François Bayrou, en déplacement à Mayotte, annonce une batterie de mesures pour la reconstruction de l’île
Ce sera donc « Mayotte debout ». Après une visite d’une journée à la tête d’une importante délégation ministérielle, le premier ministre, François Bayrou, a présenté, lundi 30 décembre, devant le conseil départemental, son plan pour venir en aide à l’île dévastée, le 14 décembre, par le cyclone Chido. Ce « Mayotte debout » a « une seule ligne directrice », a-t-il promis : « Pas de phrases, des décisions concrètes et précises, des engagements concrets et précis. »
Pris dans une polémique sur sa présence au conseil municipal de Pau deux jours après le cyclone et trois jours après sa nomination à Matignon, confronté à l’impatience et à la colère d’habitants et de représentants de l’île sur la lenteur des secours, M. Bayrou a égrené plusieurs dizaines de dispositions sur de nombreux thèmes, dont l’éducation, la santé, l’approvisionnement en eau et en électricité, ou encore le soutien à l’économie locale.
En parallèle, une « loi d’urgence » sera dévoilée vendredi en conseil des ministres, avec « une présentation au Parlement sous quinze jours », a annoncé M. Bayrou. Un projet de « loi-programme de refondation » de l’archipel « préparé et conçu avec les élus de Mayotte », sera mis au point dans les trois mois, a-t-il précisé.
Rentrée scolaire le 13 janvier
Parmi les dispositions phares détaillées lundi, figure l’engagement de l’Etat et des pouvoirs publics locaux à « interdire et empêcher la reconstruction des bidonvilles », reprenant un mantra d’Emmanuel Macron, venu sur place les 19 et 20 décembre. Une volonté qui pourrait être « inscrite dans la loi », alors qu’environ un tiers de la population de ce département, le plus pauvre de France, vit dans des habitats précaires, entièrement détruits.
Face à l’urgence d’une collectivité encore en partie privée de services essentiels, M. Bayrou a demandé que l’électricité soit « rétablie dans chaque foyer d’ici à fin janvier », grâce à « un renfort de 200 agents » et l’arrivée de « 200 groupes électrogènes, une dizaine par commune » pour faire fonctionner « les équipements indispensables ». Selon EDF, au total, 51,6 % des clients avaient été réalimentés en électricité au 29 décembre. « Avant la fin de la semaine, le volume de production d’eau potable obtenu avant Chido sera atteint », a également promis le chef du gouvernement.
Concernant l’éducation, la rentrée scolaire, impactée par les ravages du cyclone, aura lieu « le 13 janvier », selon des modalités adaptées, « établissement par établissement », a expliqué François Bayrou. « Une scolarisation temporaire pourra être organisée dans l’Hexagone » pour certains élèves, a ajouté le premier ministre.
Il a également annoncé le lancement d’un « plan vigilance » à Mayotte associant armée et gendarmerie pour « surveiller » les établissements scolaires face aux menaces d’incendie et de pillage. Le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila, venait, en séance, de dénoncer que l’on ait, lundi, « brûlé une école de la République » transformée depuis quinze jours en centre d’hébergement.
Recenser la population
Face à l’immigration irrégulière – le département compte 320 000 habitants selon l’Insee, mais peut-être 100 000 à 200 000 de plus avec les sans-papiers –, M. Bayrou a plaidé pour un « recensement général et précis de la population ».
Une « opération vérité qui permettra de sortir des ambiguïtés et des incohérences que beaucoup d’élus ont signalées sur l’appréciation numérique de la population », a-t-il fait valoir, alors qu’il avait plus tôt dans la journée jugé « irresponsable » de prétendre « qu’il n’y a pas un problème d’immigration brûlant à Mayotte ».
Sur le volet économique, M. Bayrou a dit que les cotisations sociales seront suspendues « pour toutes les entreprises jusqu’au 31 mars ». Des compensations de pertes de chiffres d’affaires, ou encore des facilités de prêts sont également prévues.
« Il ne s’agit pas seulement de reconstruire Mayotte comme elle était. Il s’agit de dessiner l’avenir de Mayotte, différent », avait expliqué, dans la journée, le chef du gouvernement qui a répété son « objectif » de rebâtir Mayotte en deux ans.
Ces mesures vont « incontestablement dans le bon sens », a réagi, sur X, la présidente du groupe Rassemblement national au Palais-Bourbon, Marine Le Pen, souhaitant que « les espoirs des Mahorais ne soient pas à nouveau trahis ».
Désespoir des habitants
Accompagné de cinq membres de son gouvernement – dont les ministres d’Etat Elisabeth Borne (éducation) et Manuel Valls (outre-mer) –, M. Bayrou a visité l’usine de dessalement d’eau de Petite-Terre, un hôpital de campagne, une école dont plusieurs salles de classe ont été dévastées, avant de multiplier les rencontres avec les forces vives et les élus de l’île.
La délégation s’est aussi heurtée au désespoir des habitants, à l’image de cette séquence au cours de laquelle Elisabeth Borne a été interpellée par deux enseignants qui ont témoigné des difficultés du quotidien. « OK », leur a répondu la ministre de l’éducation avant de quitter les lieux. « Image terrible. Une ministre ne peut pas tourner les talons en méprisant le témoignage d’enseignants qui alertent sur la situation sanitaire », a grincé le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
Chido, cyclone le plus dévastateur à Mayotte depuis quatre-vingt-dix ans, a causé la mort de trente-neuf personnes et fait plus de 5 600 blessés, selon un bilan publié dimanche par la préfecture. Concernant le nombre des victimes, M. Bayrou a appelé, lundi, à une « très grande prudence », affirmant que les « rumeurs de milliers de morts » n’étaient « pas fondées ».
Après Mayotte, M. Bayrou devait poursuivre sa visite mardi matin sur l’île de La Réunion, importante base logistique pour l’aide à l’archipel mahorais, avant de regagner la métropole.
« Dans le Sud, dans le Nord, on est les oubliés de ce territoire. Ils [les plus hauts responsables politiques] restent toujours à Mamoudzou », a déploré une habitante, Marachi Maoulida, « déçue » de cette visite gouvernementale d’une journée, mais qui veut rester « optimiste ».