats aux élections législatives », admettant toutefois que « Cela relève évidemment de la liberté d’expression. »

Il poursuit en affirmant que « Cet appel à voter s’avère incompatible avec le traitement de la campagne électorale sur l’ensemble des médias de France Télévisions. »

Et demande donc aux journalistes de « se retirer, lors de cette séquence, de toute couverture politique, conformément au guide des principes professionnels en matière de prévention des conflits d’intérêts – articulation entre fonction au sein de France Télévision et mandat électoral « .

Serge Cimino, première victime de l’épuration

Même si aucun de ces cinq journalistes concernés n’a de « mandat électoral ». Enfin, conclut-il, « Il en va de l’image d’impartialité de la rédaction de France Télévisions, et de la confiance que lui accordent ses téléspectateurs et lecteurs ».

Première victime de cette purge : l’éditorialiste de France Info Serge Cimino, qui a été prié de rentrer chez lui pour le week-end, selon une source interne. D’autres journalistes parmi cette liste de cinq personnes sont également sur la sellette.

A France Télévisions, il y a deux SDJ : une, très grande, qui compte près de 400 membres, et une autre, à France 3 – édition nationale – qui compte une centaine de membres. Dès jeudi, la première du SDJ a posté un tweet, où elle se désolidarise de la seconde : « Le SDJ de la rédaction nationale de France Télévisions – qui regroupe les journalistes de France 2 et France 3, et est largement majoritaire – n’a pas signé cette chronique, pour laquelle nous avons été contactés. Nous n’appelons pas à voter pour tel ou tel parti, estimant que ce n’est pas notre rôle en tant que représentants des journalistes du service public. « .

Une tribune qui n’appelle cependant à voter pour aucun parti

Outre le fait que le texte n’appelle pas au vote « pour telle ou telle fête »ce tweet est sans vergogne inféodé à l’extrême droite puisqu’il répond au tweet de Jean-Marc Morandini, éminent héraut de la galaxie Bolloré.

Nous avons donc d’un côté des journalistes qui mettent en garde contre les dangers de l’extrême droite, et de l’autre des journalistes qui leur donnent des garanties… sans avoir visiblement compris qu’ils seraient les premiers écrasés par cette machine.

En interne, une voix anonyme dire : « on a encore le sentiment que certains s’apprêtent à renverser la situation ». « Le président du SDJ de France Télévision est allé voir un signataire du SDJ signataire et lui a dit : « ce que vous avez fait est très grave. », bien qu’il s’agisse de deux associations différentes, avec des directions différentes. « .

Les journalistes concernés sont accusés de manque de neutralité. Dans les couloirs, raconte un journaliste, « nous sommes présentés comme des pestiférés, par certains »depuis ce jeudi.

Les deux syndicats, la CGT et le SNJ, devraient publier un communiqué de protestation contre la direction de France Télévisions en début de semaine prochaine. Les signataires ne réfutent à aucun moment leur signature : « on a l’impression que nous sommes les anti-démocrates, nous qui sommes infâmes »poursuit une voix anonyme.

Qui ajoute : « Il n’y a aucun doute, nous sommes droits dans nos bottes et la tête haute, cette chronique est merveilleusement écrite. Si c’était à refaire demain, nous signerions à nouveau.

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William Dupuy

Independent political analyst working in this field for 14 years, I analyze political events from a different angle.
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